CRITICAL PINT: Thirst of all

France, Heavy rock (M&Omusic, 2023)

La pinte critique… ou celle de trop! Rien que le nom du groupe – Critical Pint – et celui de son premier album – Thrist of all (qui me rapelle le Thirst world war d’Hemoragy…)- sont des invitations à se plonger tête la première dans un univers un peu jobard. Dès Temptation, qui ouvre ce CD, le message est – ou semble être – clair: nous sommes aujourd’hui en présence d’une bande de potes amoureux du hard rock gras, biéreux et de papier de verre (de verres tout court, d’ailleurs) cher autant à AC/DC qu’à Motörhead (il fallait l’oser, cette association!), de ce heavy rock direct et sans fioritures. D’entrée de jeu, l’ensemble m’évoque le trio frenchy de Sticky Boys. Des guitares franches et directes, un chant qui sent le relent de clopes. Puis, les morceaux défilant – il y en a 11 – on découvre plus de variété et de… « finesse » qu’une simple et pale copie des groupes mentionnés plus haut. Critical Pint puise son inspiration dans les grands classiques du hard et du metal, se faisant même parfois l’ombre de Black Sabbath avec des approches parfois plus que doom. A d’autres moments, on revisite l’école psychédélique ou celle plus country, même si cela est plus discret. Si on apprécie la rugosité du chant rapeux, on aurait aimé un anglais plus compréhensible mais c’est bien la seule vraie faiblesse de cet album bourré de références et gorgé d’un amour du rock simple et direct. Même si Critical Pint est loin de réinventer le genre – le cherche-t-il seulement? J’en doute – il est impossible de rester impassible pour les amateurs du genre. Fun et efficace!

THE SOUND COMET: Soundcheck

France, Rock (M&O music)

Avec son premier Ep, Soundcheck, le quintette français The Sound Comet propose 5 titres à la fois légers et puissants, influencés autant par le rock alternatif que le progressif. La formation semble puiser son inspiration au cœur des toutes les époques du rock, de la fin des 60’s à nos jours. On y trouve en effet des aspirations floydiennes et presque psychédéliques (When I’m gone), d’autres plus éthérées et post new wave (A moth to flame), voire grungy et punkisante (Jelly Roger, quel fine piraterie dans ce jeu de mots, j’adore!). La douceur est aussi de mise avec la semi ballade très US sounding Meaner & uglier ainsi que l’hypnotisme  d’un riff répétitif et envoûtant qui vient, avec Same wolf, clore cetet très jolie carte de visite. The Sound Comet nous offre 5 facettes de ses capacités et aspirations sonores qui donnent tout leur sens au titre de cet Ep. Plus qu’un simple soundcheck, ce disque est une belle introduction à un univers musical qu’on devine riche et très prometteur. Rock, certes, et surtout simplement juste.

TARAH WHO?: The collaboration project

France, Rock (M&O, 2023)

J’ai découvert Tarah Who? l’été dernier lors d’une interview au Hellfest. Deux jeunes femmes authentiques et éprises de vie, dont une, Coralie, a décidé de tracer sa propre route. Tarah Carpenter continue donc de son côté et sort aujourd’hui The collaboration project, un album de 12 chansons enregistrées avec de nombreux invités. Si on lui attribue volontiers l’étiquette de grunge, Tarah Who? va bien au delà. En proposant des titres variés, intimistes ou extravertis, la chanteuse guitariste navigue entre détermination rock, groove funky, sensualité, tendresse et douceur vocales,  qui se confrontent à une énergie débordante d’enthousiasme non contenu et un ton aussi narquois que sensuel. Soutenue dans son projet par des producteurs de renom (Jason Orme et Norm block qui se sont notamment occupés de Alanis Morissette et L7) et nombre d’invités au chant ou instruments, Tarah Who? varie les plaisirs qui vont du rock crade des vieux jours au heavy rock ou au punk irrespectueux. Principalement chantés en anglais – parfaitement maitrisé, la miss vivant depuis de nombreuses années à Los Angeles – Tarah se lance aussi dans une diatribe anti règlementation sur R.A.D.I.O et son intro fun et désabusée. J’ai simplement envie d’écrire ceci, alors je l’écris: The collaboration project est un album frais, enjoué, varié qui ne mérite qu’une chose: que l’on se penche dessus sérieusement! Il y en a pour tous les gouts, et dans le marasme actuel, franchement, ça fait du bien!

ALEISTER: Nightmare

France, Thrash (M&O music, 2023)

Nightmare. C’est sans doute l’état d’esprit dans lequel se trouve Aleister aujourd’hui. Formé en 1988 à Belfort, la formation publie No way out, son second album en 2019. On sait ce qui suit, une certaine crise sanitaire remettant en cause de nombreux espoirs et tout ce qui s’imposait jusqu’alors comme évidence. On imagine volontiers que le groupe qui tentait un retour en forme a ragé et enragé, ses rêves devenant cauchemars. Pourtant, Aleister ne baisse pas les bras et revient aujourd’hui avec ce Nightmare exemplaire d’efficacité brute. Du thrash old school qui débute avec un Prepare your soul for war éructé et vomi d’une gorge profonde, grave et inquiétante avant que les guitares ne viennent charcuter l’espace, méthodiquement soutenues par une section rythmique qui pilonne et tabasse sec. Les riffs imposent des craquements de nuque tout au long des plus qu’efficaces et rentre dedans The Game ou The reason of my anger. Liar vient clore ce superbe retour avec des influences plus heavy/doom et une réalité s’impose: si les influences paraissent évidentes – d’Exodus à Death Angel en passant par les incontournables Slayer, une once de Merciful Fate et une pincée de heavy metal pur jus – ce n’est qu’injustice qu’Aleister n’ait pu trouver son public plus tôt. Espérons que The preacher parvienne aujourd’hui à réunir en nombre de nouvelles ouailles et puisse trouver sa place dans le peloton de tête du Thrash classieux made in France!

