FABULAE DRAMATIES: Violenta

Belgique, Metal (Autoproduction, 2024)

Violenta est le troisième album de nos voisins belges de Fabulae Dramatis. Formé au début des années 2010, le groupe a déjà publié deux albums, Om en 2012 et Solar time’s fable en 2017. Quelques changements de line-up expliquent sans doute, en partie tout du moins, le temps passé entre deux albums. Aujourd’hui composé de la chanteuse Isabel Restrepo, du guitariste Daniel Diaz, du bassiste Marco Felix et du batteur Teo Dimitrov, le groupe nous propose ce Violenta, qui parait donc après sept ans de réflexion et qui semble être un album conceptuel (traitant de la colonisation brutale de la Colombie?) De manière intéressante, le groupe propose des textes en espagnol et en anglais, ce qui permet de joliment scénariser son propos. Musicalement, les huit titres puisent dans une variété de styles parfois étonnante. Le plus doux côtoit le plus brutal à l’image du chant qui va du tribal à la rage, évoquant souvent la souffrance d’un peuple opprimé. Si certaines idées de riffs ou de mélodies font immédiatement mouche (le tribal The jungle of ego, le très entrainant River of despair), si le chant évoque une certaine Angela Grossow (Arch Enemy) dans ses colères enragées, Fabulae Dramatis se veut avant-gardiste dans ses compositions et fait, malheureusement, souvent preuve de trop de réflexion dans sa musique. Ainsi, en voulant proposer une musique complexe, la formation perd en efficacité là ou plus de simplicité pourrait offrir un propos direct. Violenta reste cependant mystérieux et évoque un pan de l’histoire de notre décidément éternelle inhumanité.

PAINTED SCARS: Kintsugi

Belgique, Heavy rock (Autoproduction, 2024)

Rock’n’roll! Formé en Belgique en avril 2023, Painted Scars déboule avec Kintsugi, un premier mini album de 6 titres qui rentrent dans le tas. Mené par la chanteuse Jassy « Hyacen » Blue, le combo propose un hard rock varié et puissant bien qu’encore marqué du sceau de la jeunesse. Au démarrage de Glow in the dark, on à l’impression de retrouver un Girlschool au top de sa forme doublé d’une hargne digne des sœurs Turner (Rock Goddess). Ne serait-ce l’anglais moyennement maitrisé, on s’y croirait. Won’t give up se fait plus moderne et langoureux tandis que Knock knock (ces deux titres sont mal indiqués sur le tracklisting du CD, respectivement en quatrième et seconde position…) revient à un propos direct et enlevé. Le guitariste Kevin de Brauwer, secondé par Yannick Rottiers, ajoute quelques grognements discrets. La rythmique assurée par Jens Van Geel (basse) et Bram Vermeir (batterie) est plutôt efficace. Il y a ci-et-là quelques indicateurs musicaux des sources d’inspirations du groupe, comme ces premières mesures de Liquid gold qui (me) rappellent un jeune Metallica. Freedom se veut franc et direct avant que ce premier essai ne se termine avec Life and alive, titre qui fut le premier single de la carrière du groupe. Kintsugi, est une jolie carte de visite d’un groupe qui, s’il manque encore de maturité et n’a pas encore trouvé son identité musicale, pourrait voir son nom prendre de l’ampleur. On attend donc la suite.

VYSION: Master of laws

Belgique, Power metal (Ep, M&O, 2024)

Fondé en Belgique en 2019, son line-up modifié et complété en 2022, Vysion s’attelle à l’enregistrement de son premier Ep, Master of laws, un Ep 5 titres aux textes basés sur la culture sumérienne. Le groupe propose une musique très inspirée par le power metal épique de Powerwolf (les « ooh, ha!…ooh, ha! » typiques des Allemands sont là pour le prouver) et par le metal symphonique nappé de claviers « religieux ». Puissant et épique, le chant partagé entre douceur déterminée féminine et rugosité malsaine masculine donne une dimension particulière sinon originale à l’ensemble. Clairement, sans rien réinventer, on sent que Vysion a envie de proposer un concept fort et entrainant. Pour se démarquer, cependant, il sera nécessaire que les Belges s’éloignent de ce son trop évocateur du loup mentionné plus haut pour trouver leur identité sonore et musicale. L’envie est pourtant là, bien présente et il reste à transformer l’essai.

