Interview: BLACK BART

Interview BLACK BART : entretien avec Babass (chant, basse) Propos recueillis par téléphone, le 6 novembre 2020

Le bordel qu’il doit y avoir dans la tête des pirates ! Comment, au cours d’un entretien, on en arrive à parler de musique, d’élections américaines, de confinement, comparer le nombre d’attestations faite en une journée, de la légendaire planque où Barbe noire aurait caché son trésor sur les côtes américaines… Bon, j’y suis pour quelque chose, certes, et quand une interview se transforme en discussion, le job est plaisant. Impossible cependant de tout retranscrire, et cela dans un pur souci de compréhension lors de ta lecture…

 

Metal-Eyes : Tu viens en off de me dire comment tu te sens, alors, on ne va pas parler du confinement…

Babass : Non… La situation est suffisamment chiante comme ça, alors on va éviter…

 

Metal-Eyes : Tu veux qu’on parle des élections américaines ?

Babass : C’est une belle comédie qui mériterait qu’on écrive une chanson dessus, mais, non… Je le ferai peut être un jour, qui sait ?

 

Metal-Eyes : On ne sera pas dans le même univers…

Babass : Il y a une sorte de piraterie quand même… Ça peut être cohérent.

 

Metal-Eyes : On remplacera Barbe Noire par…

Babass : …  « Mèche folle », le sale môme qui ne veut pas rendre ses jouets !

 

Metal-Eyes : On n’est pas là pour parler de ça mais bien de Blackbart. Comme c’est notre premier entretien, laisse-moi te poser la question la plus originale qui soit : peux-tu me raconter l’histoire de Black Bart ?

Babass : Alors, je reprends mes petites notes parce que je ne me souviens plus très bien (rires). En fait, ça a commencé avec Les Tontons Flingués, un quatuor avec Marco, Zozio et un autre guitariste qui a décidé de prendre son envol. On a alors intégré le jeune Rudy et ça a été l’occasion pour remettre en question ce qu’on faisait dans ce groupe. C’est aux alentours de 2008, on a toujours le même line-up depuis. On en a profité pour revenir à nos sources, à ce qu’on aime : le gros heavy qui tâche ! Ça a évolué tout doucement, on est de plus en plus heavy, il y a plus de thrash et de heavy allemand dans ce qu’on fait.

 

Metal-Eyes : Quand tu parles de heavy allemeand…

Babass : … il n’y a pas forcément de liens avec Running Wild comme on pourrait le croire. Ils font partie des groupes que certains d’entre nous ont écouté, mais on écoute tous des choses différentes, ce qui fait l’amalgame de nos sources d’inspiration. Rudy et moi sommes sans doute les deux plus heavy du groupe, Marco a un panel beaucoup plus large qui peut aller de I Muvrini à Megadeth… Et c’est à peu près la même chose pour Zozio qui reste un peu plus rock’n’roll, et ça nous permet d’avoir un panel assez large.

 

Metal-Eyes : J’avais noté sur votre précédent album des influences qui vont de Metallica à Judas Priest, en passant par Iron Maiden, donc le gros metal des années 80.

Babass : C’est tout à fait ça, c’est vraiment notre période favorite. Après, tous ces groupes ont continué, ils ont évolué aussi. Je n’aime pas cette formule, mais c’est vrai que c’est un peu notre fonds de commerce. En plus, on veut que ça sonne assez brut et assez naturel, aussi bien au niveau de la production.

 

Metal-Eyes : Vous avez décidé de faire reparler de vous avec la ressortie, ou la rediffusion de Canewydd Bach, un album qui date de 2018. Pour quelle raison vous voulez qu’on en repale aujourd’hui ?

Babass : On voudrait bien que cet album intéresse des labels, des tourneurs, et le meilleur moyen d’en faire reparler, c’est de le ressortir. On n’a pas de distrib’, pas de tourneur, et on pense que cet album mérite mieux que l’anonymat. Et avec la sortie de Pièce de huit, l’idée c’est de relancer cet album. L’un et l’autre sont liés, Pièce de huit est la continuité de Casnewydd Bach, et les prémices de ce qui arrive. S’il n’y avait pas eu la Covid, l’album serait arrivé un peu plus vite, mais là, on est un peu bloqués. Pièce de huit est un intermédiaire entre le passé récent et le futur proche.

 

Metal-Eyes : Vous avez aussi fait le choix de faire ce lien entre ces deux albums avec un Ep. Pourquoi ne pas être allés jusqu’au bout et proposer l’album en entier ? Il y a une vraie différence avec le Ep ?

Babass : Oui, il y a une différence avec les morceaux qu’on est en train d’écrire. On met un pied de plus dans le heavy thrash. Il y a des prémices sur Pièce de huit. Un morceau comme Le maitre est très lourd, mais le refrain est aussi très rapide. Une sorte de mélange et d’opposition entre les deux parties. On ne se donne pas de limite. Pour l’album à venir, il y aura des morceaux très lourds, ou d’autre choses, comme Les filles de madame Henry, plus légères.

