DARCY: Tout est à nous

France, Punk (At(h)ome, 2024

C’est sans aucun doute possible l’époque qui le veut. Les Rennais de Darcy sont de retour avec Tout est à nous, un troisième album où la colère du quotidien cède le pas aux cris de la révolte qui gronde. Forgé dans le moule contestataire cher à leurs glorieux ainés que sont Lofofora ou, plus proches encore musicalement, Tagada Jones. Le fond est insoumis, revendicatif, rageur. La forme est rugueuse, directe et sans concession. L’esprit contestataire omniprésent a été mis en son par un autre révolté notoire, Fred Duquesne (à ses heures perdues également guitariste et producteur de Mass Hysteria), et l’ensemble est sévèrement burné. Les onze titres défilent brutalement comme une manif qui tourne mal. La colère d’Irvin – son chant enragé a pris de la puissance – et palpable tout au long des Poings en l’air, La bagarre, Ce soir, ça va chier et autre Plus rien à foutre. Clairement et ouvertement engagé, Darcy frappe fort avec ce nouvel album au titre oh combien contradictoire car totalement capitaliste: Tout est à nous résonne comme une envie de déposséder l’autre pour posséder soi-même… C’est pourtant le cri de toutes les manifs anti-capitaliste que l’on entendra encore, malheureusement, bien longtemps: « tout est à nous, rien n’est à eux ». Un album puissant, un message fort et engagé, une musique explosive… Tout est réuni pour mener Darcy aux sommets de la scène punk rock metal hexagonale.

FIFTY ONE: Love/hate

France, Punk/Thrash (M&O, 2024)

En ouvrant son album avec l’instrumental Adios motherfucker, le groupe de punk rock Fifty One (à ne pas confondre avec la formation hard rock Fifty One’s kidnapée au début des années 2000 après quatre albums) se pose comme une formation thrash explosive. Pourtant, dès Stroke of midnight, le groupe s’oriente vers ce punk rock US festif et télévisuel. Ne serait-ce – encore une fois, comme trop souvent avec les groupes hexagonaux – ce ridicule accent anglais qui vient gâcher mon écoute, la Californie, le soleil et la fête sont au rendez-vous. On cite les influences? Fifty One s’inspire directement de ses ainés, Sum 41, The Offspring ou Green Day en tête. Musicalement enjoué, ce Love/hate bénéficie d’une production soignée qui rend justice au genre. Le groupe ne réinvente rien mais met tant de cœur à l’ouvrage que l’on a envie de les soutenir. On a envie de sauter, chanter et surfer… Reste un détail à travailler pour séduire un public étranger.

HEADS UP: The way of the cure

France, Punk rock (M&O music, 2024)

Avec sa illustration d’un maxi burger géant à la poursuite de 4 énergumènes, on se dit d’emblée que Heads Up n’a rien de très sérieux. Et, une fois l’intro de The way of the cure passée, on replonge dans ce punk rock US festif et enjoué. L’esprit de The Offspring et de Sum 41, voire de la série Friends, plane en effet tout au long de ces 10 chansons qui font taper du pied. Ok, on est en terrain connu, celui d’une musique calibrée pour faire s’agiter les pieds lors d’un spring break, celui d’un rock déconneur et pas prise de tête. Alors on pardonnera volontiers cet accent franchouillard (quoique… pas sûr que ça n’irrite que moi). On identifie en effet immédiatement l’origine du groupe. Car, oui, Heads Up est une formation française, un combo qui a grandi avec les références précitées, et qui, bien que ne réinventant rien, s’en donne à cœur joie. On tape du pied mais est-ce suffisant pour vraiment percer? Il ne fait cependant aucun doute que Heads Up entraine son public dans son délire une fois sur scène, car sa musique est taillée pour.

DROPKICK MURPHYS: Okemah rising

USA, Rock/punk celtique (Dummy luck/PIAS, 2023)

