LADY AHNABEL: La bionique

France, Power metal (M&O, 2025)

Le power speed metal a encore de beaux jours devant lui! Made in France ou pas… Ne serait-ce le chant souvent trop haut perché et qui reste ici incompréhensible (ce grand mal que nombre de groupes français cherchent à combler…) – je ne sais même pas quelle langue est utilisée jusqu’à Jeux d’enfants, moment de pause qui arrive assez tôt dans ce disque. On pourra porter un attention particulière à La bionique, nouvel album de Lady Ahnabel qui démarre avec des ambiances de fête foraine pour foncer ensuite dans le tas avec une impressionnante maitrise instrumentale. Musicalement, La bionique se pose là et fait sans doute aucun le job. Une ambition musicale comme on en voudrait plus en France, certes, mais je ne parviens cependant pas à franchir le cap de ce chant trop haut et agressif pour moi. Chacun pourra cependant apprécier en fonction de ses goûts.

SABATON: de retour en France en fin d’année!

Après avoir proposé une version de sa tournée The war to end all wars au cinéma, nos farouches guerriers de Sabaton annoncent une nouvelle tournée européenne dont deux dates en France. On le sentait venir, la formation suédoise prenant une ampleur chaque année plus importante. Ainsi, après deux Zénith parisiens (2020 et 2023), Sabaton investira rien moins que l’Accor Arena de Paris le 28 novembre prochain avant de faire plier la LDLC Arena de Lyon le lendemain dans le cadre d’une tournée intitulée The legendary orchestra performing Sabaton. Rien que l’affiche donne déjà envie d’y être. En amuse bouche, découvrez la vidéo monumentale du single Templars. On quitte la grande guerre pour faire un nouveau saut dans le temps, et c’est tant mieux!

A noter que sabaton a récemment signé avec le label Better Noise Music qui propose de précommander une version limitée à 1.000 exemplaires du single.

GREEN LABYRINTH: Sequences

Suisse, Power prog (Fastball music, 2023)

Green Labyrinth existe depuis déjà 2008. Après avoir sorti un premier album en 2014 – Shadow of my past – la formation subit quelques changements de personnel et revient aujourd’hui avec Sequences, son nouvel effort composé de 9 chansons. Lorgnant du côté du metal progressif tant par la longueur de certains titres (2 seulement sont sous les 6′) et ses constructions parfois à tiroirs, puisant certains aspects épiques dans le power metal, Green Labyrinth nous propose un album à la production léchée et soignée. Seulement… Rapidement l’impression qu’il y a trop de tout s’installe: le chant de Sereina Schoepfer, trop opératique, les instrumentations de david Vollenweider (guitare) et Tom Hiebaum (claviers) techniques et alambiquées, et la rythmique de Stephan Kaufmann (basse – apparemment un homonyme de l’ex-batteur d’Accept) et Maetthu Daetwyler (batterie) puissante mais trop varié ne parviennent pas à capter mon attention. Et malheureusement, à vouloir trop bien faire, le combo nous noie dans trop de démonstration, trop de complication et de complexité là où épurer, simplifier les plans de guitares, le chant ou la rythmique  permettrait d’aller à l’essentiel avec efficacité. Je lâche au bout de 3 morceaux. Dommage…

KRYSAOR: Foreword

France, Power metal (M&O music, 2023)

Quand on nomme son premier album Foreword – « préface » – c’est qu’on a bien l’intention d’ajouter d’autres chapitres à son histoire. Et dès les premières mesures de Celestial sanctuary, qui introduit ce disque, il est clair que Krysaor veut impressionner. Le groupe a été fondé par le batteur Arnaud Carnielli qui s’est adjoint les services de Christophe Laurent à la guitare, Jules Brosset à la basse et Varenfel aux claviers. Des noms encore peu connus mais qui devraient sortir de l’ornière avec ce disque superbement produit sur lequel on retrouve au chant l’arme (pas si) secrète dégainée par Arnaud, Gus Monsanto, ex-Adagio et Revolution Renaissance entre autres. Le groupe propose un heavy metal très inspiré dans ses lignes de guitare par un Iron Maiden très actuel, ainsi que par toute la vague du power allemand, ultra rythmé et efficace, celle du metal symphonique grandiose et, parfois, grandiloquent, ainsi que par le metal épique qui fleure bon l’heroic fatansy. Krysaor ne se lance cependant pas tête baissée dans les morceaux longs… Seuls trois d’entre eux dépassent les 6′ ce qui, dans le genre, reste parfaitement raisonnable. On sent tout au long de ces quelques 40′ que totalise Foreword une envie de donner le maximum. Oui, la production est soignée et généreuse, les compos efficaces et les mélodies finement pensées accompagnées d’une rythmique entrainante et puissante. Avec cette première carte de visite, Krysaor perpétue un genre qui n’a pas encore dit son dernier mot.

