DIRTY VELVET: Far beyond the moon

Suisse, Doom (Fastball music, 2023)

Un œil qui semble à la fois saigner et regarder un univers qui ressemble à un écran de télé… C’est la pochette assez peu attirante que nous proposent les Suisses de Dirty Velvet pour illustrer leur premier album Far beyond the moon. Suisse? Krokus? Gotthard? Que nenni! Formé à Lausanne en 2019, le quatuor, après répétitions et quelques concerts à domicile, décide de se lancer dans l’aventure d’un album en fin 2022. C’est ce premier essai qui déboule aujourd’hui et nous présente une formation au son brut, aux compositions organiques, aux influences plus que vintage. On repart à la fin des années 60 et au cœur des 70’s. Moon, le premier morceau – pas un hasard s’il s’agit du premier, une invitation à aller largement au delà comme le titre de l’album – évoque immanquablement Black Sabbath, tant par ses riffs et rythmes lents, lourds et oppressants que par le chant plaintif et torturé. D’ailleurs, comme les fondateurs du genre, Dirty Velvet, c’est 4 musiciens: Sly Cuts à la guitare, Katy au chant, Garry à la basse et Gyles à la batterie. Quatre musiciens, une formule simple qui a fait ses preuves. Et même si le chant anglais est perfectible, les tripes de ce disques font mouche. Dirty Velvet puise son inspiration bien au delà du groupe de Tony Iommi. Sa musique, tout au long des 10 chansons évoque tour à tour Candlemass (ok, facile, les dignes héritiers du Sab’) que Blue Oyster Cult (Another reality me rappelle sur quelques plans un certain Astronomy) ou encore Pink Floyd. Même le son est quelque peu old school, ce qui participe pleinement au charme de ce premier album plus que réussi. Heavy, plaintif, psychédélique, hypnotique, aérien… il y a beaucoup à découvrir sur ce Far beyond the moon, premier essai réussi de Dirty Velvet.

 

CLEGANE: White of the eye

France, doom black (Almost famous, 2022)

Etrange CD que celui-ci. Arrivé dans une pochette en dentelle bourrée d’étoiles genre décoration de table, ce disque est aussi sombre que sa pochette est froide. Clegane, formé en 2015 nous propose son 3ème enregistrement (un Ep en 2017, un premier album, Funeral at sea, en 2018, sans compter un split cette même année), White of the eye, composé de 5 titres pour une durée totale de 42′. Clairement, le groupe sombre dans le doom le plus lourd et lent qui soit, y ajoutant quelques parties vocales plus black. L’ensemble est lent, lourd et oppressant, évoque par instant les inventeurs du genre Black Sabbath mais aussi Candlemass, incontournable ou d’autres encore. pour le moins inquiétant, le tout est cependant atténué par un chant souvent doux, et des échappées presque lumineuses. Bref, un disque pas toujours évident mais un disque qui a le mérite d’interpeller, d’intriguer et d’attirer. un groupe qui pourrait aisément se produire vous savez où sous Temple. Clegane, dont le nom semble bien emprunté à l’une des familles de Game of thrones – ce qui est confirmé par la pochette de ce disque, un flocon de neige qui évoque « Winter is coming », est une formation à suivre.

GONEZILLA: Aurore

France, Doom (Autoproduction, 2022)

Gonezilla a été formé à Lyon en 2011 et vient de sortir son second album, Aurore. Comme nous l’explique Julien, le guitariste fondateur du groupe, après avoir débuté en tant que « groupe de reprises, on s’est décidé à composer avec le line-up historique, dans un style non encore défini mais avec le chant en français, ce qui est un incontournable chez nous. Quand on a entamé la composition de ce second album, il y a eu un changement important de line-up avec l’arrivée de Karen, notre chanteuse qui vit sur Paris, et un nouveau batteur, également à Paris. » Aurore est en effet marqué par ce chant français dans un style désormais définit : « un univers plus doom, plus affirmé aussi. » Doom, le mot est lâché. Un doom à ne pas mettre dans les mains d’un dépressif tant l’ensemble est lent, lourd et sombre.  Il rit : « la notion de doom, en effet, ne s’applique pas forcément de la même manière à tout le monde… Il y a de la mélancolie, de la noirceur, mais ne va pas croire qu’on ne va jamais à la plage ! On aime ça, aussi ! L’univers doom peut être parfois caricaturé, même si ce qui le caractérise ce sont des univers sombres, des paroles mélancoliques, un tempo assez lent, mais, pour autant, on peut y trouver de l’énergie. On n’est pas là pour faire pleurer les gens mais pour partager quelque chose ». Comme souvent, le chant double apporte une forme de relief entre clarté et agressivité. Je reste étonné par la pochette, une représentation de Narcisse (une œuvre de John William Waterhouse datant de 1903) qui évoque la mélancolie de l’amour autocentré : « ce tableau colle aussi au thème de la mythologie grecque qui nous intéresse, ce rapport philosophique à l’homme, il y a un rapport entre l’analogie des textes et l’allégorie de notre condition même. Et comme tu le dis, ce double chant, on n’est pas les premiers à le faire, ce concept « la belle et la bête », mais on aime ça, on assume complètement ». Tant mieux, et heureusement que le groupe assume ce qu’il crée ! Si six années séparent Aurore de son prédécesseur, Chimères, Julien, malgré les années Covid, voit cette période comme un passage à une professionnalisation du groupe qui, de fait, devient une priorité dans la conception des morceaux, l’approche de la scène et des outils de communication. Des onze titres que comporte l’album, le guitariste estime que l’identité musicale est définie par « Les couleurs de la nuit – qui va de pair avec le dernier, Outre monde, une entrée et une sortie. Mais Les couleurs de la nuit a du contraste, des nappes de claviers, un peu de guitares lead. C’est ce qui représenterait le mieux ce que nous sommes aujourd’hui. Mais les références mythologiques sont omni présentes, même si on ne parle pas de Narcisse à proprement parler, on garde ce regard sur l’humain et la mythologie grecque ». Si l’ensemble de l’album est lourd, Aurore n’est pas facile d’accès. Il faut plusieurs écoutes pour se l’approprier – ou pas en fonction de son état d’esprit. Un album pour personnes averties, à ne pas mettre entre toutes les oreilles…