 

Metal-Eyes : Sur pièce de huit, j’ai aussi noté une approche à la Slayer, dans Panier de crabes…

Babass : Tu es le premier à faire ce genre de remarque, et ce n’est pas faux. Slayer fait partie des groupes qui nous ont marqués un moment, il y a des rythmiques super intéressantes, le jeu de double grosse caisses, des choses que j’aime bien. C’est sûr qu’à un moment, ça revient aussi…

 

Metal-Eyes : Sur Le maître, à mi-parcours, il y a des traces d’ADX, aussi…

Babass : On a eu l’opportunité de jouer avec eux, sur un festival, il y a trois ans, je crois. Il y avait ADX, Vulcain Drakkar… J’aime beaucoup le dernier album d’ADX, les deux derniers, même. Les autres sont bien, mais ceux-là m’ont bien claqué la figure !

 

Metal-Eyes : Tu m’as dit que votre fonds de commerce, c’est le gros heavy qui tâche. Mais pour quelqu’un qui ne vous connait pas du tout, comment décrirais-tu l’univers, l’esprit de Black Bart ?

Babass : Alors… On pourrait croire qu’on est totalement dans l’univers de la piraterie, qu’on pourrait ressembler à des groupes comme Alestorm, Running Wild, mais en fait, non. On est assez différents musicalement, on explore d’autres univers musicaux, on s’exprime en français et les thématiques ne sont pas forcément la fête, la beuverie, les filles et le rhum ! Comme je suis le maître de la plume, j’essaie d’élargir les sujets. 50% des textes sont tournés vers les légendes de la piraterie et de la mer, et le reste est tourné vers coups de gueule, les hérissements de poils et ce genre de choses. Il n’y a aucune chanson d’amour dans Black Bart, j’ai fait une croix dessus il y a 15 ans et j’ai dit que je n’en écrirais plus (rires) ! C’est un choix, complètement arbitraire. Sur le 4 titres, il y a Panier de crabes, qui parle du fait que, quand tu veux te sortir d’une situation, il y a toujours quelqu’un pour te tirer vers le bas. Chaloner Ogel, c’est une légende maritime, c’est l’ancien second de Black Bart, qui est aussi devenu celui qui l’a chassé, a arraisonné son bateau et a entrainé sa mort… Le maître a été inspiré par une émission de France Inter sur L’exorciste : il y avait le témoignage d’un prêtre qui a demandé, lors d’un exorcisme à ce qu’il y ait le silence dans la pièce et une voix caverneuse a répondu « non, non, plus jamais de silence ! J’ai inventé la télévision pour qu’il n’y ait plus de silence. » Ça m’a marqué et j’ai un peu détourné cette phrase parce que je crois, qu’aujourd’hui, le nouvel enfer, c’est internet, donc j’ai un peu dévié dessus. Et Mammon, qui parle de tous ces gens voués au diable de la finance qui est Mammon. Tu vois que le panel et large. Les thèmes abordés sont généralement à l’origine de la musique qui arrive derrière… Aussi bien musicalement qu’au niveau des textes, on essaie d’ouvrir le panel.

 

Metal-Eyes : Tu disais qu’il y a 15 ans tu as décidé d’arrêter de parler d’amour. Y a-t-il d’autres thèmes que tu refuses d’aborder parce qu’ils n’ont pas leur place dans Black Bart ?

Babass : A priori, je dis oui et non…

 

Metal-Eyes : Alors là, bravo ! Merci !

Babass : (rires) oui, c’est vrai… Je me suis auto-censuré sur un texte, il n’y a pas longtemps, il s’appelait Les chasseurs de vermine, et je me suis dit que c’était beaucoup trop provocateur pour le mettre en ligne.

 

Metal-Eyes : C’est aussi le rôle du rocker, du metalleux de provoquer, parfois…

Babass : Mais là c’était un vrai mode d’emploi pour aller zigouiller quelques malfaisants qui sévissent dans notre monde. Après, mes textes sont soumis aux autres membres du groupe, et personne ne m’a encore dit « non, ça va pas bien ? Tu ne vas pas chanter ça tout de même ! »

 

Metal-Eyes : La question est alors : comprennent-ils le sens de tes textes ?

Babass : Je leur soumets à chaque fois, s’ils ne comprennent pas, ça donne lieu à une explication de texte ! Parfois il y a des sortes de chausse trappe, je dissimule parfois les choses

 

Metal-Eyes : Sur Pièce de huit qui, je le rappelle ne contient que 4 titres, si tu devais n’en retenir qu’un pour expliquer ce que vous êtes aujourd’hui, ce serait lequel ?

Babass : Ah, j’hésite… Je pense que Le maître est assez représentatif de ce qu’on peut faire. Il y a les différentes orientations du groupe, il est moins linéaire que Panier de crabes.