 

POWER PALADIN: With the magic of the windfyre steel

Power metal (Atomic Fire, 2022)

Celui-là, il a glissé entre mes doigts… Sorti en début d’année, ce premier album de Power Paladin, sobrement intitulé With the magic of the windfyre steel, ravive les souvenirs pas si anciens d’un power metal épique et racé; Ne nous fions pas aux apparences de cette pochette dessinée par des gamins (et cette signature à la Power rangers meet Pokemon…), mais quand même: on est, oui, en plein visuel de romans d’heroic fantasy. On aurait attendu une autre imagerie d’un groupe islandais, mais si personne ne casse les codes… Musicalement, Power Paladin vient se poser en digne concurrent de DragonForce: le groupe joue vite et super proprement, mitonnant des mélodies directes et entraînantes. Et le monde de Tolkien n’est pas le seul visité, le groupe puisant dans des univers aussi variés que celui des hobbits ou de Dark Crystal, morceau sur lequel intervient Oskar Runarsson (ainsi que sur Rigtheous fury). Jamais sombre, toujours positif – ça fait plaisir de voir une photo de groupe où tous les musiciens sourient – délivre une musique efficace sans pour autant réinventer le genre. Une très belle carte de visite qui si elle est scéniquement accompagnée d’un visuel aussi attirant verra Power Palladin se placer parmi les grands du genre. C’est tout le mal que je leur souhaite.

MANIGANCE: Le bal des ombres

France, Power metal (Verycords, 2022)

C’est peu dire que le retour de Manigance aux affaires est attendu par les fans des Palois. Le groupe fondé et mené par le guitariste François Merle doit aujourd’hui relever un triple défi. Son dernier album en date, Machine nation, fut plus que remarqué lors de sa sortie en 2018 mais, juste avant une jolie tournée en Europe, le groupe annonce le départ de son chanteur historique, Didier Delsaux, un des derniers survivants de ce qui naguère était une bande de potes. Le choix de son remplaçant fut bientôt annoncé: enter Carine Pinto en cette même année 2018 qui assure la tournée. Elle n’est pas une inconnue, elle est même créditée en photos pour l’album Mémoires… live. Mais surtout, elle avait déjà prêté sa voix à Manigance sur Face contre terre, duo avec Didier figurant en bonne place sur l’album précédent. Même si le groupe connait déjà ses capacités, c’est quand même un pari osé qui s’avère bientôt payant, la dame imposant, concert après concert sa puissance vocale et son charisme auprès des plus fervents fans. Puis voilà… Bruno Ramos, le second et indispensable guitariste et complice du sieur Merle depuis Ange ou démon en 2002, décide de quitter le navire pour aller rejoindre un Sortilège de retour afin de seconder Zouille dans sa quête de stabilité de groupe. Si remplacer Didier était déjà difficile, trouver un successeur à Bruno le fut au moins autant. Mais loin de se démonter, François Merle annonce bientôt avoir porté son choix sur un certain Lionel Vizerie, ex-Muren. Alors que la machine se remet en route, la crise sanitaire arrive… Le temps serait-il ainsi venu de penser à préparer, enregistrer et proposer un nouvel album histoire de démontrer à tous que Manigance est loin d’avoir dit son dernier mot? Oui, c’est un très grand défi – d’autant que Jean Lahargue (claviers) a aussi décidé de quitter le groupe et ne sera pas remplacé – doublé de grandes attentes auquel est confronté aujourd’hui Manigance: démontrer que la flamme est encore présente et vivace et que les « nouveaux » venus ont bien leur place au sein de ce fleuron de la métallurgie française qui, c’est là un détail, a très légèrement modifié son logo.

