Interview: ASYLUM PYRE

Interview ASYLUM PYRE. Entretien avec Johann (guitare, chant). Propos recueillis au Black Dog à Paris, le 11 avril 2019

 

Metal-Eyes : Vous avez passé toute la journée en promo. Comme ça a été jusque là ?Il y en a une qui a l’air particulièrement en forme aujourd’hui… (Note de MP : Oxy Hart, la chanteuse est particulièrement blagueuse et répond à une autre journaliste)

Johann: (Il rit) oui, oui… Je suis moins expansif mais ça fait plaisir. Tout se passe super bien, les questions sont intéressantes, les retours sur l’album sont super…

Metal-Eyes : Vous sortez aujourd’hui votre quatrième album. Comment ce N°4 – ou « number four », je ne sais pas comment vous l’appelez, mais vous chantez en anglais…

Johann: … c’est selon les pays, c’est adaptable.

Metal-Eyes : Comment a-t-il été conçu ce nouvel album ? Dans la création et la composition, avez-vous changé vos habitudes de travail ?

Johann: Oui et non. Ce qui n’a pas changé, sur ce disque par rapport au précédent, c’est que c’est moi qui apporte la base des morceaux. J’aime bien arriver avec des morceaux quasiment complets dans la structure, la mélodie, les paroles, mais il y a beaucoup de choses qui restent à faire, de arrangements, des structures à réarranger, tout ce qui est travail de groupe. Et là, comme l’équipe a changé, ça a forcément changé des choses, notamment avec l’arrivée de Thomas Calegari à la batterie, qui est avec nous depuis 2016 – avec la tournée Rhapsody. C’est quelqu’un qui a 30 ans d’expérience, qui sait comment faire sonner une batterie, lui donner du groove, jouer ce qu’il faut et pas plus. Il était associé à Pierre Emmanuel Pélisson à la basse qui a pas mal d’expérience aussi (ex Heavenly) et les deux, ça fait une bonne assises. On a travaillé les guitares avec Niels Courbaron, qui était avec nous sur les tournées. C’est un ami et quand on a enregistré l’album, on n’avait pas de guitariste et il m’a aidé à le faire. Et on a énormément travaillé avec Oxy sur les arrangements, les lignes de chant, la répartition…

Metal-Eyes : Oxy qui est aussi arrivée en 2016.

Johann: Tout à fait, à l’été 2016.

Metal-Eyes : Donc cette nouvelle équipe date de 2016 ?

Johann: Quasiment. Le changement qu’il y a eu c’est que l’année dernière, Pierre Emmanuel avait des problèmes de disponibilité, donc on avait dû se séparer. Là, il redevient disponible, mais, ce qui est amusant c’est qu’entre-temps, on lui a trouvé un remplaçant à la basse, à savoir Fabien, et PE est revenu, en tant que guitariste. Et on s’aperçoit qu’il déchire autant à la guitare qu’à la basse, et c’est très plaisant.

Metal-Eyes : J’imagine que tous ces changements ont forcément entraîne des modifications dans l’esprit et le fonctionnement du groupe. Comment analyses-tu l’évolution d’Asylum Pyre entre vos deux derniers albums ?

Johann: Déjà, je sais plus ce que je veux, je sais aussi plus dire au gens ce que je veux. J’ai un peu hérité de ce rôle de leader, je n’aime pas trop ce terme, mais je sais que parfois on attend de moi de montrer de façon un peu plus nette une direction. Ce que je ne faisais pas forcément sur les albums d’avant. Trouver le bon équilibre entre savoir où on va et ne pas imposer trop de choses, c’est finalement là-dessus que j’ai le plus progressé. Même si dans le futur j’ai vraiment envie d’ouvrir la porte de la composition à tous les membres du groupe. Jamais une proposition ne sera mise à la poubelle sans qu’elle ne soit testée, essayée. Aujourd’hui je sais beaucoup plus vers où aller. L’album d’avant aurait dû sonner comme celui-ci, mais voilà : tous les gens impliqué dans le process de l’album, internes ou externes au groupe, tout le monde traversait une phase pourrie de sa vie, quand on a enregistré Spirited away. Ce qui a eu un impact sur le résultat. Avec le recul, je me dis que cet album aurait dû sonner comme N°4. Je n’exclu pas la possibilité, et j’aimerai même le faire, la possibilité de le réenregistrer de façon plus sereine et donner une meilleure chance à ces titres.