Séance de rattrapage: TRANSPORT AERIAN: Live in Ghent

Belgique, Progressif (Melodic Revolution Records, 2024)

Formé en 2009 en Belgique, Transport Aerian délivre un rock progressif aux évidentes influences jazzy qu’il transcrit au travers de ses premiers albums studio – Bleeding (2013), Darkblue (2015), Therianthrope (2017) et Skywound (2021) – avant de proposer un premier album enregistré en public (lors d’un « concert privé »). Live in Ghent nous fait découvrir un groupe au propos musical captivant et intrigant à la fois. Torturée et sombre, la musique de Transport Aerian ne peut laisser indifférent. Si le groupe semble parfois intellectualiser son propos à l’envi, sa vision musicale interpelle, évoquant tour à tour Van der Graf Generator ou Magma, le chant rappelle par instant Geedy Lee (Rush) en plus torturé, mais il y a plus encore. Etonnamment, l’intro de Shall not be m’évoque The eagle has landed de Saxon, deux univers sans conteste radicalement opposés. Tout au long des 11 titres de l’album, Transport Aerian peint des tableaux étranges, aussi envoutants qu’ils peuvent être inquiétants, à l’image de ce Smirking sirens aux intonations orientales, rythmé comme une marche d’esclaves enchainés. Pas facile d’accès, ce Live in Ghent – dont le public se fait si discret qu’on ne l’entend guère – mérite plusieurs écoutes pour être totalement apprivoisé. Les amateurs du genre seront sans conteste ravis.

Séance de rattrapage: TIM’S FAVOURITE: Amaconda

Belgique, Metal (Autoproduction, 2024)

Amaconda – l’orthographe est ici volontaire – est le quatrième album des Belges de Tim’s Favourite. Né au début des années 2000, le quatuor (Jan Pauwels à la guitare et au chant, Tim Pauwels à la guitare, Wolf D’haese à la basse et Ele De Backer à la batterie) puise son inspiration partout où il en a envie. Le résultat est un condensé de Metallica, de Tool, de Prong, de Messhugah et d’autres encore. Trois albums sont ainsi proposés (Noises from the dark room en 2003, Geometry for the selfish herd en 2009 et We, the willing en 2018) avant que ne nous soit offert ce Amaconda qui déboule en janvier 2024. Nous passerons sur la production qui ne rend pas hommage à la musique – trop sèche avec trop peu de rondeurs (j’ai pris le temps d’écouter l’album sur différents lecteurs avec les mêmes conclusions). Les 11 titres de l’album sont cependant pleins de volonté et varient les plaisirs. On a seulement parfois l’impression d’écouter un patchwork d’idées collées sans forcément de liant. Sur fond de riffs puissants qui se veulent hypnotiques, le chant évoque tour à tour James Hetfield ou Kurt Cobain. On a les références, certes, mais là encore, il manque une touche de personnalité qui ferait passer cet album à un autre niveau. Tim’s Favourite définit sa musique comme du « zen metal »… C’est plutôt du « brutal zen » (bel oxymore, n’est-ce pas?) que nous propose le groupe, un metal hybride qui ne parvient pas à m’interpeler vraiment. Même si certains passages sont intrigants et quelque peu barrés, je reste sur ma faim. Sans doute l’oreille extérieure et la vision plus globale d’un producteur serait elle utile pour faire passer le groupe à un autre niveau, car les bases, elles, sont là, l’envie de proposer du matériel différent aussi.

