Séance de rattrapage: MALEVOLENT

Belgique/Espagne (Ep, Necktwister, 2023)

Nouvelle venue sur la scène du metal symphonique, Malevolent est une formation étonnante née entre la Belgique et l’Espagne, deux pays d’où ses membres sont originaires. Le groupe porpose un metal aux relents cinématiques dont les thèmes illustreraient tout aussi bien des scène pour le grand écran que pour des jeux vidéo. Les 5 titres de ce premier Ep autonommé puisent en effet dans ce registre musical très visuel. Toutefois, rapidement s’installe le sentiment d’un manque. Aussi bien exécutés soient Gaze ou Ways, l’ensemble me semble manquer de conviction. La production, qui plus est, n’offre pas les rondeurs gourmandes qu’exige ce genre musical. On pourrait penser que la participation de Mark Jansen (Epica), qui offre quelques grognements sur Creations, soit gage d’un avenir prometteur, mais au fil des titres, mon sentiment se confirme. Le chant de Celica Soldream, limpide et chaleureux, manque de puissance tandis que Nicolaas Van Riet (guitare, basss et growls) – accompagné à la guitare par Jan Verschueren et Koen Herfst à la batterie – semble ne pas parvenir à lâcher la bride, à libérer la puissance nécessaire pour que ses riffs passent à la vitesse supérieure. Les promesses sont pourtant là, bien présentes. Cet Ep a-t-il été enregistré à distance? Ceci expliquerait sans doute un manque d’unité, de liant entre les différentes pistes. Il faut simplement libérer la bête, la laisser s’exprimer librement, sans freins. Ce qui nous laissera peut-être envisager un futur grand du metal symphonique.

Séance de rattrapage: POSEYDON- Through the gate of hatred and aversion

Belgique, Thrash/Death (Necktwister, 2023)

Avec Poseydon, le label Necktwister porte parfaitement bien son nom. Formé en Belgique en 1992 par le guitariste Alan De Block, Poseydon connait plusieurs changements de line-up avant de proposer son premier album en 2016. il faudra cependant pas moins de 7 ans à Alan pour donner un successeur à Masterpiece. Aujourd’hui composé du hurleur enragé Tom Lenaerts, d’un second guitariste – Leander Karageorgos – et d’une section rythmique plus que massive – le bassiste Jeroen Bonne et le marteleur furieux Jef Boons – Poseydon délivre un Through the gate of hatred and aversion qui replonge l’auditeur dans les plus brutales heures du thrash qui déboite. Et là, pensez à mettre la sécurité à votre matériel de découpe parce que ça charcute sévère! Après une intro inquiétante – qui pourrait évoquer l’ambiance du film d’épouvante Fog (Carpenter)- Poseydon entre dans le vif du sujet avec un Awakening the gods explosif. Les guitares sont aussi ravageuses que le chant est puissant et enragé. Malin, Poseydon, s’il ne met jamais le pied sur le frein, propose des rythmes variés permettant de ne pas sombrer dans une forme de répétition stérile. Au contraire, le groupe tape fort et explore divers horizons. impossible de ne pas penser à ces riff d’un jeune Metallica furibard, à la puissance d’exécution sans pitié d’un Slayer naissant, à la rage tribale d’un Sepultura qui n’a pas encore conquis le monde… Loin de ne se cantonner qu’au thrash, le groupe explore également le death, évoquant aussi bien Deicide que Death Angel ou même Nuclear Assault. Rien, absolument rien dans ces 10 titres ne laisse indifférent. C’est (très) brutal et construit comme une véritable machine de guerre. Si Through the gate of hatred and aversion n’est pas à mettre entre toutes les oreilles, ça fait mal par où ça passe. Et ça, ben… ça fait un bien fou!

Séance de rattrapage: ROCKET FUEL – Under the blades

Hollande, Punk/Thrash (Autoproduction, 2023)

En attendant les sorties de la rentrée, Metal-Eyes va mettre à profit cette période estivale pour estivale proposer quelques séances de rattrapage et parler de quelques albums qui valent le détour. Commençons donc avec les thrasheurs punkisants de Rocket Fuel, groupe formé en 2018 à La Hague. Un an après sa naissance, le quatuor publie un premier Ep, Too big too early une première carte de visite présentant diverses facettes du groupe. Aujourd’hui remanié, le groupe se compose de deux membres fondateurs – le chanteur guitariste Richard Wegman et le batteur Remy Jeremy – qui se sont adjoints les services du guitariste Olaf Büscher et du bassiste chanteur Johan Mieremet, et propose son premier album complet, Under the blades. Si le titre peut rappeler une chanson de Twisted Sister, on est loin, très loin de l’esprit musical des Américains. Rocket Fuel évoque beaucoup plus une rencontre entre le punk festif de Sum 41 ou The Offspring, de la rage et la puissance de Killswitch Engage ou Rise Against, la furie thrash de Slayer ou Metallica avec le sens de la mélodie entrainante de Disturbed. Le chant mélange la hargne d’un Phil Anselmo à une envie puissante volontaire et déterminée. Rocket Fuel ne réinvente certes rien mais le groupe met tant de cœur dans ses compositions qu’il entraine l’auditeur sur les chemins des pogos et du cassage de nuque. Avec ses 11 titres qui ne laissent pas un instant de répit, Under the blades pose les bases de très belles promesses. A suivre.

