Interview: BLIND CHANNEL

Une quinzaine d’années après la victoire d’un groupe monstrueux, la Finlande envoie une nouvelle salve métallique la représenter sur les planches de l’Eurovision. En arrivant 6ème, Blind Channel s’est joliment fait remarquer et a pu avancer de très belle manière ses pions sur l’échiquier mondial. C’est donc avec un réel plaisir que Metal Eyes a pu s’entretenir avec Niko, un des deux chanteurs au cours d’une interview plus que sympathique. Une très jolie découverte!

Interview BLIND CHANNEL : entretien avec Niko (chant). Propos recueillis par Skype le 10 juin 2021

Metal-Eyes : Niko, tout d’abord, Blind Channel, c’est quoi ?

Niko : Blind Channel est un groupe de metal qui a vu le jour en Finlande en 2013. Nous décrivons notre musique comme de la pop violente (« Violent pop »)

 

Metal-Eyes : Ce qui est le titre de votre dernier album…

Niko : Oui, c’est son titre.

 

Metal-Eyes : Vous vous êtes donc formés en 2013… Comment décrirais-tu votre musique à quelqu’un qui ne connais pas le groupe, au-delà de simplement Violent Pop ?

Niko : C’est là qu’est justement née l’idée de pop violente : nous avions plusieurs démos de prêtes que nous devions envoyer à des radios locales. « Nu metal » nous paraissait trop ancien, démodé, « rock alternatif » nous semble être la manière la plus ennuyeuse de décrire ta musique, tu ne sais pas quoi en dire… Nous voulions quelque chose de court et catchy. C’est alors que j’ai suggéré cette idée de Violent pop, ce qui est le moyen le plus court de nous décrire. C’est du rock direct avec une touche mainstream. Nous sommes clairement un groupe de rock, mais nous aimons tout ce qui est mainstream : nous adorons la pop, le rock, le rap, le hip hop, l’électro. Si nous aimons une chanson à la radio, nous avons envie de faire la même chose en y apportant une touche de rock. Nous sommes un groupe de 6 musiciens, chacun apporte sa touche, nous mélangeons tout et nous voyons ce qui en ressort. Voilà ce qu’est la pop violent.

 

Metal-Eyes : Violent pop est sorti en 2020, c’est votre troisième album. Avant, vous avez publié Revolutions en 2016, trois ans après la formation du groupe, puis Blood brothers en 2018. C’est un bon rythme que de sortir un album tous les deux ans ?

Niko : Oui, c’est bien.

 

Metal-Eyes : Comment décrirais-tu l’évolution de Blind Channel entre Blood brothers et Violent pop ?

Niko : Notre premier album, Revolutions, c’était la découverte, la première fois que nous enregistrions un disque. Tu peux entendre que c’est assez sauvage, sans retenue… Il y a certaines de mes chansons préférées, et on entend bien l’orientation musicale. Blood brothers, nous avions un peu plus d’expérience. Les paroles étaient plus personnelles, plus osées. Après cet album, nous avons écrit beaucoup de chansons et avions le sentiment que ce concept de pop violente avait atteint ce que nous recherchions. Nous avons donc appelé cet album ainsi, et si quelqu’un nous demande « mais c’est quoi cette idée de pop violente », on peut lui tendre l’album et lui dire d’écouter.

 

Metal-Eyes : Donc, l’évolution entre les deux derniers albums, c’est la réelle définition de votre identité musicale de pop violent.

Niko : Oui, définitivement. Et, aussi, nous étions assez jeunes lorsque nous avons enregistré les deux premiers albums, et entre Blood brothers et Violent pop, il s’est passé beaucoup de choses, nous avons eu des moments sombres. Nous avions la vingtaine, et il se passe de choses pas toujours drôles à cet âge. J’écris les paroles, et j’ai abordé des choses très personnelles. Je vivais des moments sombres, et c’est là que j’ai pu composer. « Putain, ouais, c’est Violent pop tout ça ! » Nous voulions écrire de chansons vraiment catchy… Beaucoup de choses nous sont arrivées depuis…

 

Metal-Eyes : Nous ne vous connaissons pas vraiment en France (il confirme). Comment vous êtes-vous rencontrés et réunis, tous les 6 ?

Niko : Nous fréquentions la même école de musique dans le nord de la Finlande. Je savais qui était ces gars, mais je ne les fréquentais pas. C’était des rockers, moi, un rappeur. Les gars jouaient dans des groupes, tournaient dans des bars en Finlande, leurs groupes se sont séparés… Ils voulaient former un nouveau groupe. Et il y a eu cette fête où nous étions tous, ils m’ont dit monter un groupe mais ne voulaient pas être un simple groupe de rock. Ils voulaient faire quelque chose de frais, neuf. Ils savaient que j’évoluais dans le rap et ont pensé que je pouvais apporter quelque chose de neuf. Je me suis dit : « pourquoi pas ? », on s’est retrouvé au local de répétition et là, tout s’est mis en place tout seul. C’était génial, ça sonnait nouveau. Nous avons commencé à composer. Alexis, le dernier arrivé, le 6ème membre, est un de nos vieux amis qui a une réputation en tant que DJ ici, en Finlande. Il est assez connu. Il est tombé amoureux de notre musique et, il y a environ un an, il nous a dit : « de toutes façons, je suis coincé ici, pourquoi ne pas m’intégrer au groupe ? » Il est officiellement le sixième membre et nous avons enfin le sentiment que Blind Channel est au complet.

