Interview SOEN. Entretien avec Lars Ahlund (guitare, claviers) le 15 octobre 2023.
C’est quelques heures avant de monter sur scène que Metal Eyes a pu s’entretenir avec un Lars Ahlund, guitariste et claviériste au sein de Soen, particulièrement détendu et heureux d’être de retour à Paris, même s’il n’a pu prendre le temps de faire un tour, ce qu’il fera par la suite. Pour le moment, retour en arrière et en actualité avec un musicien heureux.
Metal Eyes : Commençons par un retour en 2022 puisque Soen a joué pour la première fois au Hellfest lors d’une journée particulièrement chaude (il rit). Quels sont tes souvenirs de cette date ?
Lars : Mon vrai souvenir est lié à notre technicien guitare, Gildas. C’est là que nous l’avons rencontré. Il travaillait derrière la scène… C’était une soirée très sympa…
Après-midi…
Oui, une après midi très sympa. Mais la soirée était très sympa, on pouvait regarder tous les groupes des main stages depuis la terrasse artistes… C’était top mais il faisait tellement chaud qu’on se concentrait pour ne pas nous évanouir (rires). Mais c’était fantastique pour nous de pouvoir jouer au Hellfest, c’était une des choses que nous souhaitions faire. En tant que groupe, avoir cette exposition, jouer sur la main stage, même à 2 heures, c’est très important.
Toujours au sujet de 2022, Soen a sorti Atlantis qui est un album particulier : Soen revisite 13 de ses propres titres, les réarrange… Quelle était l’idée de Soen avec cet album ?
C’était pendant la pandémie… Comme tous les autres, nous ne pouvions tourner et nous cherchions une occasion de pouvoir jouer à distance. Mais comme on est Soen, on ne rend pas les choses faciles. On voulait faire venir un orchestre, des chœurs, des musiciens supplémentaires et enregistrer dans les meilleurs studios qu’on pouvait trouver pour jouer en live dans ces conditions. Nous avons réservé les studios Atlantis en juin de cette année-là, mais notre guitariste canadien, Cody, et notre bassiste ukrainien, Oleksii, ne pouvaient pas quitter leurs pays. Nous avons donc dû retarder et, heureusement, on a pu enregistrer en décembre. Le monde commençait à s’ouvrir de nouveau, mais nous voulions finir ce projet, donc on l’a fait. Je pense qu’Atlantis est vraiment réussi…
Vous avez utilisé des instruments spéciaux, en tout cas inhabituels dans le metal…
Oui, les cordes, habituellement, tu les joues au clavier, mais on voulait avoir le vrai son. C’était intéressant aussi de faire venir des musiciens en vrai, de les entendre interpréter tes partitions dans un environnement live comme celui-là. C’est très gratifiant, vraiment. Et nous avions ces deux femmes choristes, de superbes voix qui soutenaient Joel. Et de mon côté, il y avait deux autres claviers, ce qui m’a permis de mieux me concentrer sur les partitions et la réalisation de ce disque.
Memorial, votre dernier album, est sorti il y a quelques semaines. Quels sont les premiers retours que vous en avez eus de la part des médias ?
Des médias ? Je m’attendais à ce que tu me demande « de la part des fans » (rires) ! Il semble que les premiers retours soient assez positifs. Nous nous attendions à moins bien parce que nos chansons sont plus courtes, plus directes, plus metal… plus facilement assimilables, aussi. Nous pensions avoir d’abord des commentaires plus négatifs, on en a eus, mais il semble que, depuis 5 ou 6 semaines, les nouveaux titres sont ceux qui fonctionnent le mieux. Ce sont ces chansons que les gens partagent le plus et demandent le plus. Nous voyons un public différent venir à nos concerts. Plus jeune, différent.
Justement… Soen n’est pas un groupe « qui a été » mais n’est pas encore un groupe « qui est ». Vous êtes encore dans la catégorie des groupes « qui seront » (il rit). Que faut-il, que manque-t-il pour faire passer Soen du statut de groupe en devenir à groupe incontournable ?
Oh, question intéressante… Je ne sais pas… Nous devons écrire les meilleures chansons possibles. Dans notre genre musical, nous ne pouvons pas espérer avoir un hit, sauf auprès de radio orientées metal. Il nous faut vraiment composer les meilleures chansons possibles, tourner beaucoup et nous exposer autant que possible…
« Beaucoup tourner » … Lorsque j’en parlais avec Joel (Ekelöf, chant) et Martin (Lopez, batterie) en 2019, ils me disaient vouloir que Soen ne tourne pas trop pour conserver une certaine fraicheur…
Bien sûr… Mais ça a changé (rires) ! Nous tournons beaucoup ! Je crois que la pandémie nous a beaucoup fait réfléchir à ce sujet. Elle nous a permis de comprendre à quel point il est important pour nous de tourner, et ce que ça nous apporte de positif. Voyager, rencontrer les fans… Quand nous avons pu retourner sur les routes, nous en avons vraiment pris conscience. C’est une des bonnes choses qu’on en retire, de cette crise sanitaire. Quand tu penses à ta vie, pourquoi fais-tu les choses ? Parce que tu le peux, que tu le veux ? ou que tu le dois ? Il faut savoir choisir…
Comment analyserais-tu l’évolution musicale de Soen entre Imperial et Memorial ?
