Interview: SLAVES OF IMPERIUM

Interview SLAVES OF IMPERIUM. Entretien avec Matthew Barry (guitare lead) le 13 mai 2024

Comme c’est la première fois que nous parlons, commençons par la question la plus originale, décalée et rock’n’roll qui soit : Slaves Of Imperium c’est quoi, c’est qui, vous venez d’où ? Ça a été monté quand et pourquoi ?

Ah ouais… C’est une grosse question (rires) !

Je t’ai posé toutes les questions de l’interview en une seule !

C’est bien. Alors… Slaves Of Imperium s’est formé en 2019 à partir de deux autres groupes de la scène bretonne. On était tous dans d’autres groupes avant et on s’est rencontrés sur les scènes locales. On avait la volonté de créer quelque chose qui nous correspondait plus que ce qu’on faisait.

Vous étiez dans quels groupes tous ?

J’étais dans un groupe de reprises hard rock, Backstage, on tournait sur les scènes du Morbihan principalement. Cédric (Sébastian, chant), David (Péné, guitare rythmique) et Kristen (Gachet, batterie) étaient dans un groupe de metal symphonique, Inimorality. C’était sympa, mais ça ne nous convenait plus. On a monté Slaves Of Imperium ensemble pour subvenir aux besoins créatifs de chacun. Malheureusement… on a choisi le meilleur moment pour former un groupe, juste au début du Covid. Les concerts, c’était mort, donc on en a profité pour composer. Le premier album est sorti en 2022, le nouveau, New waves of cynicism est sorti le 15 mars. Il était déjà composé, un tiers ou à moitié, avant la sortie du premier album.

J’imagine que vous avez aussi pu tirer profit de cette situation afin d’avancer sur la cohésion du groupe et la composition…

Oui, ne serait-ce que d’apprendre à se connaitre musicalement. Au départ, les compos étaient basiques, histoire d’apprendre à jouer ensemble. Mais par la suite, une fois qu’on se connait un peu mieux, on compose des choses qui nous correspondent un peu mieux.

Le groupe a naturellement dû évoluer (il confirme). Quand j’écoute l’album, ça n’a rien à voir avec les styles dont tu parlais avec vos anciens groupes. Comment décrirais-tu la musique de Slaves Of Imperium à quelqu’un qui ne vous connait pas ?

C’est une musique qui est composée et mise au service de l’émotion qu’on veut véhiculer, avec des thèmes, des textes qu’on veut mettre en avant. On n’a pas de style… Enfin, si, il y a une base qui est plutôt death/thrash metal, du fait de nos influences respectives. Moi, j’écoute plutôt du thrash ou du death, Raphaël (Fournier, basse) écoute du black et du prog, on a tous nos influences… Pour autant, on ne cherche pas à rester dans un style spécifique, ce qui sort, c’est naturel.

Quels sont les thèmes « littéraires » que vous abordez ?

On a une influence qui est assez littéraire en effet. Notre chanteur, quand on lui demande quelles sont ses influences en musique, il va citer des écrivains… Les deux albums sont une suite logique, en fait : dans le premier album, on analyse les émotions de l’être humain, et on les décortique. Dans le second, on va encore plus loin et on regarde ce qu’il se passe dans notre cercle familial, privé. Et on se rend compte qu’il y a des horreurs abominables qui se passent parfois juste en bas de chez soi… et personne n’en parle, on ne s’en rend pas compte. On fait le lien avec ces deux albums entre l’humain et ce qui peut lui arriver de pire.

Le premier album c’était Observe. Analyze. Sanitize. qui est sorti il y a maintenant deux ans. Comment analyserais-tu l’évolution, humaine et musicale, du groupe entre ces deux albums ?

L’évolution humaine est logique : on commence à composer alors qu’on ne se connait pas… On se connaissait un peu, mais pas au niveau d’aujourd’hui. Plus on travaille ensemble, plus on sait ce qu’il faut faire pour que ça corresponde à chacun, et que ça intègre les envies créatives de chacun. Musicalement… Le premier album est, on peut dire, plutôt simple dans son approche. Justement parce qu’on ne se connaissait pas suffisamment. On avait un thème, des morceaux qui était composés un peu chacun de son côté. J’en avais composé avant même de monter ce groupe, Cédric aussi. On a mélangé tout ça comme on a pu. New waves of cynicism a été composé ensemble, avec l’expérience de chacun.

Donc c’est de ce côté qu’il faut chercher l’évolution, chacun ayant pris part à la composition et ayant pu donner son avis.