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un titre de Violent pop pour expliquer à quelqu’un ce qu’est votre musique, laquelle serait-ce ?

Niko : De Violent pop ? Sans hésiter, ce serait Over my dead body. C’était le premier single, et une des premières chansons que nous avons composées pour cet album et celle qui nous a permis de nous faire un nom.

 

Metal-Eyes : Es-tu fatigué de parler du concours Eurovision ou pas encore ?

Niko : Eh bien… (il agite la main et rigole). Allez, on peut parler de l’Eurovision si tu le souhaites.

 

Metal-Eyes : Certains vous ont découverts lors de votre passage à l’Eurovision. Comment un groupe comme Blind Channel se retrouve-t-il impliqué dans un tel concours ?

Niko : Ben, on ne savait pas quoi faire d’autre (rire général). Nous avons sorti Violent pop, avions une grosse tournée européenne prévue et, soudain, tout a été annulé…Nous savons tous pourquoi. Nous étions dans notre local et nous nous sommes dit que nous avions construit quelque chose pendant 7 ans, et n’avions aucune envie d’attendre. Notre guitariste nous a dit : « les gars… On devrait aller à l’Eurovision ». La plupart d’entre nous lui a dit que nous sommes un groupe de rock, que nous n’avons rien à faire là-bas…et on a commencé à y réfléchir : « et pourquoi pas, ça pourrait être top ! » Nous connaissions l’Eurovision, mais aucun de nous ne l’avait jamais regardé. Il fallait que nous y allions pour savoir ce que c’était. Et c’était une super fête, une des plus belles expériences de ma vie ! Je pourrais en parler quand je serai un vieil homme. Et ça a propulsé notre carrière : maintenant, l’Europe entière connait Blind Channel. Même si nous étions sceptiques au départ, je crois que c’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver cette année.

 

Metal-Eyes : Je peux l’imaginer. Te rends-tu compte que depuis la création de l’Eurovision en 1961, la Finlande a presque toujours été représentée mais que seuls 12 groupes ou artistes ont fini dans les 10 premiers du classement. Parmi eux, seuls 2 viennent du rock/metal : vous cette année et Lordi qui est arrivé premier en 2006. Tu crois que le concours Eurovision devrait plus se tourner vers le rock que la variété ?

Niko : Absolument, regarde qui a gagé : Maneskin, un groupe rock. C’est la meilleure chose qui puisse arriver : qu’un groupe de rock gagne ce concours, et que nous soyons parmi les 10 premiers ! Les gens ont besoin de rock ! Ce n’est pas que le rock, peu importe le genre : une bonne chanson est une bonne chanson, que ce soit du jazz, de la musique classique, de l’électro… C’est avant tout un concours de pop, avec de bonnes chansons. Mais s’il y avait un spectre plus large, une plus grande représentativité des genres… Une chanson pop et une autre et une autre encore… ça devient vite lassant. Tu ne peux pas regarder ça pendant deux heures !

 

Metal-Eyes : En 2006, lorsque Lordi est rentré en Finlande, ils ont été accueillis en héros. Comment s’est passé votre retour ?

Niko : C’était très cool… un peu comme des héros aussi, bien que nous ne soyons partis que 48 heures. Mais nous étions saouls de fatigue ! A part cela, je crois que les gens étaient très contents de notre position. Un moment historique pour la Finlande qui n’a pas tant de top 10 que ça. Les gens étaient sceptiques au départ « ces gars ne vont jamais y arriver, l’Eurovision n’est pas faite pour ce genre de groupe… » ! On était content de pouvoir leur prouver le contraire. Oui, l’accueil a été assez héroïque, mais je ne m’en souviens pas tant que ça. C’était fun !

 

Metal-Eyes : Vous êtes arrivés 6èmes. Il y a 6 membres dans le groupe. Que ce serait-il passé si tu t’étais débarrassé des 5 autres membres ?

Niko : Oh, mon dieu, je n’y avais pas pensé sous cet angle… Merde, je sais que j’aurais dû le faire en solo (rires) !

 

Metal-Eyes : Le concours Eurovision a permis à Blind Channel de grossir et de toucher un plus vaste public à travers les stations de streaming ou les ventes en lignes. Comment allez-vous gérer votre image à l’issue de ce concours ?