Séance de rattrapage: MALEVOLENT

Belgique/Espagne (Ep, Necktwister, 2023)

Nouvelle venue sur la scène du metal symphonique, Malevolent est une formation étonnante née entre la Belgique et l’Espagne, deux pays d’où ses membres sont originaires. Le groupe porpose un metal aux relents cinématiques dont les thèmes illustreraient tout aussi bien des scène pour le grand écran que pour des jeux vidéo. Les 5 titres de ce premier Ep autonommé puisent en effet dans ce registre musical très visuel. Toutefois, rapidement s’installe le sentiment d’un manque. Aussi bien exécutés soient Gaze ou Ways, l’ensemble me semble manquer de conviction. La production, qui plus est, n’offre pas les rondeurs gourmandes qu’exige ce genre musical. On pourrait penser que la participation de Mark Jansen (Epica), qui offre quelques grognements sur Creations, soit gage d’un avenir prometteur, mais au fil des titres, mon sentiment se confirme. Le chant de Celica Soldream, limpide et chaleureux, manque de puissance tandis que Nicolaas Van Riet (guitare, basss et growls) – accompagné à la guitare par Jan Verschueren et Koen Herfst à la batterie – semble ne pas parvenir à lâcher la bride, à libérer la puissance nécessaire pour que ses riffs passent à la vitesse supérieure. Les promesses sont pourtant là, bien présentes. Cet Ep a-t-il été enregistré à distance? Ceci expliquerait sans doute un manque d’unité, de liant entre les différentes pistes. Il faut simplement libérer la bête, la laisser s’exprimer librement, sans freins. Ce qui nous laissera peut-être envisager un futur grand du metal symphonique.

Séance de rattrapage: POSEYDON- Through the gate of hatred and aversion

Belgique, Thrash/Death (Necktwister, 2023)

Avec Poseydon, le label Necktwister porte parfaitement bien son nom. Formé en Belgique en 1992 par le guitariste Alan De Block, Poseydon connait plusieurs changements de line-up avant de proposer son premier album en 2016. il faudra cependant pas moins de 7 ans à Alan pour donner un successeur à Masterpiece. Aujourd’hui composé du hurleur enragé Tom Lenaerts, d’un second guitariste – Leander Karageorgos – et d’une section rythmique plus que massive – le bassiste Jeroen Bonne et le marteleur furieux Jef Boons – Poseydon délivre un Through the gate of hatred and aversion qui replonge l’auditeur dans les plus brutales heures du thrash qui déboite. Et là, pensez à mettre la sécurité à votre matériel de découpe parce que ça charcute sévère! Après une intro inquiétante – qui pourrait évoquer l’ambiance du film d’épouvante Fog (Carpenter)- Poseydon entre dans le vif du sujet avec un Awakening the gods explosif. Les guitares sont aussi ravageuses que le chant est puissant et enragé. Malin, Poseydon, s’il ne met jamais le pied sur le frein, propose des rythmes variés permettant de ne pas sombrer dans une forme de répétition stérile. Au contraire, le groupe tape fort et explore divers horizons. impossible de ne pas penser à ces riff d’un jeune Metallica furibard, à la puissance d’exécution sans pitié d’un Slayer naissant, à la rage tribale d’un Sepultura qui n’a pas encore conquis le monde… Loin de ne se cantonner qu’au thrash, le groupe explore également le death, évoquant aussi bien Deicide que Death Angel ou même Nuclear Assault. Rien, absolument rien dans ces 10 titres ne laisse indifférent. C’est (très) brutal et construit comme une véritable machine de guerre. Si Through the gate of hatred and aversion n’est pas à mettre entre toutes les oreilles, ça fait mal par où ça passe. Et ça, ben… ça fait un bien fou!