A peine publié, voici ce nouvel album, Le bal des ombres, décortiqué de bout en bout. Clairement, les fans du groupe s’y retrouveront totalement. Après une intro – Odysée –  épique au chant monacal, Manigance attaque avec un Sang froid explicite. Il faut attendre une bonne minute avant que n’intervienne une Carine à la voix puissante et mélodieuse qui met les choses au poin(g)t: « Aujourd’hui notre relation s’achève« , « Mon châtiment viendra » ou « Je tue de sang froid« , une belle manière de clamer son arrivée dans le groupe, non? Le titre puissant et gras mêle des guitares véloces et précises dans un power metal d’entrée efficace. Tout au long des 12 titres, Manigance lie son heavy typique à d’autres influences. Un break hispanisant ici (Dans vos outrances), des relents presque thrash là (Arrêt de mort) ou là encore une ballade aérienne et douce (Aux portes de l’oubli). Si la ligne de chant de Haute trahison me hérisse – ce titre reste bien le seul à me faire cet effet – Carine s’impose comme le meilleur choix que le groupe pouvait faire. Sa puissance et son entrain font plaisir à entendre. Et puis ce duo guitaristique, cette complicité entre François Merle et Lionel Vizerie est telle qu’on la croirait décennale. Quelle détermination sur Huis clos, quelle puissance speed sur Envers et contre tout, quelle nervosité épileptique sur L’ombre du combat! Le groupe au complet (pour rappel, Stéphane Lacoude à la basse et Patrick Soria à la batterie) fait des merveilles sur Eternité ou le morceau titre, Le bal des ombres, aux mélodies entrainantes et chantantes et aux refrains qui te rentrent immédiatement en tête.  Ce Manigance nouvelle formule fait des étincelles et ce (seulement) huitième album studio est une pure merveille dotée d’un son à la fois typique du groupe et résolument moderne. Déjà un classique à n’en pas douter! Les fans attendent désormais impatiemment de retrouver tout ce petit monde sur scène, notamment la date parisienne en ouverture de… Sortilège qui laisse espérer une jolie fête.

HOPES OF FREEDOM : Light, fire and iron

France, Metal épique (2021)

