GREYBORN: Scars

France, stoner (Ep autoproduit, 2024)

Une basse ronflante, grasse et saturée introduit lourdement Scars, un Ep de 5 titres qui démarre avec le morceau titre. Greyborn a été formé par le batteur chanteur Théo Jude qui, accompagné du guitariste Maxime Conan et du bassiste Guillaume Barrou propose un premier Ep, Leeches, en 2022 aux sonorités embrumées. Le groupe évolue dans un registre stoner/doom et revient avec ce Scars tout aussi sombre et lourd. Passé le cap d’un chant anglais incompréhensible, l’amateur se plongera dans ces morceaux oppressants et inquiétants. A thousand dreams away se détache du lot par sa rythmique plus dansante, tandis que Tetany, court instrumental, offre un moment plus léger à l’ensemble. La production minimaliste apporte une touche organique vintage, mais la sursaturation peut nuire à une écoute sereine. Volontairement hors du temps, Scars s’inscrit dans un registre sonore qui revient en force. C’est sans doute là la grande faiblesse de ce disque qui ne se démarque pas de la masse. Pas désagréable, certes, mais pas mémorable non plus. Dommage…

ANTHARES: After the war

France, Thrash (M&O, 2024)

Ils sont sérieux, ces Bretons? Comment ça thrashe sévère ce After the war, quatrième album d’Anthares ! C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs plats, dit-on. On dit aussi que ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. Anthares entre dans ces deux catégories. Le groupe se forme en 1994 à Morlaix, en Bretagne, publie Eps et album, tourne avant de se séparer au tournant du millénaire. Le trio d’origine, Fanfan (guitares), Fanch (batterie) et Phil (basse) décident de remettre le couvert en 2013 et sont rejoints par Julien (chant) et Tanguy (guitare). Ensemble, ils publient To my last breath en 2014 et Addicted to chaos en 2019, se produisent en 2014 au Hellfest et se forgent avec le temps et les concerts une solide réputation. C’est encore plus déterminés que les cinq d’Anthares se rappellent aujourd’hui à notre bon souvenir avec After the war qui prend l’auditeur à la gorge du premier au dernier riff – sans parler de cette pochette plus démoniaque que tout ! C’est simple: la fureur ne subit qu’un « temps calme » au milieu de Lost (plus heavy que thrash, avec un peu de clarté dans le chant. Mais tout est relatif) tant l’ensemble est puissant. Les riffs, directs, incisifs et tranchants, le chant agressif, hargneux et déterminé, la rythmique dans ta face qui pilonne comme une batterie de missiles, tout est réuni pour que se cassent les nuques. Circle pits assurés ! De Arise the war cry à After the war, aucun des neuf titre ne laisse indifférent. On se demande simplement pour quelle raison Anthares se fait aussi rare…

MICK MARS: The other side of Mars

USA, Heavy rock (1313, 2024)

Quatre décennies après avoir co-fondé Mötley Crüe, alors que le mythique groupe avait contractuellement décidé de « ne plus jamais jouer ensemble sous le nom de Mötley Crüe » mais… (on connait la suite). Mick Mars revient aujourd’hui aux affaires avec son premier album solo, The other side of Mars. Ceux qui espèrent retrouver l’esprit du Crüe, ce hard rock populaire et festif vont à la fois se régaler et être surpris. Car, non, on ne jette pas un esprit aux oubliettes aussi facilement mais un artiste se doit également de se réinventer et de remettre ses acquis en cause, proposer de nouvelles choses. pour ce premier album, le guitariste s’est entouré d’une équipe plutôt expérimentée au sein de laquelle on retrouve notamment le claviériste Paul Taylor (ex-Winger et Alice Cooper), le batteur de Korn, Ray Luzier, ainsi que le bassiste Chris Collier, qui se charge ici du mix et du mastering de l’album. La vraie surprise vient du chanteur retenu par Mick, Jacob Bunton, chanteur de L.A. Guns dont le timbre et la variété collent parfaitement à l’esprit général. Parfois très puissant, à d’autres moments rentre dedans, parfois encore suave et tendre, le chanteur est également rejoint par Brion Gomba sur des parties plus sombres et oppressantes le temps de deux chansons. La force de The other side of Mars réside en la variété de ses 10 titres. On y retrouve des lignes de guitares à la fois puissantes, agressives et épurées, des guitares qui ne prennent jamais le dessus sur le propos général. L’album se partage entre heavy rock direct et agressif (Broken on the inside, Ain’t going back again), des références à son ancien groupe, tant textuelles (les deux titres cités plus haut, certaines paroles à double sens comme « I’m lost in your lies » sur Memories) que musicales (Ready to roll et ses « hey » simples et fédérateurs, l’instrumental LA noir qui évoque autant Crüe que Satriani), des moments plus lourds et sombres (Killing breed) ou plus tendres (la heavy ballad Alone et la ballade romantique Memories). Avec ce premier disque solo, Mick Mars se rappelle avec bonheur à notre bon souvenir. Son retour est bien plus artistique que purement pécunier. Une vraie réussite.