DYSCORDIA: The road to Oblivion

Heavy metal, Belgique (Autoproduction, 2024)

Loin d’en être à leur coup d’essai, les Belges de Dyscordia reviennent, quatre ans après leur troisième album, avec The road to Oblivion, un album composé de 8 titres forgés dans un metal moderne. Mêlant avec bonheur des sonorités rugueuses à des tonalités plus soft, le groupe explore aussi bien le heavy metal dit traditionnel qu’il s’aventure aux limites du metal progressif. Tout au long des The Passenger, Oblivion (et son chant aux limites du black), de l’instrumental Interlude ou de The demon’s bite, Dyscordia, sans renier son identité musicale, égrène discrètement ses influences – qui vont d’Iron Maiden (via quelques cavalcades rythmiques) à Soen (quelques lignes de chant me rappellent Joel Ekelöf), en passant par Metallica ou Dream Theater, c’est dire la variété musicale du combo – au travers de guitares rapides et furieuses – au nombre de trois: Stefan Segers (qui growle aussi), Guy Commeene et Martjin Debonnet – et de fondations rythmiques puissantes forgées par le bassiste Wouter Nottebaert et le dernier arrivé, le batteur Chevy Mahieu. bien que puissant et déterminé, le chant de Piet Overstijns aurait mérité d’être mieux mis en avant par la production, par ailleurs moderne et efficace. Malgré cette faiblesse, The road to Oblivion a tout pour faire s’agiter les crinières et taper du pied. On comprend bien que Dyscordia, au fil des ans, ait su séduire le public de festivals aussi prestigieux que le PPM fest ou le Grasspop Metal Meeting. Il faut maintenant franchir les frontières du Bénélux, les gars!

CATALYST: The age of rocketeers

Belgique, Death progressif (Autoproduction, 2023i

Un enfant qui joue sur une terre asséchée une « fusée » douteuse à la main, des cheminées qui fument au loin et des missiles qui décollent… Le cadre d’un constat quelque peu morbide de notre société est posé dès l’illustration de The age of rocketeers, le premier album des Belges de Catalyst. Formé en 2018 par deux ex-membres de Gitaron – les guitaristes Philip Pedraza et Aäron Onghena – Catalyst a complété son line-up avec l’intégration du frère d’Aäron, Benjamin Onghena à la basse et la « découverte » du chanteur Jeroen Van Ranst, issu de Monomad. Ce n’est qu’après l’enregistrement de deux Ep, en 2018 et en 2022, que le groupe intègre Sam Bogaert à la batterie et enregistre The age of rocketeers paru fin 2023. Les 9 titres proposés sont à la fois rugueux et mélodiques. Le chant de Jeroen est varié, passant de la douceur à la rage et la colère, et l’ensemble musical propose une palette de couleurs tout aussi variée. Les riffs concoctés par la paire de bretteurs incitent à se démonter les cervicales tout en réservant des moments de respiration, sorte de lueurs d’espoirs dans ce monde en perpétuelle destruction. Un album puissant et racé, en somme.

SHOCKER: Fractured visions of the mind

Metal Progressif, Belgique (Autoproduction, 2023)

C’est en 2018 que se forme Shocker, après la rencontre que font Sammy Peleman (chant, ex-After All et ex-September Sin) et Koen Vanasshe (basse, ex-Gae Bolga et autres) avec David Vandewalle (guitare). Après divers essais, le groupe se stabilise enfin et publie en 2021 un premier Ep, mais voit son batteur d’alors quitter le navire. C’est donc avec le guitariste et claviériste Chris Dedeurwaerder et le batteur Louis Genovese que Shocker enregistre Fractured visions of the mind, qui parait fin 2023 et que je découvre aujourd’hui. Tout au long des 9 titres de ce premier album, les Belges nous offrent un metal racé et puissant avec de jolies échappées dans les contrées du metal progressif. Tout au long des Shattered ou Injecting the parasite l’ombre de Queensrÿche et de Geoff Tate semble planer au dessus du groupe, tandis que le chant de Sammy rappelle également celui de Geddy Lee (Rush). Efficace de bout en bout, cet album évoque également par instants Deep Purple ou encore Iron Maiden. Chacun des titres se distingue des autres, dont le morceau éponyme au refrain direct et particulièrement efficace qui précède And so it has begun, une conclusion presque instrumentale seulement « dérangée » par quelques paroles éparses. Avec Fractured visions of the mind, Shocker nous propose un album très accessible et efficace, bien moins torturé que ne le suggère cette horrible pochette. Une superbe découverte à découvrir et à soutenir.