Une des choses que nous avons apprises avec Imperial a été d’être plus efficaces en matière de composition. Je crois que nous avons voulu aller encore plus loin avec Memorial. Nous avons un son plus punchy et moderne, des chansons qui sont plus directes aussi. C’est, je crois, la chose principale. Ce n’est pas forcément conscient, c’est un chemin naturel. Il nous faut du temps pour écrire une chanson. On n’attrape pas une guitare et cinq minutes après on a une chanson… C’est un processus beaucoup plus long. Martin arrive avec 50 idées, on les étudie, on change des parties, on essaie et réessaie certaines choses, on jette à la poubelle, on récupère de la poubelle (rires).
Ça ne fonctionne pas là mais ça pourrait marcher ailleurs…
Exactement (rires).
Comment décrirais-tu la musique de Soen à quelqu’un qui ne vous connais pas ? C’est du metal, mais…
Oui, c’est du metal, absolument, mais pas que. Il y a de belles ballades, des parties plus calmes dans les chansons, des élodies et de refrains puissants, des riffs cools, une voix fantastique, sans hurlements…
C’est sans doute une des choses qui rend la musique de Soen si particulière. Des riffs heavy et ce que je ressens comme une voix très apaisante, bienveillante, contrairement à beaucoup de groupes qui cherche la violence avant tout…
Et c’est de là que nous venons… Lorsque Joel et Martin se sont réunis, ce fut une superbe combinaison. La batterie de Martin, l’univers d’où il vient, et la provenance pop de Joel… C’est une des clés de notre groupe.
Depuis Lykaia, les pochettes de vos albums sont uniquement bicolores, sauf si on prend en compte le cœur rougeoyant de Memorial – un cœur enflammé… Noir et jaune, noir et rouge, noir et blanc/gris… Quelle est la volonté de Soen derrière ce choix, rendre les choses simples ?
Oui, la simplicité, définitivement. Il n’est pas nécessaire qu’il n’y ait que 2 couleurs… On veut avat tout avoir un artwork immédiate reconnaissable. Il faut que ça fonctionne aussi bien sur un écran d’ordinateur, sur es réseaux sociaux mais aussi comme poster, sur un vinyle… Si tu trouves un artwork efficace, simple, avec un style direct et clair, ça fonctionne. Martin est toujours à la recherche d’artistes, d’œuvres d’art, il collectionne beaucoup de choses et parfois se dit que tel truc pourrait donner une pochette intéressante.
La pochette de Memorial est particulièrement d’actualité. Entre la guerre en Ukraine, les événements récents au Moyen Orient, elle est très parlante… Ce couple avec ces masques à gaz reliés par ce cœur qui brûle, c’est très actuel…
Bien sûr. La guerre en Ukraine a commencé avant l’enregistrement de l’album et notre bassiste est Ukrainien, alors, évidemment, cette pochette a un rapport. Ce n’est pas accidentel, et nous écrivons sur des sujets d’actualité. Oleskii étant Ukrainien, nous sommes tous affectés par cette guerre…
Autre chose que l’on constate depuis Lykaia : les titres des chansons ne comportent qu’un mot – exception faite des bonus. Quel est le souhait de ce choix ?
C’est une volonté, bien sûr, et ce qui est intéressant en ne nommant une chanson que d’un mot, c’est que tu peux donner un indice quant au contenu de la chanson, et chacun peut en imaginer le contenu. Certains titres sont directs, on comprend vite de quoi la chanson parle… D’autres sont un peu plus vague, laissant libre court à l’imagination de chacun…
Ou, au contraire, c’est l’opposé… Je pense à Violence qui n’est pas si violente…
Non (rires) ! Violence, c’est assez facile, on retrouve un peu de violence dans le refrain.
Si tu devais ne retenir qu’un titre de Memorial pour expliquer au public ce qu’est Soen aujourd’hui, laquelle retiendrais-tu ?
Probablement Memorial… C’est une chanson qui a des riffs heavy, un refrain mémorable, il y a un orchestre au milieu… Elle contient tous les éléments qui font de Soen ce que nous sommes aujourd’hui. Mais je citerai sans doute un autre titre demain !
Quel pourrait être la devise de Soen en 2023 ?
Oh (rires)… En avons-nous une ? « Grandit ». Un mot…
As-tu quelque chose à rajouter pour terminer ?
Je pourrais dire « venez nous voir », mais il ne nous reste qu’un concert à Strasbourg la semaine prochaine. Et je ne pense pas que tu publies cette interview avant (rires) ! Que puis-je dire ? On adore jouer en France, c’est un très beau pays, on y est toujours bien accueillis.
Alors on vous reverra en 2024 ?
Je crois bien que oui. Et j’espère qu’il y aura des festivals, je ne sais pas lesquels, mais on aime revenir en France. On a toujours aimé jouer ici.
Merci à Olivier Garnier pour l’organisation de cette interview