JIRFIYA: W

France, Metal (Autoproduction, 2023)

Après 2 Ep, Wait for dawn (2019) et Still waiting (2020) – plus proche de l’album que du Ep avec ses « 6 titres + 2 bonus » – Jirfiya nous propose aujourd’hui son premier album éponyme. Le groupe aura pris quelques temps avant de nous offrir ce premier véritable album. Covid oblige, soit, mais n’y a-t-il que ça? Le groupe a pris son temps pour peaufiner des compos alambiquées, taillées dans un metal protéiforme, puisant autant dans le thrash que dans le prog. Ce dernier est omni présent dans les risques pris – débuter avec un Asylum alambiqué de plus de 9′, fallait oser – que dans ses explorations hors metal. Les inspirations orientales (Sister in blood, The factory, voire aussi cette illustration qui évoque l’entrée d’une pyramide ou d’un temple autant qu’un univers de SF) sont en effet toujours présentes, certes, la mélancolie aussi, mais on retrouve aussi d’autres choses, comme ces cuivres (toujours sur Asylum, pardon… mais, oui, j’ai aussi écouté la suite!) ou la mélancolie de qui évoquent l’univers radicalement différent de La Maison Tellier (rien à voir ici avec le fondateur guitariste, chanteur et compositeur Jérôme Thellier). Le chant d’Ingrid Denis est toujours torturé et ses envollées accompagnent à merveille les instrumentations exploratoires d’univers souvent improbables. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne (ou le mérierait sans doute plus…), le combo a une nouvelle fois eu recours aux services d’Andrew W aux Hybreed studios. Si ce premier véritable album ne souffre aucune critique, une question demeure: qu’est-ce qui peut aujourd’hui distinguer Jirfiya d’une scène très encombrée? Sans doute, justement, la scène. A suivre.

Interview: JIRFYIA

Interview Jirfiya : entretien avec Pascal (basse). Propos recueillis par téléphone le 6 janvier 2021

Photo promo

Metal-Eyes : Jirfiya a sorti un second Ep il y a quelques mois, mais c’est la première fois que nous parlons. Peux-tu, demande très originale, tu en conviendras, raconter l’histoire du groupe ?

Pascal : Jirfiya est né il n’y a pas très longtemps. Ça fait environ 3 ans que nous nous sommes réunis. Jérôme et moi avions un autre groupe, Born From Lie, avec qui on a sorti 3 albums. Il ne voulait plus être seul à chanter. On a cherché, et trouvé Ingrid. Quand on l’a auditionnée, il y a eu la conjonction de plusieurs événements, le batteur déménageait, n’avait plus trop de temps pour le groupe… On a décidé avec Jérôme de faire un autre groupe et, avec l’arrivée d’Ingrid, Jirfiya est né.

 

Metal-Eyes : Quelle est la signification du nom du groupe ?

Pascal : C’est le nom d’une météorite martienne qui s’est écrasée en Lybie, dans la ville de Jrfiya, sans le i ce qui rend la prononciation encore plus difficile. On a donc rajouté une voyelle, et on aimait bien le nom oriental qui colle bien avec nos mélodies orientales.

 

Metal-Eyes : Le premier Ep est sorti il y a un peu plus d’un an. Quels retours avez-vous eus ?

Pascal : Les chroniques étaient très bonnes, mais je ne sais pas si on a pu faire une promo complète… On n’a pu donner qu’un concert avant de devoir arrêter.

 

Metal-Eyes : La situation sanitaire vous a-t-elle permis d’accélérer la réalisation de ce nouvel Ep, Still waiting ?

Pascal : Ça aurait pu, mais Jérôme, quand il s’y met, il s’y met… Il est intermittent du spectacle, donc parfois, il y a des périodes, en hiver, il ne travaille pas. Il compose et nous sort des morceaux pendant ce temps. Parole et musique, c’est principalement lui. Donc la situation sanitaire n’a pas vraiment joué. Il a simplement du temps…

 

Metal-Eyes : C’est une volonté de votre part que de sortir des Ep plutôt qu’un album avec 10 ou 11 titres ?

Pascal : Là, ça s’est fait un peu comme ça… Jérôme avait 6 morceaux. Les titres bonus viennent de Born From Lie, des titres qu’on voulait réadapter et rejouer. On en a donc profité, ce qui donne presque un album.

 

Metal-Eyes : Quelles différences fais-tu entre ces deux versions Born From Lie ?

Pascal : Ça change beaucoup avec la voix d’Ingrid. Mais on a tout réenregistré, on n’a pas pris les bandes son de l’album. Le son est plus puissant, on ne les avait pas fait mixer par Andrew G, elles sont beaucoup plus puissantes comme version.

 

Metal-Eyes : Comment analyses-tu l’évolution du groupe entre ces deux Ep, Wait for dawn et Still waiting ?

Pascal : Ah, très bonne question ! Je ne me suis pas posé cette question, mais je pense qu’il y a une évolution naturelle. C’est surtout au niveau de la voix d’Ingrid, parce que, musicalement, on retrouve notre patte, notre style. Ingrid a vraiment évolué entre ces deux disques. Pour le premier, ça ne faisait pas longtemps qu’on travaillait ensemble, tandis que là… Sur certains morceaux, elle est devenue plus agressive et plus douce aussi.

 

Metal-Eyes : Les influences orientales, elles viennent d’où ? Bon, tu vas me dire « d’orient »… (rires)

Pascal : On aime bien ces mélodies, dans le metal il y en a beaucoup aussi. Ça fait partie de nos influences.