Exactement. Du coup, le résultat est beaucoup plus varié, contrasté, dynamique… lourd et sombre, aussi. C’est vrai que le premier album avait une base thrash bien présente, tandis que là, on n’hésite pas à briser les codes de notre genre pour mettre la musique au service de l’émotion qu’on veut véhiculer. Si on estime que le morceau, les paroles seraient mieux mis en avant avec une orchestration ou des arrangements autres que ce qu’on retrouve de manière classique, on le fait. C’est là-dessus qu’on a évolué. D’une part, c’est ce qui nous fait plaisir, et d’autre part, c’est ce qui rend notre musique intéressante, donc on va continuer dans ce sens. On n’a pas encore composé de morceaux pour un troisième album, mais on a déjà le thème, les textes sont quasiment terminés, on a des bouts de riffs… On ne va pas tarder à se mettre au travail et on ira encore plus dans ce sens, ne pas hésiter à incorporer d’autres influences, d’autres style que simplement du thrash et du death metal.

Avec quelques touches de black aussi, notamment dans le chant qui peut être très agressif…

Tout à fait, c’est un peu la patte de Raphaël, notre bassiste. C’est ce qu’il aime, le black !

Tu parlais du fait de constater ce qui peut se passer sur nos paliers. Au-delà de l’évolution musicale, tu peux envisager que vous puissiez pousser votre analyse de notre société actuelle encore plus loin ?

Justement, c’est ce qu’on cherche à faire. Je pense qu’à chaque fois qu’on avancera, on ira un petit peu plus loin à ce niveau. Le concept du troisième album est dans cette veine, on va chercher à aller plus profondément encore. On n’apporte pas des réponses, on est que des êtres humains, on s’interroge… Après chacun est libre d’interpréter les choses à sa manière. Quand on trouve un thème intéressant, on veut simplement le pointer du doigt, le montrer… « hé, oh… il se passe ça ».

Vous voulez montrer ce qu’il se passe. Etes-vous, individuellement, engagé dans des actions, les uns et les autres ?

Non, on ne peut pas dire qu’on soit engagés. On entend des histoires qui nous choquent… Les thèmes qu’on aborde, ce n’est pas des choses qu’on a forcément vécues individuellement, mais ce sont des histoires qu’on entend et qui nous font mal… Je ne sais plus quelle était l’idée de départ mais on se rend compte, avec le temps, que quand on compose la musique, c’est l’émotion qu’on ressent quand on apprend ce qui peut arriver près de chez nous qui est traduite, c’est le carburant de notre musique. Elle sort grâce à ça.

Il y a sur l’album un titre en français, Sarmat. Quelle était votre volonté en incluant ce morceau ?

Au départ, quand on a commencé à composer, notre chanteur a écrit directement en anglais. Ce n’est pas sa langue natale, mais tous les titres du premier album ont été composés de cette façon. Il s’est rendu compte par la suite que le fait d’écrire d’abord en français et qu’on traduise tous ensemble ensuite ouvrait beaucoup plus de portes au niveau du vocabulaire. Quand on a écrit Sarmat et qu’on l’a lu, on s’est dit que ça sonnait super bien en français. C’est une traduction qui aurait pu se faire, mais on aurait perdu quelque choses… Donc, on l’a laissé en français, et pourquoi pas, d’ailleurs ? On est un groupe français, alors, qu’est-ce qui nous empêche de le faire ? On souhaite quand même rester principalement en anglais car ça ouvre plus de portes à l’international. On restera là-dessus mais pourquoi pas, sur les prochains albums, avoir un ou deux morceaux en français. Il y en a déjà un qui est prévu parce que le thème le demande…

Ce qui signifie que Slaves Of Imperium a aussi des ambitions internationales (il confirme). Un groupe de rock, c’est aussi la scène, quels sont vos projets pour défendre cet album ?

Là, on vient tout juste de rentrer d’une tournée européenne, qui correspondait à la date de sortie de l’album. Le prochain objectif est de défendre l’album en France. Mais, entre la production de l’album, sa sortie et la tournée européenne, on n’a pas vraiment eu le temps de se projeter sur la fin d’année. On vient de rentrer, on se pose et on va organiser quelque chose en France pour la fin d’année, début d’année prochaine.

Vous revenez de tournée. Vous avez tourné où et avec qui ?

On l’a organisée seuls, cette tournée, on n’a pas accompagné d’autres groupe en tant que première partie. On a joué avec des groupes locaux : on est partis de Paris, on est ensuite allés à Berlin, Prague, Cracovie, on a fait trois dates en Roumanie, on a fait la Slovaquie, la Slovénie, l’Italie… tout ça en 15 jours trois semaines… On a fait, je crois, onze concerts d’affilée !

Vous avez bien bougé !

Oui, oui. On n’avait jamais fait autant de concerts d’affilée. On a commencé un peu fort !