MEAN TO YOU: What we could have been

Luxembourg, Metal (Ep Autoproduction, 2023)

A ses débuts en 2013, Mean To You était un groupe. Originaire du Luxembourg (je crois bien qu’il s’agit là de ma première chronique d’un groupe de ce petit pays plus connu pour le métal précieux de ses banques que pour celui musical qui accompagne nos journées), le groupe a implosé en 2016, laissant seul aux commandes le bassiste Mulles qui a décidé de continuer l’aventure en solo. Il occupe donc depuis de tous les postes de Mean To You et publie un premier Ep, Strong, en 2021 avant de proposer fin 2023 ce nouvel essai, What we could have been. Deux Ep aux titres qui peuvent résonner comme une forme de conviction pour l’un et de regret pour l’autre… Le multi instrumentiste regarde cependant plus devant lui et propose 6 titres puissants, forgés dans un metal moderne, explosif. Il n’y a pas un instant de temps mort, et l’on sent un musiciens influencés par le metal moderne des années 90/2000. Apparemment accompagné d’un second chanteur, le mariage des voix apporte une variété de couleurs aux compositions. De Trivial fantasy à Don’t look back en passant par Right now, Straight ahead ou Care (clairement, d’autres messages se cachent derrière ces intitulés…), l’ensemble bénéficie d’une production généreuse. S’il manque peut-être parfois d’une certaine maturité – j’ai l’impression par instants d’écouter l’album d’un jeune groupe qui n’a pas encore totalement trouvé son identité sonore – Mulles maitrise parfaitement l’art de riff qui tape fort et vient casser quelques cervicales. Ca charcute comme il faut, ça tabasse sévère et on se laisse rapidement emporter dans cette déferlante sonore de rage contrôlée.

CATALYST: The age of rocketeers

Belgique, Death progressif (Autoproduction, 2023i

Un enfant qui joue sur une terre asséchée une « fusée » douteuse à la main, des cheminées qui fument au loin et des missiles qui décollent… Le cadre d’un constat quelque peu morbide de notre société est posé dès l’illustration de The age of rocketeers, le premier album des Belges de Catalyst. Formé en 2018 par deux ex-membres de Gitaron – les guitaristes Philip Pedraza et Aäron Onghena – Catalyst a complété son line-up avec l’intégration du frère d’Aäron, Benjamin Onghena à la basse et la « découverte » du chanteur Jeroen Van Ranst, issu de Monomad. Ce n’est qu’après l’enregistrement de deux Ep, en 2018 et en 2022, que le groupe intègre Sam Bogaert à la batterie et enregistre The age of rocketeers paru fin 2023. Les 9 titres proposés sont à la fois rugueux et mélodiques. Le chant de Jeroen est varié, passant de la douceur à la rage et la colère, et l’ensemble musical propose une palette de couleurs tout aussi variée. Les riffs concoctés par la paire de bretteurs incitent à se démonter les cervicales tout en réservant des moments de respiration, sorte de lueurs d’espoirs dans ce monde en perpétuelle destruction. Un album puissant et racé, en somme.

SHOCKER: Fractured visions of the mind

Metal Progressif, Belgique (Autoproduction, 2023)

C’est en 2018 que se forme Shocker, après la rencontre que font Sammy Peleman (chant, ex-After All et ex-September Sin) et Koen Vanasshe (basse, ex-Gae Bolga et autres) avec David Vandewalle (guitare). Après divers essais, le groupe se stabilise enfin et publie en 2021 un premier Ep, mais voit son batteur d’alors quitter le navire. C’est donc avec le guitariste et claviériste Chris Dedeurwaerder et le batteur Louis Genovese que Shocker enregistre Fractured visions of the mind, qui parait fin 2023 et que je découvre aujourd’hui. Tout au long des 9 titres de ce premier album, les Belges nous offrent un metal racé et puissant avec de jolies échappées dans les contrées du metal progressif. Tout au long des Shattered ou Injecting the parasite l’ombre de Queensrÿche et de Geoff Tate semble planer au dessus du groupe, tandis que le chant de Sammy rappelle également celui de Geddy Lee (Rush). Efficace de bout en bout, cet album évoque également par instants Deep Purple ou encore Iron Maiden. Chacun des titres se distingue des autres, dont le morceau éponyme au refrain direct et particulièrement efficace qui précède And so it has begun, une conclusion presque instrumentale seulement « dérangée » par quelques paroles éparses. Avec Fractured visions of the mind, Shocker nous propose un album très accessible et efficace, bien moins torturé que ne le suggère cette horrible pochette. Une superbe découverte à découvrir et à soutenir.