 

Metal-Eyes : C’est Jérôme qui est à l’origine des compositions, mais est-ce que vous avez aussi votre mot à dire ?

Pascal : Oh, oui ! Mais comme ce qu’il nous propose est déjà presque bien…

 

Metal-Eyes : J’aime bien le « presque bien »…

Pascal : Oui, c’est « presque une blague » (rires). On discute toujours, mais les morceaux sont pratiquement finis, il est doué pour ça.

 

Metal-Eyes : Andew G avait déjà travaillé avec vous pour le premier Ep. Que vous apporte-t-il de plus qui n’existerait pas sans son oreille ?

Pascal : C’est surtout sa finition, son mixage, son mastering. Et c’est un batteur. Les ingénieurs du son / batteurs, c’est ce qui donne de la puissance à l’enregistrement.

 

Metal-Eyes : Wait for dawn, Still waiting… Vous avez déjà une idée du titre du prochain ?

Pascal : On attend encore et encore (rires) ! Oui, c’était un clin d’œil et les paroles sont assez d’actualité. Mais là, je pense qu’on va arrêter d’attendre… On va faire des paroles sur les chats, ça fonctionne bien sur Facebook (rires) !

 

Metal-Eyes : Justement, vos paroles abordent quoi ?

Pascal : Beaucoup d’actualité brûlante, bon, pas du Covid, ça n’existait pas encore… Mais tout ce qui est international, la dérive des multinationales qui polluent, des problèmes plus intimes, sur le pouvoir des sectes sur l’esprit humain…

 

Metal-Eyes : Y a-t-il des thèmes qui n’ont pas lieu d’être dans Jirfiya ?

Pascal : Non, on n’aborde pas ça de cette manière… Jérôme parle de ce dont il veut parler. On ne fait pas de paroles à la… merde, je ne sais plus, ils sont marrant…

 

Metal-Eyes : Ultra Vomit ?

Pascal : Oui, Ultra Vomit, c’est rigolo ! Eux, la parodie, c’est leur truc et ils le font super bien. Nous, on ne pourrait pas, on est trop sérieux (rires) !

 

Metal-Eyes : Bon, ben, je vais éviter de te demander de raconter une blague (il rit) … En dehors des reprises de Still Waiting, si tu devais ne retenir qu’un seul titre qui voit représentatif de ce que vous faites, ce serait lequel ?

Pascal : Alors là… Tu poses une question comme ça à un Normand, je peux pas faire de choix (rires) !

 

Metal-Eyes : On ne m’a pas dit que tu étais Normand, j’aurai refusé…

Pascal : The hill of shame, peut-être ? Mais c’est vraiment parce que je l’adore, et puis pour les paroles qui me touchent. Entre la violence et la douceur, ça représente bien le contraste de tout ce que l’on peut faire en musique.

 

Metal-Eyes : Pour conclure, peux-tu imaginer une devise pour Jirfyia ? En dehors de still waiting, bien sûr…

Pascal : Je pense à… « engagé et confiant », c’est un peu nous.

JIRFIYA: Still waiting

France, Metal (autoproduction, 2020)

Il y a à peine un an, Jirfiya m’avait agréablement surpris avec son premier Ep. Il y a un an à peine… Rares sont ceux qui s’activent autant pour proposer de nouveaux albums – mini, ou Ep… -alors commençons par saluer l’effort que représente ce Still waiting mal nommé (ben ouais, on n’aura pas attendu longtemps…) 6 titres plus 2 bonus composent ce nouveau méfait confirme les orientations musicales du combo: un mix de metal extrême rageur et enlevé (Silently) qui introduit les différents éléments de l’identité musicale du groupe (un chant masculin rageur doublé d’une douceur vocale féminine, des sonorités variées et inspirées, des constructions efficaces), de prog (The right side of the border), de hard core proche metal core (The farewell), de rock pur jus (This is my life) ou de moments plus sensibles, proches de la ballade (The hill of shame), voire même pop (House of poison et son entrée a capella). Le mix de chant rugueux et doux – masculin et féminin – fait toujours sont effet et les apports orientaux des guitares font mouche à tous les coups. Les textes semblent aborder des thèmes d’actualité aussi brulants que les migrants et l’injustice sociale. Incontestablement, en tout cas, c’est le mal qu’on lui souhaite, Jirfiya, avec son metal varié, puissant et aérien, une production et un artwork soignés, se positionne dans les challengers de la scène française à suivre.

JIRFIYA: Wait for dawn

France, Metal (Ep, autoproduction, 2019)

Sur fond de guitares furieuses et d’un partage vocal masculin (Jérôme Thellier, également guitariste et co-fondateur) et féminin (Ingrid Denis, co-fondatrice) Jirfiya, quatuor hexagonal, nous invite, avec ce premier Ep, Wait for dawn, dans son univers sonore qui explore aussi bien des tonalités orientales (The report card), la fureur metal pure et dure, s’engage également sur les terres progressives (Under control) . La rage vocale de Jérome Thellier, également membre de Born From Lie (ainsi que le bassiste Patrick Davoury) apporte une touche extrême contrebalancée par la douceur de celle d’Ingrid. Le propos est diversifié (To be saved est aussi speed et furieux que mélodique, suivi de son opposé, la ballade A part of light, titre qui monte en puissance et en hargne sur sa seconde partie). Waiting for your fall, qui clôt ce premier essai, est un parfait mix de tout ce que Jirfiya a présenté. Ingrid en profite même pour présenter une facette vocale bien plus hargneuse… En 5 morceaux, les Français démontre l’étendue de leurs influence et prouvent un réel savoir faire, doté d’une vraie personnalité.