Interview MALEMORT. Entretien avec Julien (guitare), Xavier (chant), JC (basse), Cédric, batterie. Propos recueillis au Hellfest le 23 juin 2018
Metal-Eyes : Ball trap est sorti fin 2016, a reçu d’excellentes critiques dès sa sortie. On vous espérait au Hellfest l’an dernier, mais il a fallu attendre 2018 pour vous y retrouver. Qu’est-ce qui a demandé autant de temps d’après vous ?
Xavier : Je pense que c’est la montée du buzz, en fait. Quand tu travailles en auto production, les choses sont très progressives, parce qu’il n’y a pas de plan média. C’est à la sueur de ton front, aux preuves que tu peux apporter de ton implication. C’est vrai que les retours ont été très bons sur le deuxième album, et il a fallu que ça mature un peu. A la limite, je dirais même que c’est très bien, ça tombe bien que ça se produise cette année : l’année dernière, on n’aurait pas réussi à faire ce qu’on a fait cette année. Je considère que les choses arrivent finalement bien. D’expérience, par rapport à toute l’histoire de Malemort, j’ai appris à me rendre compte que tout ce qui t’arrive tombe au bon moment.
Metal-Eyes : Justement, à froid, puisque vous avez joué hier : quelles sont vos premières impressions de votre prestation d’hier, votre première au Hellfest ?
Julien : Ah… C’est que du bonheur… Attends, j’essais de réfléchir avant de causer…
Xavier : Immédiatement, la première chose, c’est quand tu te présente pour les balances, que tu a déjà quelques rangées garnies avec des gens qui portent des T Shirts Malemort et que tu reviens 5 minutes après pour le show et que c’est plein… C’est une chose à laquelle on ne s’attendait pas. De l’aveu même des responsables des main stages, même eux ne s’attendaient pas à ce qu’il y ait, aussi tôt, autant de monde ! Donc, oui, il y a des festivaliers qui voulaient absolument être là à 10h30, qui on joué le jeu, ont fait le trajet dans la nuit… Certains nous l’ont dit à la séance de signatures, vouloir être là à l’heure.
Metal-Eyes : Et ton premier ressenti, hier ?
Xavier : On était prêts. A partir du moment où on a fini les balances, on savait qu’on avait du bon son dans les retours, et qu’on vu la foule, on savait ce qu’on avait à faire. Ça, c’est une autre surprise : je m’attendais à de l’anxiété, et finalement, des sortes d’automatismes qu’on a gagné cette dernière année. Quand tu parles du fait qu’il a fallu du temps pour qu’on vienne au Hellfest, eh bien, on n’aurait pas eu ces automatismes si on était venu l’an dernier. Finalement, on était très à l’aise sur cette scène là, on a tout donné… La moindre étincelle de notre côté provoquait quelque chose d’encore plus fort dans le public, et pour le plaisir, et finalement, ça décuple ce que toi tu es capable de faire.
Metal-Eyes : Et pour tous les deux ?
Cédric : Franchement, le public était super réceptif, on était vraiment contents d’être là. Après, on en a bien profité, on a eu pas mal de compliments… La séance de dédicaces, j’étais très étonné du monde qu’il y avait pour nous, c’était vraiment chouette ! ça fait bizarre d’avoir des gens qui viennent pour ça, pour nous… Super, vraiment !
Xavier : Oui, on a dû prolonger les séances.
JC : Très bonne sensation. Dans les faits qui m’ont marqué, tu montes sur scène, tu vois qu’il y a déjà du monde… Tu vois des T Shirts Malemort devant… Waow ! Et tu vois cette vague de gens qui continuent d’arriver, et qui restent. Et tu entends à la fin les gens qui scandent le nom de ton groupe, Malemort… Et là… Il n’y a pas de mots pour ça.
Metal-Eyes : Comment est-ce qu’un groupe comme Malemort, qui a aujourd’hui, une belle réputation au moins en France, se prépare pour un événement comme le Hellfest ?
Julien : C’est beaucoup de travail, de répétitions. On a aussi donné pas mal de concerts où on s’est dit « on aborde ce concert comme si on était au Hellfest ».
Metal-Eyes : Vous avez répété avec une scène aussi grande ?