 

Metal-Eyes : Une dernière chose : si tu devais imaginer une devise pour Black Bart, ce serait quoi ?

Babass : Oh, celle de John Barthelemy Roberts : « nous trinquerons avec la mort » ! C’était aussi le titre du second lp, « Nous trinquerons avec… » points de suspension.

 

Metal-Eyes : Le prochain album est prévu pour quand ? Notre ami Covid…

Babass : Notre ami Covid a tout foutu en l’air ! Nous nous auto finançons, on fait tout nous-mêmes, on cherche nos dates de concerts, on essaie d’avoir des défraiements et on met tout ça de côté, pour l’album suivant. On maitrise toute la partie technique, le studio ne nous coute rien, mais on a à notre charge le mastering, le mixage, la pochette. Cette année, les fonds sont à zéro. 9a nous retarde le projet…

 

Metal-Eyes : Vous avez pensé au financement participatif ?

Babass : Ben, on en a parlé tout à l’heure dans une autre interview, on a vu que les amis d’ADX l’avaient fait pour leur dernier album, et ça fait partie des réflexions qu’on a pour l’instant. Il y a des titres qui sont déjà enregistrés et mixés, d’autres en cours de finition. Et avec la seconde vague, le local de répètes est fermé… On attend de pouvoir se retrouver pour finaliser les morceaux.

 

 

BLACK BART: Pièce de huit

France, Heavy metal (Autoproduction, 2020)

Avant la publication de son nouvel album d’ici la fin de l’année, les pirates du navire Black Bart commandé par Babass nous envoient un nouveau coup de semonce avec cet alléchant Ep 4 titres, Pièce de huit. Un Ep qui fleure bon la ration de rhum. Ok, le groupe est typé 80’s (musicalement, certes, mais aussi dans le chant parfois, disons… « surprenant »), mais comme Black Bart est loin de s’en cacher et qu’il le fait avec tant de respect et d’amour, qu’on ne lui infligera pas le supplice de la planche. Pas aujourd’hui, en tous cas. On le sortira même avec plaisir de ce Panier de crabes qui transpire l’amour de Slayer, de Metallica et de Maiden. Une intro puissante et énergique qui donne envie d’en écouter plus. Chaloner ogle propose un rythme imparable, une invitation au headbanging cadencé, et à reprendre ses choeurs chanté dans le plus pur esprit pirate avant que la lenteur et la lourdeur doomesque de Le maître ne viennent plomber l’ambiance. Un coup de vent dans les voiles redonne de la vigueur au titre à mi parcours et lui insuffle même un esprit speed à la ADX avant que Mammon ne vienne amarrer au port le navire avec une réelle efficacité et même une certaine forme de classe. En navigant sur les flots des 80’s, Black Bart se fait simplement plaisir et cherche à nous embarquer dans son insouciance. Alors, moussaillon, prêt à vivre l’aventure? Allez, embarque avec nous, et tu auras bientôt double ration de tafia!

BLACK BART : Casnewydd Bach

France, Heavy metal (Autoproduction, 2018)

Le metal pirate arrive en France et il se nomme Black Bart! Les moussaillons, en pleine préparation de leur 4ème album, ont décidé de se rappeler à notre bon souvenir en redistribuant ce Casnewydd Bach, troisième album sorti en 2018. A-t-il vieilli? Non, car les pirates, en campagne depuis 2007 avec un équipage inchangé (Babass’ au chant et à la… basse, Rudd et Zozio aux guitares,et Marco à la batterie) puisent leur(s) inspiration(s) dans le metal traditionnel, mélodique et rythmé. Celui des 80’s. Le monde de la piraterie en a inspiré plus d’un, de Running Wild à Alestorm, et reste aussi une source d’inspiration intarissable. Et Black Bart, ce nom si souvent évoqué qui fut aussi le thème d’une face B de Maiden (Black Bart blues). Si les sources d’inspirations sont souvent évidentes – allez ne pas reconnaître une basse à la Steve Harris, une intro à la Master de Metallica ou des riffs à la Priest ou Accept sans compter la détermination « vent en poupe » de la bande à Rock n Rolf), le quatuor les intègre joyeusement dans ses compos. C’est parfois si évident qu’on n’a même pas envie d’évoquer le mot de plagiat tant c’est fait avec amour et envie. La production est elle aussi marquée du sceau des années 80, tout comme le chant en français, rugueux et plein de rhum, est parfois étonnant (voire limite et déroutant, comme sur Le dernier voyage). Mais il y a du cœur à l’ouvrage et rien que ça, cette musique faite pour le plaisir sans forcément se prendre trop au sérieux, ça donne envie d’aller plus loin. Alors, en attendant le nouvel album promis pour bientôt, laissons le sourire nous barrer le visage et profitons de cet album plaisant. A suivre: chronique du Ep Pièce de huit.