Niko : Eh, bien… nous allons proposer de la nouvelle musique, et surtout un nouvel album. Pendant l’Eurovision, nous avons signé un gros contrat de disque, alors nous devons enregistrer un super album qui sortira l’année prochaine. Nous n’allons pas nous arrêter là. Comme je l’ai dit, l’Eurovision n’a jamais été un rêve, mais ça représente une étape dans notre carrière, un peu décalée, mais nous n’avions rien d’autre à faire. Maintenant, nous sommes vraiment reconnaissants envers tout ce que l’Eurovision a pu nous apporter, nous avons plus de followers, de fans. Mais le travail continue, notre rêve était de tourner à travers le monde avec notre musique. C’est toujours notre but. L’Eurovision fait que les attentes du public sont importantes, et c’est une bonne chose, on a faim, et on va prouver aux gens ce dont nous sommes capables !

 

Metal-Eyes : Tu disais que tout avait été annulé en 2020 alors que vous aviez une grosse tournée prévue. Où deviez-vous vous produire ?

Niko : Nous devions jouer partout en Europe. Nous étions en pleine tournée qui a commencée en janvier. Nous étions en train de tourner quand nous avons commencé à entendre parler de ce truc, « le coronavirus ». On se demandait « Mais de quoi ils parlent ? » et alors que nous faisions route vers la Finlande, il semble que toutes les frontières fermaient les unes après les autres juste derrière nous ! Là, nous avons pris conscience que ce coronavirus était réel. On pensait que ça n’arriverait jamais en Finlande, non, c’est trop loin la Finlande (rires). Nous nous préparions à la sortie de l’album avec un gros concert en tête d’affiche quand nous avons reçu cet appel nous annonçant que ce concert était annulé… On s’est sentis vraiment mal… Nous recommençons à prévoir de tourner, doucement.

 

Metal-Eyes : Tu nous a dit que tu viens du rap, mais quelles sont tes influences en matière de rock ?

Niko : Linkin Park, c’est le point commun à tous les membres du groupe. Notre amour pour Linkin Park est ce qui nous a réunis à cette fête. Je n’aimais pas les mecs qui écoutent du rock, ils n’aimaient pas les mes qui écoutent du rap et un jour, quelqu’un nous a conseillé d’couter Linkin Park. Ça nous a tous mis d’accord ! Maintenant, j’aime beaucoup Bring Me The Horizon, ils sont extra. Sur la scène pop, j’aime beaucoup Pauls Malone (ndMP : pas sûr de l’orthographe…), j’aime beaucoup depuis quelques années. Il ne fait pas que du rap, il mixe beaucoup de choses et j’aime vraiment le résultat. Plus jeune, j’écoutais Eminem, le king of rap…

 

Metal-Eyes : La Finlande figure déjà sur la carte du rock avec quelques groupes mondialement célèbres. Comment comptez-vous faire pour monter sur le podium ?

Niko : Simplement en cherchant à faire toujours mieux, repousser les barrières. Si tu te contentes de ce que tu as fait, ça ne sert à rien : va plus loin, donne-toi des défis et relève-les ! Tu as donné un super concert ? Le prochain doit être meilleur encore. Tu as écrit une bonne chanson ? Fais mieux encore ! Nous sommes nos premiers critiques. Ce n’est pas une compétition avec d’autres groupes, c’est une compétition avec nous-mêmes. Nous voulons simplement faire toujours mieux. Jusqu’à présent ça fonctionne, et nous allons continuer ainsi. Peut-être un jour en récolterons-nous les fruits. Tu sais, nous venons d’une petite ville de Finlande, et toute notre carrière a été rythmée par l’industrie de la musique, des maisons de disques, des représentants… Personne ne croyait que quoi que ce soit de bon puisse venir de Finlande… On leur dit d’aller se faire foutre et de nous regarder…

 

Metal-Eyes : Quelle est alors ta définitions d’une « bonne » chanson et d’un « bon » concert ?

Niko : Une bonne chanson, c’est celle dont tu ne te lasses pas, que tu as envie d’écouter encore et encore. Peu importe le genre… Un bon concert… Nous sommes un groupe de scène, il faut nous voir live. Nous bougeons tout le temps, nous voulons vraiment avoir un show marquant, avec de la pyrotechnie, des explosions, que le public se demande ce qu’il se passe… Qu’il ait quelque chose à voir et écouter.

 

Metal-Eyes : Une chanson comme Dark side (présentée à l’Eurovision), pourrait-elle devenir un hymne à reprendre live, en chœur ?

Niko : Beaucoup de gens le disent, je ne sais pas, je suis trop proche de cette chanson (rires) !

 

Metal-Eyes : Une dernière chose : quelle pourrait être la devise de Blind Channel ?

Niko : Nous avons une devise, mais c’est en finnois… En anglais, ça donnerait quelque chose comme « mets-toi au boulot ! »

 

Metal-Eyes : Ce qui va de pair avec votre esprit de dépassement. As-tu quelque chose à rajouter pour le public français ?

Niko : Disons… Merci pour votre soutien, et si vous ne nous connaissez pas encore, allez découvrir notre musique et rejoignez la « violent pop revolution ».