Julien : Non (rire général), c’est le seul truc qui nous manquait, et notre seule appréhension, c’était de savoir si on allait pouvoir occuper tout l’espace. Après, on a aussi fait un gros travail avec l’ingé son, Ronan, qui a fait un travail incroyable : on a fait une résidence avec lui pendant 3 jours… Oui, c’était une préparation minutieuse, comme peuvent le faire des sportifs. Travailler, répéter, faire en sorte que ce soit naturel pour oublier son instrument et profiter de la scène, du public, même si après on réalise qu’on n’est pas forcément dans les cases mais c’est pas grave… Une vraie préparation de sportifs.
Xavier : Je pense aussi que l’année passé était très bien : on a donné de beaux concerts, et les gens qui nous ont suivi de date en date nous disaient que ça montait en puissance, donc ça nous donne de l’assurance.
Metal-Eyes : Je vous avais vus pour la première fois au Glazart à Paris, en mai 2016. Il y a eu beaucoup de changement dans le groupe, de line-up, de position en interne aussi, changement de look, aussi. Il y a visiblement une attitude et une apparence scénique… Que s’est-il passé pendant ces deux ans, pourquoi ces changements de line-up et d’où est venu le côté visuel, costard cravate, chemise cravate, un look assez cool sans être restrictif?
Xavier : Les changements de line-up c’est dû aux accidents de la vie, en fait… Seb au départ était à la batterie, ça faisait des années qu’il était à ce poste – alors qu’au départ il est guitariste – et il s’est très sérieusement blessé. Mais Malemort, c’est une famille, et il était évident qu’il faisait partie de l’aventure depuis le début. Moi, ça faisait longtemps que je voulais qu’il y ait des claviers dans le groupe, et on s’est dit que, l’accident de la vie, quand il arrive, soit tu te désoles et tu cries à l’injustice, soit tu as une autre attitude, celle qui consiste à te demander comment retourner ça en avantage. Seb est aussi un excellent claviériste, c’est quelqu’un qui a des notions d’orchestrations, et j’avais depuis longtemps envie d’incorporer ça. Dans le deuxième album, il y a beaucoup d’arrangements qui sont au second plan mais bien présents. On a sauté sur l’occasion, et Seb est passé aux claviers, moins exigeants pour son poignet, et on a intégré Cédric à la batterie, et Julien a pris la seconde guitare. C’est toujours l’idée de se dire que, quand on est une famille, les liens restent forts, quoiqu’il arrive, et aussi, la seconde chose, la vie c’est ce que tu en fais, et les accidents ? Comment bonifier la situation ? On se sent très à l’aise là dedans, on le vit très bien ensemble comme ça. Quand je te dis que ce sont des choses naturelles, même l’histoire des costumes : c’est pas des gimmicks mais à un moment donné, dans la progression du groupe, l’idée de proposer quelque chose qui montre notre cohérence, qu’on est entre nous, qu’on n’est pas des individualités… Ca montre aussi qu’on est en cohérence avec l’esprit de l’album. Tout se fait relativement naturellement.
JC : Par rapport aux costumes, on a cherché à un moment donné à créer une certaine cohésion dans l’image.
Metal-Eyes : C’est important l’image, il ya beaucoup de groupes qui ont un code vestimentaire, comme Status Quo – blue jean et baskets blanches – Metallica – les hommes en noir – Avatar aujourd’hui… L’identité visuelle est sans doute aussi importante que l’identité sonore. Selon moi, et je ne veux pas vous flatter bien que tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute, vous semblez avoir trouvé les deux aujourd’hui.
Xavier : Merci !
JC : Oui Merci…
Metal-Eyes : De rien. Bon, maintenant au revoir ! (rire général) Vous avez joué récemment à la Boule Noire avec Disconnected et Moly Baron. Quel effet ça fait de passer d’une petite scène comme celle-là à celle gigantesque du Hellfest ?