Metal-Eyes : Il y en a qui l’ont fait. Je pense notamment au thrashers de Hemoragy qui ont réenregistré entièrement Jesus king of wine dont le son au départ était complètement pourri et qui ont voulu lui donner uen seconde vie. Revenons à vous : au moment d’enregistrer ce disque qui, je l’espère va marquer les esprits, vous rendiez-vous compte, ou vous rendez-vous compte aujourd’hui, du nombre de hits potentiels que vous avez pondus ?

Johann: Je ne sais pas… ça me fait vraiment très plaisir tout ce que tu dis, ça me touche vraiment, merci. C’est… Pour moi, un bon morceau, en tout cas pour moi, c’est d’abord un bon refrain. 90% du temps, je commence par écrire le refrain et après ça se construit. Quitte à ce que, paradoxalement, sur un titre comme (D)earth, on avait un morceau, on l’a travaillé ensemble et on a quasiment tout changé derrière (rires)… jusqu’au refrain qui a été totalement changé. C’était une sorte de truc fusion qu’on a créé avec Oxy sur le refrain, mais le morceau en lui-même a été rechangé suite à une rythmique de batterie. Thomas a proposé quelque chose… et c’était pas ta question (rires).

Metal-Eyes : Non… En fait, quand tu regardes les réseaux sociaux, quand on parle du groupe, de l’écoute de l’album, les gens s’emballent. Je n’ai vu que des commentaires positifs. Aujourd’hui, vous dites vous « on tient quelque chose » ? Parce que, ça, il va falloir le travailler…

Johann: J’attends d’avoir tous ces retours pour savoir comment me positionner. J’ai vraiment fait l’album qui me plaisais, que j’aurais envie d’écouter en terme de refrains, en fait. J’adore chanter les refrains, c’est pour ça que je suis parfois client de choses un peu pop, Sia ou Lady Gaga, je trouve ça génial. On essaye de retrouver ça tout en ayant comme objectif des groupes ultimes comme – c’est un objectif – comme Queen qui arrive à faire à la fois des refrains accrocheurs et avoir des structures et des arrangements hyper complexes. Et ça, c’est une sorte de graal absolu. L’ingé son nous avait dit ça aussi, que tous les titres pouvaient servir de single. J’ai envie de continuer dans cette voie là. C’est ce qui me fait vibrer, avec le côté épique. Peut-être refaire des chansons un peu plus longues aussi, ce qui sera sur l’album prochain. On a déjà quelques idées aussi…

Metal-Eyes  (l’interrompant) : Pour le moment, parlons de celui-ci…

Johann: Oui : on a juste fait l’album qui nous faisait plaisir. Pour finir avec cette question, tu me demandais si j’en avais conscience. Je ne sais pas si j’en avais conscience, mais je sais que c’est la première fois, quand je suis sorti du studio et que j’avais le produit fini entre les mains, je l’ai écouté chez moi ou dans la voiture, alors que pour les 3 autres, jamais ça ne m’est arrivé. Je repérais trop de choses et me disais qu’on aurait pu faire comme-ci ou comme-ça, et là je le réécoute avec plaisir, juste pour le plaisir, comme si c’était l’album de quelqu’un d’autre.

Metal-Eyes : Justement, votre ingé son vous a  dit que chaque titre pouvait faire office de single. Toi, si tu devais ne retenir qu’un titre de ce N°4 – numer fier, ja !  (il explose de rire) – si tu devais ne retenir qu’un titre pour expliquer ce que vous êtes aujourd’hui, ce serait lequel ? Pas ton préféré, pas le plus radiophonique, mais celui qui vous représente… Quelqu’un qui ne connais pas le groupe, tu lui dirais « écoute ça, c’est ce qu’on fait »

Johann: Ah ! Pas mon préféré… C’est une bonne question…

Metal-Eyes : J’aime bien en poser de bonnes de temps en temps.