ROLLYWOODLAND: Dark fate for judgement day

France, Hard rock (M&O music, 2024)

Ca commence avec une intro que les amateurs de SF – et des concerts d’Airbourne – connaissent bien. Le thème générique de Terminator ouvre ce Dark fate for judgement day des Français de Rollywoodland dont le premier album, Appetite for seduction, avait vu le jour en… 2012. Les voici donc qui reviennent, plus d’une décennie plus tard, avec un nouveau méfait sous les bras, un album de 15 titres (Judgement day, l’intro, inclus) dans un esprit potache et décalé. On sourit au démarrage avec les Ugly, No shit (on the sidewalk) – un coup de gueule personnel comme nous l’explique le leader du groupe (interview à suivre) – ou autre Nunchaku qui évoquent aussi bien Steel Panther (sans les références sexuelles) que les plus récents Princesses Leya. L’ensemble fleure bon l’amour du heavy rock 80’s, du hair metal, certes, seulement voilà… Rapidement la recette retombe comme un soufflé qu’on aurait trop fait attendre. Même si Rollywoodland n’a pas la prétention de renouveler le genre, et malgré la chasse aux références distillées tout au long de cet album, il manque ce petit grain de folie, cette étincelle, qui (me) donnerait envie d’écouter ce disque d’une traite. Même si le tout est très correctement produit, et réserve quelque très agréables surprises (comme cette reprise de Michael Jackson, Another part of me), je passe un bon moment sans que pour autant quoi que ce soit ne m’envahisse l’esprit. Dark fate est un album de pure détente qui donne envie d’être réécouté, et, finalement, on ne lui en demande finalement pas plus.

SATRA: Sands of time

Finlande, Metal symphonique (M&O music, 2024)

Le propos est clair dès les premières mesures de From the night, morceau d’ouverture de Sands of time: Satra évolue dans le registre du metal symphonique classieux, celui de Nightwish ou d’Evanscence, deux références immédiates. Le son est propre, le chant de Pilvi Tahkola clair et bienveillant. Mais loin de se contenter de naviguer sur les eaux des groupes précités, les Finlandais explorent des horizons orientaux, asiatiques… et s’amusent des différentes cultures intégrées à leur musique. Toutefois, malgré des compositions ultra carrées et entrainantes, il est difficile pour Satra de se défaire de ses influences, un peu encombrantes. Mais je me laisse entrainer dans cet univers apaisant avec bonheur tout au long des Golden city, Stars, Secret place et autres Shadow engine. Si le groupe a trouvé son registre mais pas encore tout à fait une identité sonore et musicale qui lui soit propre, Sands of time fait partie de ces albums vers lequel on revient facilement et avec plaisir. Pas étonnant que Therion les embarque sur les routes (à découvrir ce 25 février à la Machine du Moulin Rouge à Paris)

WITCHORIOUS

France, Doom (Autoproduction, 2024)

Entrez. Entrez dans un univers sonore aussi sombre qu’oppressant, celui de Witchorious, formation francilienne qui a vu le jour (sans doute en pleine nuit sans lune) en 2019. Le trio composé du guitariste chanteur Antoine Auclair, de Lucie Gaget (basse et chant) et de son frère Paul à la batterie, propose un premier single en 2020 avant de proposer son premier album éponyme en 2024. Un nom qui associe Witch (sorcière) et Notorious (notoire) donne déjà une bonne idée du genre musical dans lequel le groupe a choisi d’évoluer. La lecture des crédits indique qu’un certain Francis Caste était au manettes de l’enregistrement au mixage, un gage a priori de qualité. Le trio propose une palette de chansons au chant écorché, aux rythmes lourds comme une masse, à la rage féroce… Ce premier album, s’il souffre, comme tant de groupes français, d’un anglais guère compréhensible (allez, un effort de tous ferait sans doute entrer notre belle nation parmi les sérieux prétendants au trône du metal international au lieu de nous cantonner dans la case « ridiculus » de Martin Popoff!), bénéficie d’une mise en son parfaitement en accord avec la musique. Witchorious a totalement intégré ses influences, de Black Sabbath à Possessed, en passant par Electric Wizard ou encore Cathedral. Un album évidemment recommandé aux amateurs du genre et aux curieux, les dépressifs, quant à eux, passeront leur chemin. Witchorious nous offre un premier album des plus prometteurs, alors, on attend la suite, qu’elle soit scénique ou discographique. Un groupe à suivre.