Nous avions rencontré les Rouennais de Hopes of Freedom en avril 2016 pour parler de leur second album, Burning Skyfall. Il aura fallu pas moins de 5 ans au groupe pour proposer une suite, Light, fire and iron, parue en fin d’année dernière. Pour un jeune groupe, 5 ans, c’est une éternité. le chanteur guitariste Lucas s’en explique: « Le covid a rajouté presque une année, mais on est toujours un peu long… Il y avait déjà presque 4 ans entre nos deux premiers albums. Pourquoi? Je ne pourrais même pas te l’expliquer… Il y a beaucoup de choses dans ces morceaux et il nous faut du temps en préparation, en répétition. L’album devait en réalité sortir en 2020, puis en 2021 et ensuite on s’est dit qu’on arrêtait de repousser… » Un groupe évolue aussi avec le temps. Pour le coup « il y a eu deux changements de line up: Thibault a été remplacé à la guitare par Charles – qui a enregistré l’album – puis a été lui-même remplacé par Grégoire Maille qui est guitariste dans un groupe de folk mais très fan de power. Il arrive à un moment qui nous donne une belle bouffée d’air frais« . Du temps a passé alors comment le groupe analyse-t-il son évolution entre ce nouvel album, Light, fire & iron et son prédécesseur? Loris estime que ce nouvel album « est un condensé des deux premiers: il contient les riffs joyeux du premier et la puissance et le côté plus rentre-dedans du second ». Lucas confirme: « On s’est vraiment posé la question de comment conclure cette trilogie. Le but était de garder certains thèmes mais en allant plus loin. On a 9 choriste cette fois au lieu de 4, 3 invités au lieu de 2… Il y a eu beaucoup de débrouille, on a réussi à convaincre pas mal de personnes de participer« . Clément également abonde en ce sens ajoutant que « dans les orchestrations, il y a plus de choses qu’on ne trouvait pas avant ou qui n’avait pas forcément leur place« . En effet, on retrouve sur ce nouvel album les ingrédients qui font Hopes Of Freedom: un esprit heroic fantasy, du power metal enjoué mais avec plus de luminosité. Là encore, Lucas confirme avoir eu « envie de plus de lumière, même si quelques morceaux pouvaient être assez sombres. Mais on a eu envie de revenir à quelque chose de plus léger, dansant, fun« . Il s’agit donc de la fin d’une trilogie. La suite est-elle déjà envisagée? Pas encore, selon Loris qui pose la question « est-ce qu’on va continuer dans cette voie là? Aucune idée… Pour le moment, on fait vivre ce nouvel album et on va le défendre sur scène« . Au delà des évolutions musicales, le groupe a également visuellement changé. Si Lucas est désormais très chevelu et barbu, vestimentairement « on a travaillé avec une costumière qui nous a fait des costumes sur mesure. Si on avait eu mes moyens, on aurait pu faire des décors mais pas encore. » Car oui, la musique de HOF est très visuelle, l’auditeur pouvant aisément créer un univers cinématographique avec cette bande son. Mais HOF n’a pas encore les moyens financiers ou logistique de pouvoir s’offrir des décors de scène. Pour s’en convaincre, « il suffit de l’écouter sur les plateformes. Spotify, Deezer… L’écouter, c’est l’adopter!« . Lucas continue en précisant que « on a vraiment le côté power metal qui va chercher le côté mélodique avec des sonorités folk entrainantes. On a rajouté toute une imagerie celtique avec de la cornemuse et d’autres choses. Pour nous, ce sont deux univers qui se marient très bien. On voit cet album comme la BO de n’importe quel jeu de rôles, bouquin ou film de cet univers« . Pas faux, j’ai même parfois l’impression d’écouter un groupe qui a su rester, dans le bon sens du terme, naïf, garder son esprit d’enfant dans cette musique joyeuse. Mais cette fois, contrairement au démarrage bucolique et léger de Burning Skyfall, ce nouvel album va droit au but avec une prise à la gorge dès les premières salves de Lost humanity. Une batterie qui tabasse, une rythmique enlevée avant un retour à des temps plus calmes. Quel titre serait selon chacun le plus représentatif de ce qu’est aujourd’hui Hopes Of Freedom? Lucas n’a aucune hésitation: « pour moi, ce serait Light, fire & iron. C’est le morceau le plus long, 15′. un morceau long permet de prendre le temps de raconter des choses, d’expliquer tout. Il y a aussi des rappels aux autres albums. » Pour Clément, « ce serait le premier morceaux, Lost humanity. J’aime bien ce principe de mettre le CD et que ça rentre dans la tête directement. » Joris, lui, opte pour « The heroes line. C’est un morceau joyeux, qui reprend un peu la formule de The call, avec les aspects folks, orchestrations… » Hopes Of Freedom nous propose donc un album riche, enjoué et complet qui s’adresse à un public plus large que les simples fans de Powerwolf ou Freedom Call. 10 titres qui viennent conclurent une trilogie lumineuse et efficace. Alors, avec un espacement de 4 puis 5 ans… rendez-vous en 2027 pour la suite?

Entretien Skype avec Loris (basse), Lucas (chant et guitare) et Clément (batterie), le 21 janvier 2022

SINS OF SHADOWS: The master’s way

Power metal, France (Autoproduction, 2020)

Une pochette attirante, que n’aurait certainement pas renié le Grateful Dead. Un nom de groupe si petit – Sins Of Shadows dont le nom est emprunté à un titre des Américains de Symphony X – que je l’ai confondu avec le titre de l’album – The master’s way. Et puis ces premiers riffs comme pompés sur un classique de Megadeth. Ok pourquoi pas, tant qu’il ne s’agit que d’introduire son propos en interpellant l’auditeur. Seulement… Oui, déjà, « seulement »: dès le morceau titre qui ouvre l’album, le son est d’un autre âge… Comment, aujourd’hui, sauf si c’est volontaire, une formation peut-elle proposer un CD qui sonne comme une démo des 80’s enregistrée sur un 4 pistes dans un garage? Forcément, l’équilibre sonore n’y est pas (est-ce un hasard si l’acronyme est SOS?).  Et je me dis que l’écoute va être compliquée… Pourtant, maintenant que le négatif est cité, musicalement, il y a de l’envie et de la matière, même si Sins Of Shadows ne réinvente pas la machine à courber les bananes. Les rythmiques enlevées – double es-tu là? – le chant féminin clair et les guitares rageuses laissent entrevoir des compositions qui puisent autant dans le power que dans le metal symphonique. SOS Les ambiances peuvent être aussi sombres (Not in my world) que rythmées (A man in the crowd) ou speedées (Today’s the day et ses riffs à la Maiden – peut-être un peu trop, même…). L’instrumental The mountain montre un visage plus progressif du combo, confirmant au passage la variété de ses sources d’inspirations. Si musicalement Sins Of Shadows est très moderne et actuel, il sera difficile de passer outre l’écueil de la production. Une erreur à ne pas commettre à l’avenir en confiant cette tâche à quelqu’un dont c’est le travail. C’est d’autant plus dommage qu’il y a de la matière.