Oups, il nous a échappé, celui-là… Et il mérite une petite séance de rattrapage, parce qu’on les aime bien, chez Metal-Eyes. Les Américains de Dropkick Murphys ont toujours su faire du rock celtique qu’ils pratiquent un moment de fête et de bien-être. Leur douzième album ne déroge pas à la règle. Et même si, sur la pochette de Okemah rising, il est écrit « acoustic », la joyeuse bande a rebranché l’électricité. Comme pour son précédent album, le groupe rend hommage à Woody Guthrie en mettant en son les textes du bluesman. Et force est de constater qu’une fois encore, le mariage fonctionne à merveille. Malgré la séparation temporelle entre ces artistes engagés, les textes de Guthrie sont toujours d’actualité (trop, sans doute…) et sont ici plus que mis en avant par Dropkick Murphys, toujours actif en matière sociale. Mais les punks celtiques parviennent à dénoncer, avec les mots de Guthrie, les travers de la société sans toutefois semer la zizanie. C’est bien de vie qu’il s’agit, de la joie de vivre même, malgré les difficultés économiques et sociétales. De My eyes are gonna shine à I’m shipping up to Boston – Tulsa version, tout est gai, enjoué et entrainant. On a envie de chanter, danser, bouger, remuer du popotin et lever le poing, une bière à la main, et ça, ça fait du bien. Avec Dropkick Murphys, on a simplement envie de passer un bon moment. En Cd ou en concert. Et ça tombe bien: on vient de les annoncer de retour à un certain Hellfest en juin procain!

BROKEN BOMB: Full mental racket

France, Punk/Hardcore (Katabomb records, 2023)

Ca c’est du punk! Pas la version radio commerciale popularisée par certains groupes US des 90’s… Broken Bomb se rapproche bien plus de l’esprit crade, sales gosses, tout dans ta gueules des inventeurs du genre, Sex Pistols, The Exploited ou GBH en tête. Ajoutons à la mixture une dose de ce heavy metal gras et biereux version Motörhead première période, un peu de thrash ultra speedé, du hardcore US version Suicidal Tendencies, des riffs efficaces et travaillés et des rythmiques en béton armé (oui, des keupons qui savent vraiment jouer, ça existe!) et on a un résultat explosif de bout en bout. Crachant sa rage contre la société, notre obéissance aveugle à tout ce qui nous entoure, ce Full mental racket, premier album des parisiens qui se sont formés en 2020, est explosif de bout en bout. Chanté ou plutôt hurlé (mais pas dégueulé ou growlé) en anglais – avec quelques touches de français – Broken Bomb a tout pour faire pogoter et retourner une Warzone. Ce premier album est, en toute simplicité, une réussite totale! Les 10 titres de ce CD vont droit au but sans chercher à faire de l’esbrouffe. En 30′ à peine, c’est expédié mais on ressort de cette écoute trempé. Que les amateurs de sensations fortes se jettent dessus sans attendre, et c’est un ordre. « Sir, yes Sir! »

TINY VOICES: Erosion

France, Heavy/Punk (UPR, 2023)

Ca débute avec une voix rugueuse et une guitare. Un peu de dépit, voire de colère contenue dans ce chant plaintif, avant de taper dans le tas… Ainsi commence Erosion, le premier album des Angevins de Tiny Voices, avant de s’enfoncer dans un punk grungy qui libère sa colère. Il y a, tout au long de cet album, autant de rage que de soif de vivre, un peu à la manière de ce que nous proposaient des formations comme The Shoulders, The Clash, ou plus récemment, les formations de « punk » celtique (Dropkick Murpys, Flogging Molly…), et des guitares qui, sans aucune hésitation, rappellent The Cure. L’énergie développée ici ne peut laisser de marbre tant le propos musical invite et incite à chanter à s’en casser la voix, à pogoter ou simplement sauter de droite et de gauche. C’est direct, brut, parfois un peu hors de contrôle et bordélique (Should I? Should have) mais ça reste toujours fun. On retrouve aussi ces airs qui, bien que hurlés avec rage, donnent envie d’être chantés en chœur et en communion avec Tiny Voices. Dix titres explosifs forment ce premier album à l’énergie débordante et communicative. A découvrir d’urgence et consommer avec délectation!

CIGANY MÖHAWK

France, Punk (Autoproduction 2023)

J’ai découvert Cigany Möhawk lors du festival Un autre monde en 2019. Le groupe jouait alors sur la petite scène du parc Pasteur à Orléans et proposait un mélange de punk old school et de thrash, le tout teinté d’un esprit folk dansant mené tambour battant par un accordéon des plus joyeux. Le groupe restait alors volontairement underground, refusant les réseaux sociaux et travaillant dans un pur esprit DIY. L’esprit est toujours le même, une page Facebook en plus. Cigany Möhawk nous propose avec ce premier album 13 titres aussi dansants qu’énergiques, entrainants et explosif tout à la fois. Au delà de l’accordéon, la particularité des Blesois est de n’avoir opté pour un chant ni anglais ni français, le groupe s’exprimant en ce qui ressemble à du roumain. Le lien est vite fait pour les amateurs avec l’autre formation tzigane historique de ces contrées, Dirty Shirt. Et cela donne tout son sens à l’accroche que veut le groupe qui s’adresse à ceux qui ne craignent pas « la rencontre entre punk et tzigane ». La joyeuse rage déployée tout au long de ce premier album fait du bien par où ça passe tant le propos est fédérateur et la jovialité omni-présente. Alors, oui, on se plait à imaginer le groupe animer de folles soirées estivales ou mettre le feu (au figuré s’il vous plait!) à des clubs de moyenne capacité. Tu veux t’éclater et en découvrir plus, alors c’est sur sa page FB, l’album pouvant être directement commandé chez M&O music, acheté à prix libre en direct ou même… à vous de lire la suite chez eux! Et comme ils l’écrivent si bien, maintenant: let’s punk!