Johann: Oui…J’hésite quand même entre trois titres… One day, pour le côté un peu moderne et pop à la fois, avec du rap et des choses un peu plus agressives ? On first earth, parce que ce titre mélange du speed et de l’émotionnel un peu plus soft. Mais quand on voulu auditionner des personnes, quand on recherchait un guitariste, j’envoyais MCQ drama parce que là, il y a tout ce qu’on fait : de la gratte, du crunch, du speed, du solo torturé, du solo mélodique, du trip épique… Un peu de tout. C’est peut être MCQ drama qui montre le plus de choses. C’est une chanson qui traite de la difficulté à faire des choix et musicalement on s’est dit « ne faisons pas de choix, mettons tout »

Metal-Eyes : L’autre jour, j’étais chez un disquaire pas très loin d’ici. Il passait une chanson qui me fait de l’effet à chaque fois : Sex, drugs and scars. Pourquoi ce titre ? Le sexe, ok, les drogues, pas trop mon truc, les cicatrices… en dehors de celles du cœur…

Johann: Il faut replacer tout ça dans un contexte global, déjà du concept, qui est lié, à la base, à l’écologie, à nos sociétés et mal que les gens de nos sociétés peuvent ressentir, par le stress des grandes villes, du monde du travail… et qui amène peut-être à des déviances, à essayer de trouver dans des choses un aspect rassurant, dans le sexe parfois. Il y a un aspect rassurant même s’il est totalement éphémère. Les drogues dont on parle ce n’est pas celles comme l’héroïne, la cocaïne ou même la beuh, même si pour certains, ça peut l’être. Celles auxquelles on fait le plus référence dans cette chansons ce sont celles prescrites par les médecins, les anxiolytiques, anti dépresseurs qui sont là pour soigner les effets et non les causes et qui ne vont pas forcément t’empêcher d’aller dans des déviances. ET les « scars », c’est comme tu dis, les blessures internes, le blessures du cœur avec lesquelles tu vas t’en sortir en ayant cru te soigner par des choses un peu simples, des choses artificielles et au final, tu t’en sors plus mal qu’au début.

Metal-Eyes : Un autre titre m’a aussi marqué, c’est Borderline où le chant d’Oxy est en effet complètement borderline. Elle est vraiment limite… Vous l’avez travaillé comment ? Celui-là, il évoque Queen…

Johann: C’est venu assez naturellement. Il n’y a rien où on se soit forcé. On a retravaillé certaines choses mais on ne s’est pas forcés. Finalement, il y avait dans Borderline un couplet pas terrible. J’ai dit à Oxy de tenter ça, un peu comme… Ah, cet artiste pop un peu torturé… Gwen Stefani, Bjork (Note de MP : un peu de Klaus Nomi, aussi ?) … Elle a ce côté un peu caméléon, elle sait tout faire. Je lui ai dit « vas-y, teste ça » et ça allait bien avec ce côté borderline, qui n’est pas de la dépression, pas de la schizophrénie… Ce clin d’œil là est ressorti en fait assez naturellement.

Metal-Eyes : Un album se défend sur scène. Déjà, la première et dernière fois que je vous ai vus, c’était au PMFF, à Ris Orangis. Je dois t’avouer que vous avez offert une des prestations qui m’a le moins marqué.

Johann: Ah oui ?

Metal-Eyes : Ce que j’avais écrit à l’époque c’est que mon sentiment est qu’il n’y avait pas une véritable unité entre les musiciens. Quel en est ton souvenir et comment allez-vous défendre ce disque sur scène ?