ORDEN OGAN: Gunmen

Power metal, Allemagne (AFM, 2017)

N’étant pas particulièrement familier de Orden Ogan, je ne m’aventurerais pas ici dans un comparatif de ses différents albums. Je me contenterais donc, et, par la force des choses, toi aussi ami lecteur, de livrer quelques impressions sur ce 6ème album des Allemands. Déjà, quand on est germain et qu’on appelle son album Gunmen, que l’illustration évoque plus le far west que le vieux continent, on peut s’attendre à quelques surprises. On parle cependant de power mélodique, et Orden Ogan en connait parfaitement les ficelles: de grandes envolées épiques, des mélodies travaillées, de la puissance et de la vélocité rythmique, tous les ingrédients sont réunis tout au long des 10 chansons qui composent cet album. Bien produit, avec des chœurs comme il faut pour entrainer le public lors des concerts (les « We are » de The face of silence, par exemple) ou lune participation tout en douceur de Liv Kristine (Come with me to the other side), Orden Ogan met les petits plats dans les grands. Seulement, il n’y a guère de surprise… Si c’est bien fait, le groupe ne parvient pas à m’entrainer dans son univers, qui me semble très familier, déjà vu et entendu. Bien que manquant d’originalité, Gunmen reste un album sympathique qui s’écoute aisément. Pas prise de tête…

 

Interview: DRAGONFORCE

Entretien DragonForce. Rencontre avec Frédéric Leclercq (basse). Propos recueillis à Paris le 4 avril 2017

Metal-Eyes : Revenons un peu en arrière, au mois de juin dernier. Si je me souviens bien, tu fêtais ton anniversaire lors du passage de DragonForce au Hellfest et tu as invité le public à venir boire des bières avec toi. Tu as fini dans quel état ?

Frédéric Leclercq : En fait, je ne suis pas ressorti… On a juste fait une séance de dédicaces, les gens m’apportaient des bières, j’avais déjà commencé avec d’autres choses dans les loges et je n’étais pas super clair. En fait, pendant trois jours, on n’a pas été très clairs avec ma copine. Et on est reparti, on a continué… C’est un peu traditionnel : on fête ça là bas, et ensuite on continue sur Paris. Là, on est allés au resto, on s’est fait, je crois, une raclette…

Metal-Eyes : En plein été, pas mal !

Frédéric Leclercq : Ah, j’avais envie d’une raclette, c’est mon anniversaire, je fais ce que je veux ! C’était bien lourd, bien comme il faut. Je ne suis jamais très clair quand je suis au Hellfest !

Metal-Eyes : Parlons de votre album. Je n’ai pas encore écouté une seule note de ce  disque…

Frédéric Leclercq : C’est dommage…

Metal-Eyes : C’est dommage, mais ça va venir. En revanche, ça va te donner l’occcasion de jouer le VRP pour DragonForce et de m’expliquer ce qui fait qu’en sortant d’ici, dès la sortie de l’album j’irai l’acheter.

Frédéric Leclercq : Alors, pourquoi ? Pourquoi vas-tu l’acheter ? Euh… C’est pas évident, je ne vais pas te forcer la main…

Metal-Eyes : Donne moi envie, c’est tout !

Frédéric Leclercq : ouais… il est bien, j’ai tout composé ! J’ai composé les ¾ de l’album. Il y a 11 morceaux sur la version normale, et j’en ai composé 8 et 1 en partenariat avec Sam. Du coup, j’ai un peu cassé le moule de DragonForce, là où avant c’était tout le temps des morceaux rapides de A à Z. J’ai fait un peu ce que je voulais et comme je ne suis pas fan de power metal à la base, je suis plus allé chercher dans le metal traditionnel, le thrash ou le death, et du coup, avec la personnalité forte des autres musiciens, ça reste du DragonForce. C’est ce qui est bien : on a réussi à faire quelque chose d’homogène, sans que ça parte dans tout les sens. C’est homogène, tout en étant plus varié qu’avant, et honnête au niveau la démarche. Je me suis fait plaisir, aussi, avec telle partie qui me rappelle Fear of the dark, telle autre m’évoque un morceau d’Annihilator… J’ai écrit un long morceau, Edge of the world, qui est pour moi une sorte de condensé, comme Seventh Son, ou des morceaux de Cradle ou My Dying Bride… J’ai réussi à amené ça au sein du groupe. Ce morceau commence et se termine par une intro et une outro acoustique, un peu comme l’album Seventh son. Je suis allé chercher dans mes premiers amours du style, du metal pour remettre ça dans un album avec la production actuelle et les musiciens de DragonForce. Je pense que le résultat est vraiment bien donc achète le s’il te plait ! (rires)