DIRTY BLACK SUMMER: Gospel of your sins

France, Grunge (Autoproduction, 2023)

Voici un album étrange, de sa pochette à son contenu… Dirty Black Summer est né au crépuscule des années 2010 alors que son fondateur, JB Lebail, alors guitariste de Svart crown éprouvait le besoin de satisfaire d’autres aspirations musicales. C’est ainsi qu’il décide de monter un projet radicalement différent qu’il nomme Dirty Black Summer. Après un Ep, Great deception paru en 2021, le groupe nous offre son premier album, Gospel of your sins. Une pochette tribale sans aucune référence – ni nom de groupe ni titre – d’une population (populace?) dénudée et entrelacée dans une forme de souffrance cache une dizaine de morceaux taillés dans un post grunge étrange et envoutant à la fois. Tout au long de ces 10 chansons, on trouve un exutoire qui passe de la colère à la douleur, la nostalgie et est fait de… d’envie. Cette envie qui transforme ces morceaux, pas toujours faciles d’accès, en titres à l’humanité galopante. Un premier album très réussi d’une formation à découvrir.

SYCOMORE: Antisweet

France, Sludge (Source atone records, 2023)

Tout est dit dans le titre: Antisweet. Et contrairement à ce que la pochette pourrait laisser croire, ce n’est pas une vindicte anti bonbons que mène le trio français Sycomore mais bien une croisade contre la douceur. Ce quatrième album des amiénois se veut brutal et sans concessions. Il en est même oppressant par sa noirceur explosive. La rage qu’on retrouve sur chacun des 8 morceau de ce disque puise autant dans le metal extrême – pas étonnant au regard de la provenance des musiciens, issus de Anorak (grind) et Taman Shud (stoner) – que du côté du grunge. Sycomore n’a pour codes que les siens et navigue clairement à l’envie. Antisweet est un album difficile d’accès, à ne sans doute pas mettre entre toutes les oreilles, certes mais il est un album particulier et personnel qui parlera aux amateurs d’un genre extrême et particulier.

VOICE OF RUIN: Cold epiphany

Suisse, Death mélodique (Autoproduction, 2023)

Il y a des groupes comme ça, tu les découvres par hasard… Voice Of Ruin fait partie de ceux-là… et des bonnes surprises aussi. Formé en 2008 à Nyon, en Suisse, la formation publie son premier album, Morning wood en 2014, tourne en compagnie de Sepultura, Hatebreed, Children Of Bodom parmis d’autres et revient aujourd’hui avec son quatrième album, Cold epiphany. Le moins qu’on puisse dire est que ça thrashe sévère tout au long des 9 titres introduits par un calme instrumental, Prelude to a dark age. Le calme avant la tempête, car la suite speede, growle et tabasse sec. Rapidement, cependant, un constat s’impose: cet album s’il comporte nombre de qualités – des compos rentre dedans, parfois directes, à d’autres moment plus complexes, des riffs sur lesquels il est impossible de ne pas avoir son air guitar et de headbanguer en cadence, une production soignée… – recèle une faiblesse: j’ai parfois, souvent, l’impression d’écouter le futur album d’Amon Amarth. Le chant de Randy accompagné de ces guitares évoquent plus qu’à leur tour l’univers sonore de nos vikings préférés et, en même temps, Voice Of Ruin s’en distingue par l’utilisation de claviers. Si l’influence des Suédois est une évidence, d’autres références se font jour au gré des titres, sans pour autant être prégnantes: Nightwish et le metal symphonique dans certaines orchestrations, des intros qui évoquent ici Judas Priest (Dreadful tears, sur lequel intervient Anna Murphy pour les parties de chant clair), Slayer un peu partout, Sepultura (Deathstar rising et son intro quelque peu tribale) ou encore, dans une moindre mesure, Metallica. Mais que demande-t-on, au final? Cold epiphany est un album plus qu’énergique, souvent explosif, très bien produit et qui ne lasse pas un instant. Un album plus qu’efficace.

KPTN N3MO: Raz 2 marée

France, Metal indus/Rap metal(M&O 2023)

Après une intro basée sur des extraits d’info, Raz 2 marée débute avec Bateau fantôme et seses furieuses guitares qui évoquent immanquablement l’esprit de Mass Hysteria. Mais rapidement, Kptn N3mo réoriente ses aspiration vers un rap aux intonations celtiques (Oktopus). Les deux genres cohabitent tout au long de cet album volontaire et revendicatif qui invoque le « hip hop à l’ancienne ». Fondé au cœur du Bugey, à Belley, dans le département de l’Ain, Kptn N3mo est aussi inspiré par les précités mass que NTM, Rise Of The North Star, Manu Chao ou toute une vague électro. C’est bien foutu et séduisant pour peu qu’on soit sensible au phrasé vocal du rap. L’énergie et la volonté sont bel et bien là, mais l’amateur de metal sera sans doute frustré par le manque de décibel, même s’il appréciera les clins d’œil à un certain Creeping death de vous savez qui (sur Nouvelle vague). Le message révolté ne sied sans doute pas à l’esprit d’aventures insufflé par Jules Verne dans ses 20.000 lieux sous les mers, mais les références y sont nombreuses (le nom du groupe, Nautylus 2.0, Oktpus…) mais il y a de la volonté qui saura séduire un public amateur de ce genre.