SKER: Insomnia

France, Rock déjanté (Ep autoproduit, 2023)

Alors là, les cocos, on attache sa ceinture et on s’accroche. parce que Sker, formé en 2017, déboule avec Insomnia, un premier Ep aussi direct qu’incisif ou brutal. Puisant autant dans le punk crado que dans le rock pas du tout fait pour les passages en radio, les 4 titres d’Insomnia, l’Ep en question, tabassent sec. Ca crache, ca déménage et on est vite plongés dans un univers de jobars. Le chant complètement allumé de Samantha frise la folie de bout en bout et se voit en tous points soutenu par des guitares incisives et tranchantes (Rémi et Loup) ainsi qu’une rythmique écrasante sinon oppressante (Kass à la basse et Enzo à la batterie). Le groupe ne propose guère de temps morts ou simplement propice au repos auditif tout au long des Hey girl ou des bien nommés In the void et Parasite. car avec tant de folie, nul doute que certains auditeurs à la sensibilité exacerbée auront ce terme en tête en écoutant ce disque! Disque qui se conclu avec un Feeling sorry qui ressemble à tout sauf des excuses sincères. Alors, oui, les cocos, on s’accroche et on pogote!

LES KROUTES: Change rien

France, Punk (mais ça dépend du point de vue…) (Autoproduction, 2022)

Il y a des groupes, comme ça, t’en a rien à foutre. Et un jour, tu te rends compte que, eux non plus, il n’en on rien à foutre. C’est clairement le cas de Les Kroutes (on va pas chercher ce qu’il y a dessous..) qui existe tout de même depuis 1999! Ils reviennent avec Change rien, album irrévérencieux à l’esprit plus que punk et fun. Dès Distributeur, le message est clair: on est la pour s’éclater, avec des rythmes enlevés, fortement incitateurs de pogo, un esprit ska, oï et folk, des riffs thrash et des textes rageurs et dénonciateurs de tous les mots de notre société. Les chansons sont émaillées de ces Oh, oh, oh fédérateurs à chanter avec le public en concert. S’il n’est pas trop occupé à pogoter, encore une fois… Change rien est un album défouloir qui fait du bien avec diverses références musicales, bien sûr, mais aussi cinématographique (les amateurs reconnaitront Le huitième jour), le genre à te réveiller une Warzone vers 10h30… Ne changez rien les gars, c’est parfait ainsi! On n’en a pas tant que ça rien à foutre, finalement.

THE FOXY LADIES: Not sorry

Heavy rock/Punk, France (Autoproduction, 2022)

Ils sont quatre, viennent de Lyon et visiblement, se foutent royalement des codes et des règles, voire de l’ordre établi. The Foxy Ladies – si le nom évoque un certain Jimi Hendrix, rien d’étonnant – déboulent en force avec Not sorry, leur troisième livraison (après Ignition en 2015 et Backbone en 2017). La nouvelle offrande mélange avec un réel bonheur puissance et irrévérence au travers de 11 titres explosifs et rageurs. Les guitares de Lucianne Wallace évoquent autant Motörhead  (voire Iron Maiden sur l’intro du premier titre, Blossom with the moon) que les grandes heures du punk ou du ska (Vulture dance), allant droit au but sans fioriture soutenues par une rythmique solide signée Emilie Mathey (batterie) et Alexis Parison (basse). On remarquera également le chant parfois enragé, parfois taquin, voire coquin, de Gabi Sam à qui on pourrait demander de travailler un peu sa diction anglaise, mais c’est bien tout tant elle éructe et dégueule avec bonheur sa rage. Au delà des groupes mentionnés, le résultat final fait aussi penser à Girlschool ou Siouxie and the Banshees. C’est crade – à l’image de la pochette – et généreux. Du rugueux simple comme « on n’en fait plus ». La preuve que si, on en fait encore, c’est ce Not Sorry des Foxy Ladies à découvrir d’urgence.