Metal-Eyes : Il s’est écoulé trois ans entre vos deux derniers albums, un peu plus que d’habitude. Tu viens de donner une partie de l’explication – une nouvelle façon de composer – mais y a-t-il eu autre chose, un coup de flemme, un manque d’inspiration ?

Frédéric Leclercq : Non, non. On est partis en tournée assez longtemps pour l’autre album, on a sorti le best-of…

Metal-Eyes : … et le live.

Frédéric Leclercq : Et le live. Tout ça dure assez longtemps. Tu tournes, tu rajoutes des concerts, il faut trouver le temps que le producteur soit disponible, aussi, ce n’est pas que nous. Après il y a tout un processus de promo qui doit se mettre en place avant la sortie de l’album… En ce qui me concerne, l’inspiration est venue assez facilement, même si c’était à une période où j’étais assez occupé puisque j’ai mon autre groupe, Sinsaenum, je tourne avec Loudblast en ce moment, ensuite il y a un tribute à Massacra, je travaille sur un autre album de Sinsaenum… J’ai plein de musique en tête, mais là, il nous fallait simplement un peu de temps entre Maximum overload et Reaching into infinty, qui a été composé en 2015, enregistré en 2016 et qui sort là, en 2017. On a été plutôt vite, en fait.

Metal-Eyes : L’évolution dont tu parlais et dont tu es en grande partie responsable a été, j’imagine, sujet de discussions avec les autres membres du groupe, mais comment ça a été accepté par votre label ?

Frédéric Leclercq : Ils n’ont aucun regard sur la musique. On n’a jamais eu de remarque d’un label ou d’un autre concernant nos choix artistiques, et c’est établi dès le départ : « on fait notre musique, foutez-nous la paix et occupez vous de votre métier ! » On a notre propre maison de disque et on travaille en licence avec Metal Blade aux Etats-unis, E.a.r. music en Europe, et ils ont tous apprécié l’album précédent sur lequel j’avais commencé à tout co-composer avec Sam. On commençait déjà à prendre la direction actuelle. Maximum overload a reçu un excellent accueil public et critique, du coup ils étaient content et je crois qu’ils le sont encore. Je n’ai pas discuté avec eux des morceaux, ils ne m’ont pas dit s’ils aiment ou pas… Mais ça ne m’intéresse pas trop de savoir ce qu’ils en pensent. Eux, ils faut qu’ils fassent leur travail de presse, qu’ils défendent l’album… Leur boulot c’est ça, même s’ils n’aiment pas. Ce n’est pas à eux de nous dire qu’on aurait dû faire ça différemment. Je leur poserais la question quand même.

Metal-Eyes : Tu disais avoir composé la majeure partie des morceaux…

Frédéric Leclercq : Et Sam a composé le reste, oui.

Metal-Eyes : Quel est le rôle des autres dans la conception de l’album ?

Frédéric Leclercq : Au niveau de la musique, je compose tout de A à Z puisque je joue de divers instruments. En enregistrement, je joue aussi la guitare rythmique parce que je sais ce que je veux et que ça va prendre plus de temps… La batterie, je la programme, pour le clavier, j’ai quelques idées, mais chacun apporte sa touche. Pour les solo, pareil, j’ai des idées mais… je note « solo, là » et démerdes-toi ! Pour les paroles, j’ai quelques idées et on les peaufine avec Marc, le chanteur ; on commence toujours par la musique, j’ai les bases, définies le plus près possible du résultat final, et chacun apporte sa touche.  Quand il s’agit de musique, j’aime quand c’est travaillé. Mais il ne faut pas être buté non plus, c’est pour ça que c’est bien de travailler avec un producteur : c’est lui qui te dit quand on coupe, quand ça passe pas. Edge of the world, qui dure 11’, était plus long à la base, et notre producteur nous a fait comprendre que cette partie n’apportait rien, n’avait pas lieu d’être. J’accepte aussi la critique quand elle est constructive.