Xavier : En fait pour un groupe comme nous, pour un groupe français de la scène française, la Boule Noire, c’est très bien. C’est la réalité de groupes comme le notre. Tu sais très bien que même ici, au Hellfest, tu vas dans la Temple ou dans les tentes, tu as des groupes qui sont cultes mais qui, comme nous, dans leur pays, jouent toute l’année dans des salles de 200 personnes. C’est ça la réalité du metal : une vie au jour le jour, et de temps en temps, le cadeau du ciel, la petite sucrerie que représente le Hellfest. Nous, quand on joue à la Boule Noire, on est fiers comme des papes…
JC : Je vais même rajouter autre chose : c’est vrai que la Boule Noire est une salle de petite envergure par rapport aux autres salles parisiennes, mais c’est une salle qui, dans le milieu du metal, a une histoire, une vraie renommée. Quand on a fait le Divan du Monde, c’était pareil, le Bus Palladium, le Gibus… Ce sont des salles qui ont un nom et une réputation. Et pour moi qui suis, comme toi, Xav, fan de metal, on a été spectateurs là-bas, un paquet de fois. Et on a vu de sacrés groupes. Au Divan du Monde, j’ai vu Ronnie James Dio, Zakk Wylde. Et quand on a fait les balances, à un moment il y a eu un problème de son, et j’étais là, je regardais, je me disais « putain, je suis sur les mêmes planches que ces mecs que j’admire ». Il y a ça aussi, et la Boule Noire, c’est pareil.
Cédric : Même Metallica y sont passés, alors… (rires)
Xavier : Nous, si tu veux, on est très metal heads, l’histoire du metal compte beaucoup pour nous, et c’est vrai qu’on a toujours cette sensation de mettre nos pas dans ceux des anciens, des gens qu’on a admirés. C’est ça notre réalité.
Metal-Eyes : Et vos souvenirs de ce concert à la Boule Noire ?
Xavier : Déjà, c’est une affiche dont on était fier, parce qu’elle représente la diversité du metal en France, avec des groupes qui ont des identités particulières. Les « groupes de genre », on trouve ça un peu gonflant parfois… Dans le thrash, façon 84-86, c’est bien, mais… Les deux groupes avec lesquels on jouait avaient leur propre son, c’est des gens adorables aussi, des gens qui, comme nous, bossent toute l’année. Et le public qui est venu, c’est un public qui attendait ça, une affiche comme ça.
JC : Y a pas photo : on les a rencontrés un peu avant, on a discuté avec les gars de Diconnected… D’ailleurs, c’est avec eux qu’on a bu nos premières bières hier après-midi, quand on s’est retrouvés, après notre séance de dédicaces.
Metal-Eyes : C’était une grosse fête alors, ce concert !
Xavier : Oui, c’était une fête, sauf qu’il faut proposer le meilleur au public !
Metal-Eyes : Balltrap est sorti il y a bientôt 2 ans. Un nouvel album est-il en préparation ?
Xavier : En fait, on fini le cycle Balltrap avec le Metaldays, en Slovénie, ensuite, on fera peut-être quelques dates en octobre pour tout finaliser. Après, c’est encore l’inconnu. J’aime à penser que la musique c’est et ça doit rester l’inconnu, parce que tu dois créer, et rester dans une zone de découverte. On a toujours fait en sorte, avec Malemort, de garder un spectre large dans la composition pour qu’on en puisse jamais nous reprocher d’aller chercher ailleurs. On a le droit d’aller explorer, c’est un droit que je me réserve en tant que musicien, et je ne veux surtout pas qu’on me dise un jour qu’on attend ça et pas autre chose de Malemort. Je trouve que c’est hyper sclérosant pour un musicien. On va se pencher dessus l »année prochaine, et je pense qu’on n’acceptera pas grand-chose – sauf des propositions qu’on ne peut pas refuser – pour se pencher sur ce qu’on va créer musicalement.
Metal-Eyes : Une dernière chose : quelle pourrait être la devise de Malemort, celle que vous allez mettre sur votre prochain album.
JC : Déjà, au sein de Malemort, c’est une vraie fratrie. Alors, en une petite phrase ? « Nés pour tout donner » ! (rire général)
Julien : « L’important c’est d’y croire sans s’en apercevoir » (rires encore)
Xavier : « Liberté, égalité, fraternité. Et va te faire… » (rires toujours) Et musicalement, c’est « Metal libre ».