EVE’S BITE: Blessed in hell

France, Heavy metal (M&O music, 2024)

Formé à Saint Etienne en 2014 par le guitariste chanteur Olivier Jourget, Eve’s Bite publie 2 Ep (Dive into the vice en 2015 et Holy waters en 2017) avant de voir sa section rythmique jeter l’éponge en 2018. Il faudra à Olivier de la patience, deux années de patience, avant de compléter sa formation aujourd’hui composée de Anthony Coniglio à la seconde guitare, Nicolas Matillon à la basse et Laurent Descours à la batterie. Deux années puis un covid… mais rien ne semble vouloir entamer la volonté du leader dont le groupe revient aujourd’hui avec un album complet, Blessed in hell. Amoureux du heavy 80’s, foncez! Car si les influences sont évidentes – au hasard, Iron Maiden, Judas Priest, Metallica, Megadeth, Motley Crue, Ratt, sans parler de Skid Row (ce chant à la Sebastian Bach qui manque cependant parfois d’un peu de précision mais quand même…), voire même l’influence d’un Existance de plus en plus en vue – elles sont parfaitement intégrées à un ensemble entrainant. Ce Blessed in hell monte en puissance, fait taper du pied et secouer la tête. Alors s’il y a quelques défauts (une ballade pas forcément nécessaire, un chant parfois mal maitrisé, des arrangements qui pourraient être mieux arrangés), si les Stéphanois ne réinventent rien, on se laisse facilement prendre au jeu de Eve’s Bite. C’est frais, ça déménage et on n’en demande pas plus. De l’envie et du plaisir.

DEEP WITHIN

USA, Metal (M&O music, 2024)

Fondé à Los Angeles en 2020, Deep Within développe son concept visuel et musical avant de s’engager sur les routes et d’entrer en studio pour nous proposer aujourd’hui ce premier album auto-nommé. Dès le morceau d’ouverture, Fractured, le ton est donné: les Américains proposent un heavy metal burné, doté de riffs efficaces qui fait s’agiter les crinières jusqu’à… jusqu’à ce qu’intervienne ce qui fait office de chant. Une voix rageuse, hurlée proche du black metal parfois qui rentre dans le tas et dans le lard. Mais bientôt, Deep Within interpelle et surprend en variant ses plaisirs: dès On coming storm, le groupe propose une variété de chants, débutant ici avec ces voix typique du heavy US mélodique moderne avant de s’orienter vers du black que rencontre une voix féminine claire et bienveillante, transformant sa musique en un metal hybride, pêchu et riffu à souhaits. On retrouve ci et là des traces d’Evanscence, d’Iron Maiden ou encore d’Amon Amarth, des montées en puissances efficaces et de purs moments de headbanging et neckbreaking (Ground, Time machine, Valhalla, Strong arm ou encore le morceau éponyme) ou d’autres plus simplements joyeux et festifs (Devil’s den). Ce premier essai, réussi, est une invitation à taper du pied et se révèle efficace de bout en bout. Belle découverte!

LAST QUARTER: For the hive

France, Doom (Autoproduction, 2024)

C’est lourd, c’est lent, ça s’intitule For the hive et c’est le nouvel Ep des Parisiens de Last Quarter. Il y a de la mélancolie tout au long des 4 titres de ce premier essais du groupe formé en 2018. On se retrouve dans l’univers d’un Black Sabbath déprimé et dépouillé, de sonorités profondes et d’un chant langoureux. Un ensemble qui commence à se faire explosif au milieu du troisième titre, Next morning. Mais l’ensemble reste résolument plus doom que metal, sombre, intriguant et oppressant. We’ll be just fine, qui vient conclure ce disque – dont on ne peut que reprocher un chant dans un anglais presqu’incompréhensible – de façon plus joyeuse, avec sa basse slappée et ses riffs enjoués, même si le propos devient plus noir et rageur. Je verrai bien Last Quarter investir une certaine Temple à un certain festival, l’esprit est en tout les cas là.

MESSALINE: Braconniers du silence

France, Hard rock (Brennus, 2024)

A ma connaissance, Braconniers du silence est le premier témoignage live des Burgiens de Messaline (bon, oui, j’ai dû chercher comment s’appellent les habitants de Bourg en Bresse…) Et il ne s’agit que d’un Ep. Enregistré le 30 août 2023 au Parc des Oiseaux de Villards les Dombes lors du festival les Musicales, ce live propose 5 titres (dont deux inédits) revisités et retravaillés à la guitare acoustique (deux en fait), donnant un résultat plus folk que hard rock. Le public connait déjà, tout du moins les amateurs de Messaline, Les 3 stryges, L’aimante religieuse (qui parle d’une nonne nymphomane) et Le jardin des délices qui sont tous trois extraits du dernier album studio de la troupe, Vieux démons, paru en 2022. Les deux inédits traitent pour l’un de l’alchimiste français Nicolas Flamel (Maistre Flamel) et l’autre de Geisha avec toutes les références possibles à la culture japonaise, des katanas aux mangas. Malgré l’omni présence des guitares acoustiques, l’ensemble est enjoué, chaleureux, plein d’entrain et groovy. Eric Martelat, chanteur et maitre d’ouvrage, porte bien son surnom de Chatos tant il communique avec le public, mais il maque dans son ton un peu de cette énergie qui va chercher et transformer son auditoire. Reste que ce dernier est réceptif à cette musique joyeuse et le fait savoir avec force applaudissements. Messaline, s’il a toujours été un groupe de hard rock, a également plus que souvent développé une approche progressive dans sa musique, et cela se ressent ici par la structures des morceaux et l’esprit d’un Ange qui flotte un peu partout. Il ne s’agit certes pas d’un concert de rock, mais bien du témoignage d’un groupe qui sait se réinventer. Prochaine étape, espérons le, un live explosif et moins sage!