C’était un autre rythme…

Exactement ! C’était très enrichissant d’un point de vue « musicien » mais aussi d’un point de vue humain. Ça nous apprend à travailler le live de manière beaucoup plus efficace : se mettre en place, faire les balances, monter et ramasser le matériel… C’est un bon entrainement pour la suite.

Et j’imagine que d’un point de vue humain ça permet de découvrir certaines qualités ou non qualités des uns et des autres…

Absolument, ça permet déjà de savoir si on se supporte dans un même véhicule, les uns sur les autres pendant trois semaines (rires) !

Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de New waves of cynicism pour expliquer à quelqu’un ce qu’est l’esprit de Slaves Of Imperium, ce serait lequel ?

Waow, compliqué ! Un seul titre ? C’est compliqué parce que nos morceaux sont assez variés… Je ne sais pas s’il y en a un qui nous représente suffisamment… Après, on a fait un choix sur l’album, mettre Parasites en premier, parce que c’est un morceau qui rentre dans le lard tout de suite et qui reste assez riche en matière de composition. Oui, pour faire découvrir mon groupe à quelqu’un qui ne nous connait pas je pense que je dirai Parasites, mais, vraiment, la question est difficile…

Vous démarrez depuis quelques années avec ce groupe. On sait pertinemment qu’en France, un groupe de rock ne vit pas de sa musique. Quelles sont vos activités dans vos autres vies ?

On a tous nos boulots : je suis mécanicien, Raphaël est architecte, Kristen était boulanger mais il est en train de se réorienter, david est chauffeur poids lourds, et Cédric est responsable de ligne dans une usine agro-alimentaire.

Tu disais au début de notre entretien que vous ne vous connaissiez pas quand vous avez monté le groupe. Qu’est-ce qui fait que, à un moment donné, vous avez décidé de vous retrouver, de vous réunir autour de cette nouvelle entité ?

Pour être tout à fait honnête, c’est…

L’argent !

Ouais, carrément, oui ! Tout à fait (rires) ! Au départ, c’était vraiment parce que la scène dans notre localité était limitée, et on n’avait pas la possibilité de chercher d’autres personnes avec qui monter un groupe. Il n’y a pas 50.000 personnes dans notre coin qui voulaient faire de la musique… dès lors que tu rencontre quelqu’un qui est sur la même longueur d’ondes que toi, t’es obligé de tenter quelque chose. Pas sûr que tu aies une autre possibilité de le faire après… Coup de chance, on s’est rendu compte qu’on est vraiment tous sur la même longueur d’ondes, et on a de la chance de se trouver là !

C’est un peu un choix par défaut…

Je ne dirai pas « par défaut », même si je comprends ce que tu veux dire… Musicalement on savait qu’on allait pouvoir faire quelque chose. Humainement, c’est vrai qu’on ne se connaissait pas plus que ça, et… Oui, quelque part, c’est un peu « par défaut », comme tu dis, parce qu’on n’est pas très nombreux dans notre bled…

Si tu devais penser à une devise pour Slaves Of Imperium, ce serait quoi ?

(Rires) C’est compliqué encore comme question ! Je pense que chacun répondrait différemment…

Ça tombe bien, c’est à toi que je pose cette question !

Attends, il faut que je réfléchisse là… Une devise ? Vraiment dur… Si je devais être dans la déconne, je dirais « Live fast and die drunk », mais là, on n’est pas dans la déconne… (NdMP : en même temps, les gars ont fait produire des bières à leur nom)

Quoique, quelque part, c’est assez cynique…

Oui, c’est vrai, mais c’est un délire entre nous. Ce n’est pas ce que j’aurai répondu…

Tu as encore un peu de temps pour y réfléchir alors… Parlons de la pochette de l’album : elle présente deux personnages, un squelette habillé en costume, une autre personne, assez féminine et musculeuse, qui tient un couteau… Il y a une forme de dualité entre la confrontation de la mort et de la vie, la mort éclairée et la vie dans le côté sombre, la mort qui semble assez pacifique et la vie très menaçante avec son couteau dans le dos…

C’est intéressant d’écouter ta description… Il y a beaucoup de détails qui laissent libre court à chacun de se faire son interprétation. Pour ma part, ce serait une explication plus simple : cette image, pour moi, représente parfaitement le cynisme. Le fait d’avoir cette poignée de main et d’avoir un couteau dan s le dos… On sert la main à quelqu’un mais dans le dos, il y ale cynisme, le manque de confiance, la méfiance qui est là. C’est une image qui représente pour moi parfaitement le titre. Maintenant, il y a pas mal de détails, cette pochette est assez riche à ce niveau-là.