Metal-Eyes : Tu parlais de ce que tu a ajouté à cet album, un peu moins de vitesse pour de la vitesse, plus de mélodie, mais comment, en dehors de ça, comment décrirais-tu l’évolution entre vos deux derniers albums ?

Frédéric Leclercq : Entre Maximum overload et Reaching into infinity ? C’est un peu ça, un passage à mes influences et celles de Sam, un peu dans une écriture à 4 mains – ou à 2 mains – 2 personnes qui co-écrivent. L’évolution est surtout dans le fait que j’ai eu quartier libre. Ça reste du DragonForce à l’ancienne, mais avec encore plus d’éléments nouveaux. L’ancien apparait sporadiquement, principalement dans les morceaux que Sam à composés, du coup, c’est rafraichissant, parce que là où c’était tout le temps comme ça, maintenant, il n’y en a que deux, de ces titres rapides.

Metal-Eyes : Donc DragonForce est un groupe qui continue d’évoluer même s’il reste dans un certain carcan que l’on reconnait.

Frédéric Leclercq : Oui, on reconnait bien. Mais je pense qu’il est important de tester de nouvelles choses et d’explorer de nouveaux horizons. Pour nous, parce que c’est important de se faire plaisir, même si on reviendra peut-être à ce que l’on faisait avant… Des morceaux rapides de 5’, on l’a fait sur tous les albums, on n’a plus rien à prouver aux gens à ce sujet. C’est plus intéressant pour nous d’apporter du prog, du death… Et le chant a évolué aussi. Avant, Marc chantait, mais n’interprétait pas forcément. Tu sais, à la Dickinson sur 22 Accacia avenue, quand il chante « madness, sadness », il le vit, et je voulais que Marc interprète vraiment. Avant, ce n’était pas possible tellement c’était rapide. Ça ferait schizo… (rires) Il n’y avait pas la place pour ça. Maintenant, on a ralentit le tempo sur certains morceaux, et le faire vivre les paroles, ou le faire chanter un peu plus thrash, ou encore une partie totalement death. Sa palette de voix s’est vraiment ouverte, et je pense que pour les fans c’est une bonne surprise. Tu vois, là je te le vends bien l’album (rires) !

Metal-Eyes : Justement, si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Reaching into infinity pour expliquer ce qu’est DragonForce aujourd’hui, quell serait-il?

Frédéric Leclercq (il réfléchit longuement): Le réduire au long morceau qui est atypique, ce serait prendre un risqué, parce qu’on n’est pas que ça… Peut-être, c’est un morceau qui me tient à cœur… C’est pas évident… Peut être Curse of darkness, mais ça montre un seul côté du groupe. Je pourrais t’en citer plusieurs, mais un seul, c’est difficile, parce qu’ils ont chacun leurs particularités, quelque chose qu’on avait déjà développé sur l’album précédent. Des côtés très mélodiques qu’on avait développé pour le Japon, Astral empire c’est bien, j’y ai mis un passage à la Annihilator (avec l’accent) – maintenant je vais tout faire avec l’accent (rires) – mais ça ne se résume pas qu’à ça… Je pourrais te citer un des morceaux de Sam, mais il n’y en a plus tellement des comme ça. Par contre, les morceaux que j’ai composés, c’est pas évident de n’en sortir qu’un seul.

Metal-Eyes : Quel est le plus surprenant comportement de fan dont tu ais été témoin à ton encontre ou à celle du groupe ?