 

Propos de Julien (guitare) recueillis le 28 avril 2020 au téléphone

 

DRUIDS OF THE GUE CHARETTE: Talking to the moon

Doom/Stoner, France (Beast records, 2020)

Attention, ami! Si tu n’es pas du genre curieux et ouvert d’esprit, alors passe ton chemin. Car Druids Of The Gué Charette, groupe breton biberoné à l’extrait de dolmen et élevé à la fumée de menhir, nous invite à une expérience sonore qui se situe entre voyage initiatique et rituel spatio-temporel. Ou l’inverse. Le style de ce nouvel album, Talking to the moon, est difficile à décrire, perdu entre Hakwind et Black Sabbath, Candlemass et The Bottle Doom Lazy Band. La lourdeur du propos se mêle à des sonorités spatiales telles qu’imaginées au début de la SF – réverbération et écho à l’envi des notes synthétiques et métalliques. Si l’on omet le plus gros défaut de cet effort – le chant anglais de Reverend Drope est à revoir – les druides nous proposent une oeuvre intrigante voire fascinante qui nous emmène sur les pas de Merlin voyageant autant en forêt de Brocéliande qu’à travers les âges et le temps. Pour peu que l’on se laisse emporter, on se retrouve dans une forme de transe méditationnelle. Peut-être pourrions nous, nous aussi, commencer à parler à la lune, si notre initiation peut aboutir.

DELIVERANCE: Holocaust 26:1-46

France, Metal (Deadlight entertainement, 2020)

Lorsqu’un Memories Of A Dead Man (le chanteur Pierre Duneau) rencontre un Aqme (le guitariste Etienne Sarthou), les projets prennent vite forme. Ceux d’unir leurs forces pour pouvoir développer au sein de Deliverance une musique qui leur est propre, franchir toutes les frontières de genres et de codes. Ou plutôt ne s’en imposer aucune. Après un premier Ep et un album (Doosday, please! et Chrst), Deliverance revient avec Holocaust 26:1-46, un album de 6 longs titres qui avoisinent les 50′. Saturnine ouvre sur des accents trompeurs: lent, doom, le chant de Pierre, toutefois, rappelle ses origines extrêmes. L’ambiance est au plombage en règle, mais les amateurs de sensations fortes trouvent rapidement de quoi se mettre sous la dent avec God in furs (ah, ce titre! « Dieu en fourrures »… excellent) totalement black metal. Speedé, inquiétant, presque introspectif, le morceau fait mouche et bénéficie de quelques breaks bien heavy. Proposant un nouveau contre pied, The gyres démarre avec une simple guitare, légère et aérienne. Etienne montre sa facette la plus sensible, ainsi que Pierre, ici envoûtant. Le titre monte ensuite en puissance, sans être, hormis le chant, trop agressif. La variété des sonorités toujours heavy tend à démontrer que Deliverance reste à la fois torturé, explorant ses aspects qui pourraient passer pour malsains mais qui se révèlent, ne serait-ce qu’avec Sancte Iohannes, salvateurs et d’une redoutable efficacité.Le cadencement des corps et des cervicales est impeccable. Holocaust for the oblate lorgne vers le heavy doom – amis dépressifs ou confinés, ce titre qui alterne avec des passages plus mélancoliques est peut-être à éviter en ce moment… Makbenach conclue avec un riff hypnotique cet album qui semble définir la voie que souhaite suivre Déliverance. Attention, du lourd est de sortie! Ah, au fait… que cache ce titre d’album mystérieux? Sans doute un clin d’œil à la bible et son passage des Lévitiques disant que « Vous ne vous ferez pas de faux dieux, vous ne vous dresserez ni sculpture sacrée ni statue… » et plein d’autres choses un peu ratées dans toutes les religions…

VERDUN: Astral sabbath

Sludge/Doom/Death, France (Deadlight entertainement, 2019) – Sortie le 15 novembre