Johann: Euh… c’est marrant parce que pour le coup on avait plutôt eu des retours inverses. Le line-up avait beaucoup changé, je ne sais même pas si PE était à la basse… C’était un peu dans le speed, c’était un des premiers concerts qu’on donnait, l’album n’avait pas encore été enregistré. Finalement, je pense que peut-être qu’on était moins soudé, comme tu le dis. Aujourd’hui, je suis assez confiant sur la suite parce que humainement quelque chose s’est créé entre les membres du groupe qui fait qu’il y a une réelle unité qui permet de partager et de s’ouvrir au gen,s. Je pense que parfois, par le passé, sur scène, on essayait de se donner mais, par certaines choses, il y avait une sorte de filtre entre le public et nous, ce qui est en train de s’estomper totalement notamment grâce à la personnalité d’Oxy qui ouvre la musique au reste de l’audience. On se prépare, déjà pour être bien carrés au niveau de l’interprétation.

Metal-Eyes : Et au niveau visuel, vous préparez des choses ?

Johann: On va travailler un peu le jeu de scène, on va avoir quelques éléments visuels à mettre sur scène. Ce sont des éléments qui vont s’étoffer au fil des dates. Malheureusement, ça a un cout, aussi, mais on va notamment le travailler pour un concert à la rentrée. Aujourd’hui, on n’a pas donné de release party ou d’autres concerts parce que ça n’avait pas trop de sens de faire un truc juste après la sortie avec ce nouveau line-up. Ca fait longtemps qu’on est absent. On voudrait installer cet album dans le paysage, reconvaincre les gens de venir nous voir et installer cet album dans le paysage avant de donner ce concert à la rentrée.

Metal-Eyes : Ce qui permettra à l’album de sortir, de vivre et de trouver son public.  C’est Béranger Bazin qui est responsable de cette pochette que je trouve superbement gothique. Quelle est la signification de cette princesse couronnée qui porte un masque à gaz ?

Johann: Oui. Aujourd’hui, il y a cette évolution de l’état de la terre au fil des albums. Il y a un impact sur les gens et aujourd’hui, on se retrouve dans une situation où notre réveil est obligatoire – The mandatory awakening, qui est un peu le sous-titre de cet album (Note : je m’en saisis et le tourne en tout sens sans trouver ce sous-titre…) Qui n’apparait pas (il rit). Dans cet univers, qui est plus dans le pré apocalyptique, on essaie de lever des combattants, des armées pour défendre la terre. Les membres du groupe sont des personnages ayant une double vie : une officielle, une dans la résistance. Le personnage d’Oxy, dans le monde officiel, est mannequin, top modèle, et elle est l’égérie d’une marque de parfum, qui est le numéro 4, en clin d’œil à un autre numéro. La pochette devait être un peu comme une pub de parfum. Et puis, on est dans un monde, en 2050, où l’air est devenu tellement irrespirable, le masque à gaz indispensable, que des gens ont eu l’idée d’en faire des éléments de mode. Elle est reine de beauté avec un masque à gaz.

Metal-Eyes : Si tu devais imaginer une devise pour Asylum Pyre en 2019, ce serait quoi ?

Johann: Il y en plusieurs. Dans la pochette de l’album, il y a celle que j’écris partout, qui est « Tree your mind », libère ton esprit en y mettant un peu d’arbre dedans. Il y aussi le logo, avec les racines de l’arbre et, en haut, le côté rigide des villes. Ce mélange de tradition et modernité qu’on peut retrouver dans la musique. On a aussi un clin d’œil : on a une communauté qui s’appelle My Eternal Trees Among Legion et si tu regardes les initiales, ça fait METAL. Et on a aussi Metal : once you’re in, you’re in for life : on a le côté musique metal, et défendre les arbres, une fois que tu y es, c’est aussi pour la vie.

Metal-Eyes : Quelle a été la meilleure question, la plus surprenante qui t’ai été posée aujourd’hui ?

Johann: Ah… C’est celle que tu m’as posée tout à l’heure, et je t’ai dis « bonne question »…

Metal-Eyes : Euh… « Si tu devais ne retenir qu’un titre » ?

Johann: Oui, c’est ça. Quelqu’un m’a parlé aussi du fait que quand le numéro 5 a été créé par Chanel, ils voulaient faire quelque chose d’artificiel. Il voulait savoir si nous aussi on voulait faire quelque chose de artificiel. En effet, le coté artificiel de la musique et des personnages est intéressant.