Frédéric Leclercq : Il y a une fille qui avait raconté que le chanteur l’avait violée. Elle nous envoyait des lettres, puis, après, des emails, et elle était clairement timbrée, le chanteur ne lui avait rien fait mais elle était persuadée de ça. C’était aux Etats-Unis, elle nous envoyait des lettres. On arrivait aux salles de concerts et on nous disait « tenez, vous avez une lettre de XXX ». On était un peu surpris, on se demandait ce qu’elle avait mis dedans. Après, on n’en a plus entendu parler mais on a su qu’elle était dans un asile en Angleterre, soi-disant, et elle disait « sortez-moi de là ! Je n’ai accès à mes emails que… ils m’ont tout pris, mon argent, je suis bloquée là… » C’était flippant. Je n’y pense plus trop maintenant, mais à l’époque, je me souviens qu’on se demandait si on avait eu des nouvelle de, comment elle s’appelait ? Nadia ! On jouait et on repérait quelqu’un dans le public « putain, t’as vu, on dirait que c’est elle ! » Donc, ça c’était assez bizarre. Bizarre et pas rassurant pour le coup. A part ça, le reste du temps, les gens sont gentils, il y en a qui veulent qu’on leur signe leur cul ou leurs couilles, c’est déjà arrivé, pas à moi, en règle générale, c’est Sam qui signe des trucs comme ça. Il demande, je crois. Des gens qui se marient sur scène, mais ça a déjà été fait avec d’autres groupes, donc c’est pas très original. Des Japonaises qui te suivent partout en ville, qui restent derrière toi. Je me souviens, il y a quelques années, deux Japonaises, des fans, m’ont demandé si elles pouvaient venir avec moi. Oui. Mais je pensais qu’elles allaient m’accompagner, à côté, être avec moi et me montrer. Je connais bien Tokyo mais pas si bien, avec des Japonais, c’est toujours plus intéressant. Mais elles restaient 3m derrière. Je m’arrêtais, je me retournais et elles s’arrêtaient. Jacadi, tu vois (rires). C’est bizarre, mais c’est le Japon.

Metal-Eyes : Et qunad ils te reconnaissent dans la rue, ils te disent quoi ?

Frédéric Leclercq : C’est toujours la même chose : ils veulent discuter un peu, que je signe un truc. Il y en a qui me lancent des bonbons, d’autres qui veulent faire une blague. Des fois c’est drôle, d’autres fois, c’est pas drôle… Si, une fois, il y en a un, c’était pas un fan, c’est un pote qui me l’a présenté, « voilà, c’est Fred de DragonForce… Ah ouais, DragonForce, j’aime pas, c’est de la merde ce que tu fais ». Ce jour là, c’est pas passé, alors qu’en général, je suis quelqu’un de calme. Je lui demandé « tu fais quoi comme métier ? » Il était, je sais plus, contrôleur des impots ou un truc comme ça. Je lui ai dit « tu vois, je vais pas te dire que ton métier c’est de la merde alors que c’est vraiment ce que je pense. Mais c’est vraiment impoli, ce que tu fais, on ne se connait pas, tu te pointe et tu te permets de critiquer quelque chose alors que ça ne m’interesse pas avec ta petite vie… » j’étais vraiment en colère, au point que le mec s’est excusé. Après on a bu des coups mais ce qui m’énerve c’est que les gens viennent te voir parce que ce que tu fais est d’ordre public et ils se permettent de t’insulter. Jamais je n’irais voir un barman, par exemple, et lui dire « bonjour, juste pour vous dire que votre métier il est vraiment à chier ! ». J’avais trouvé ça très con.

Metal-Eyes : Une dernière chose : quelle est la meilleure question qu’on t’a posée aujourd’hui ? A part savoir ce que tu veux pour le déjeuner…

Frédéric Leclercq : Aujourd’hui ? Ah, c’est Christian Lamet qui m’a demandé ce que je ferai si je devais faire une compilation de reprises. Parce qu’il sait que j’écoute beaucoup de chanson française. Ça m’a permis de m’évader du metal et de parler d’Alain Chanfort, et d’autres. Même si je fais beaucoup de metal, finalement, quand je rentre chez moi, j’aime écouter d’autres choses. J’ai toujours ma base, bien sûr, et ce qui se fait aujourd’hui ne m’intéresse absolument pas. Je trouve que la scène actuelle est une resucée de tout ce qui se faisait avant, et j’ai vraiment plaisir à écouter du Chanfort. Les gens s’arrêtent à Manureva, mais il a fait au débt des années 80 une paire d’albums vraiment bien et j’écoute ça pour varier les plaisirs. J’aime pouvoir parler de ça, et j’aimerais que le metalleux ne soient pas fermés comme beaucoup de gens que je connais encore et qui sont comme ça. Surtout les jeunes, ça change un peu en grandissant. Les gens qui vont au 70.000 tons of metal, la croisière metal, c’est du metal tout le temps. Pour eux c’est génial parce qu’ils ne font ça que3 jours dans l’année, mais pour moi, c’est tous les jours. Je pète un plomb, donc je m’évade. Voilà c’est le mot de la fin : écoutez Alain Chanfort !