Formé à Montpellier en 2010, Verdun nous propose son troisième essai. Tout d’abord, en 2012 parait The cosmic escape of admiral Masuka, un Ep posant le style  musical – une sorte de doom enragé sur fond de hurlements – et le concept littéraire – proche de la SF et du fantastique. Suit en 2016 un premier album, The eternal drift’s canticles. Trois ans plus tard, Verdun revient avec Astral sabbath, la suite du concept cité plus haut. Avec un nom tel que Verdun, on aurait pu s’attendre à une approche plus guerrière. Mais il n’en est rien. Musicalement très lent et lourd, Verdun propose un doom/sludge oppressant et inquiétant. Le chant hurlé contrebalance ou augmente cette sensation de mal être perpétuel. Une indescriptible rage envahit de sa présence malsaine les presque 54′ minutes que durent les 7 morceaux. Aussi violents et inquiétants qu’une bombe atomique qui tomberait sur Hiroshima. Tiens? Ça tombe bien (c’est le cas de le dire): c’est justement le point de départ, un certain 6 août 1945, de Return of the space martyr. Les amateurs de sensations fortes vont se délecter car ça ne se calme pas une seconde. Un album pour public averti.

WITCHSORROW: Hexenhammer

Doom, Royaume-Uni (Candlelight/Spinefarm, 2017) – Sortie le 25 mai 2018

Bien que formé en 2005, Hexenhammer n’est que le quatrième album des Anglais de Witchsorrow, le désespoir des sorcières… De désespoir il est bel et bien question tout au long des 7 morceaux de ce nouvel album, aussi lourd qu’une enclume dépressive. Le propos musical est sombre et fait ressortir toute la noirceur de l’âme de ses compositeurs (Demons of the mind) qui, pourtant, ont pris le temps qu’il faut pour penser cet album. Si, quand on parle doom, on pense avant tout à Black Sabbath, c’est principalement Candlemass et Cathedral qui se démarquent ici. Dès Maleficius, le cadre est posé: malaise ambiant, envie de lumière, épaisseur et lourdeur du son… Hexenhammer fait partie de ces albums à déconseiller aux dépressifs mais que les « sains d’esprits » s’approprieront avec bonheur.  Mieux qu’une marche funèbre, un accompagnement vers la nuit éternelle qui suit le bûcher.

ELECTRIC WIZARD: Wizard bloody wizard

Doom/Heavy metal, Royaume-Uni (Spinefarm records, 2017)

Electric Wizard, on le sait, est une de ces formation fascinées par l’univers du Black Sabbath des débuts. Pas étonnant que le groupe ait – enfin – décidé de nous offrir un album (euh… mini album) de 6 titres et de lui donner un nom, Wizard bloody wizard, qui évoque le Sabbat noir. Et une imagerie qui évoque, entre autres, Slayer. Mais peu importe, c’est le contenu qui nous intéresse: allumé, lourd, psychédélique, parfois, ce CD renferme tous les ingrédients que l’on recherche. Le chant torturé évoque un Ozzy ayant rencontré Mick Jagger, les rythmes lourds deviennent rapidement au mieux hypnotique, au pire oppressants… Tout au long des See you in hell (et son message apocalyptique), Necromania, Wicked caresses… on se dit que le quatuor n’a pas que consommé de l’eau pendant l’enregistrement… C’est allumé, inquiétant, assez barré tout en se laissant écouter avec une déconcertante aisance. Un bon retour d’une formation presque trentenaire!

THE WOUNDED KINGS: Visions in bone

thewoundedkings-2016Doom, Royaume-Uni (Spinefarm, 2016)

Aussi sombres que la pochette qui les renferme, les cinq titres de Visions in bone, cinquième album de Anglais de The Wounded Kings, sont d’une lourdeur sans équivalent. Longs, très (seul un morceau a une durée raisonnable de moins de 5’…), et lourds, largement inspirés par, tiens donc?, un Black Sabbath des premières années, les Beasts, Vultures et autres Bleeding sky proposent des ambiances variées, toujours sombres et, surtout, oppressantes. The Wounded Kings nous replongent allègrement au cœur de ces années de tentatives et de tentations, ces années psychédéliques pendant lesquelles les musiciens osaient explorer, sortir des sentiers battus, à la recherche DU riff ultime. Le chant sombre de Sharie Neyland colle parfaitement à l’ensemble pachydermique voulu par ses comparses. Un album à ne pas recommander en cas de dépression… Il semble cependant que Visions in bone soit le chant du cygne de The Wounded Kings qui a, depuis la sortie de ce disque, décidé de mettre un terme à l’aventure.

Note: 8/10

Titre que je retiens: Vultures

WORMFOOD – L’envers

wormfood-l-envers-2016Doom théâtralisé, France (Apathia, 2016)

Il est trop tard. Je me suis fait happer. Happer par cette voix, grave, profonde et effrayante qui pourtant m’avait averti. J’aurai mieux fait de rentrer chez moi, me vautrer dans le canapé et regarder la télé. Mais non. Il a fallu que je continue, que ma curiosité malsaine me pousse à écouter. Encore. Encore. Trop tard, vous dis-je… Lire la suite