STORMHAVEN: Blindsight

France, Metal (M&O, 2023)

Avec sa pochette très SF, son logo, bref, son visuel très attirant, pas étonnant que je glisse ce Blindsight de Stormhaven dans mon lecteur CD (eh, oui… Il y en a encore…) Mais dès les premiers hurlements enragés de Fracture, le morceau qui introduit cet album (car il s’agit bien d’un album malgré ses seulement 6 titres), je fais demi tour. Cependant, quelque chose me retient… Et rapidement, Stormahaven me surprend. Par la diversité des instrumentations qui composent ce premier titre, par la variété des styles musicaux explorés, aussi. Le death ou le black ne sont jamais loin, certes, mais le groupe démontre rapidement naviguer avec bonheur non pas en eaux troubles mais d’univers en univers variés (certains passages m’évoquent même Rush!) Le brutal frôle souvent le power metal, voire le progressif – ah, tiens, je viens d’en citer un des maitres…). Le prog n’est pas du tout une évidence avec le premier titre, Fracture, remarque qui fait rire Zach (guitare et chant): « en effet, oui! Il faut s’accrocher! Ce que je voulais pour cet album, c’est quelque chose qu’on n’avait pas fait avant: pas d’intro, une explosion et c’est direct dans la gueule. On voulait mélanger ça avec quelque chose de plus énervé que ce qu’on avait fait jusque là, avec des morceaux plus longs, développer des histoires avec le chant tout au long de l’album. L’album précédent, Liquid imagery, je l’avais plus pensé comme un long morceau d’une heure. Là, même si j’ai voulu une cohérence dans l’ordre des titres, chacun peut être pris séparément et tient la route seul« . Le groupe toulousain formé en 2010 pourrait franchir un pas supplémentaire avec ce quatrième album varié et entrainant. Jamais avare de démonstration (dans le bon sens du terme, svp), ce disque est empli de ces petites trouvailles qui font la différence. La période de crise sanitaire a-t-elle d’ailleurs eu un impact sur le groupe qui  n’a pu correctement défendre Liquid imagery, sorti en 2019? « Pas vraiment, je n’attends pas de défendre un album sur scène pour continuer de composer. Blindsight était prêt assez rapidement après Liquid imagery. Mais on ne savait pas trop si on attendait ou pas pour le sortir. Personne ne savait ce qui allait se passer. On a décidé d’avancer, de passer à autre chose. On avance et on vise un peu plus haut en matière de production, de com et de promotion. » Le titre de l’album, Blindsight (aveuglement) fait-il référence à ce manque de vision que nous a offert la crise sanitaire ou est-ce autre chose? « Il se trouve qu’on peut faire pas mal de parallèles, mais ce n’était pas pensé ainsi. L’idée c’est qu’on suit un personnage qui a subi un accident, un évènement marquant assez violent – d’où le premier titre, Fracture. Ensuite, il perd la vue et il développe des pouvoirs un peu plus mystique de clairvoyance et autres. On ne sait pas trop s’il voyage mentalement ou physiquement, il rencontre des personnes… On suit ce voyage tout au long de ‘album« . Bref, une approche conceptuelle qui se rapproche de l’esprit prog. Quand on lui demande comment le groupe a évolué entre ses deux derniers albums, Zach répond d’un « Ouh la!… je dirai que j’assume sans doute plus mon approche rock prog, qui est, pour moi, l’influence majeure que je revendique et que je ne mettais pas autant en avant que je l’aurai voulu. Et d’un point de vue humain, il y a eu un changement de line-up avec l’arrivée d’un nouveau batteur et d’un nouveau claviers, donc un changement d’équilibre, une organisation différente à trouver. Comme je le disais, on se concentre plus sur la promo, la communication, alors qu’à la base on est une bande de mecs qui aiment jouer de la musique ». Zach approuve entièrement le terme de professionnalisation que je lui propose en résumé de ses propos. « On s’est posé la question, au bout de 4 albums: on veut faire quoi? On reste comme ça ou on évolue? Si on veut évoluer, il y a plein d’autres choses à côté qu’il faut faire« . Un groupe qui a donc simplement mûri. Tout au long des titres, longs – tous tournent autour des 7’30, exception faite de Dominion qui culmine à 24′! – on trouve les inspirations aussi brutales que progressives du groupe. Je lui cite le nom de Rush…  Mais il y a plus que de la brutalité et de la technique dans ce disque, bien plus. Si Zach devait ne choisir qu’un seul titre de Blindsight pour expliquer ce qu’est aujourd’hui Stormhaven, lequel retiendrait-il pour inciter quelqu’un à écouter le reste? « Bonne question… Sur ce nouvel album, je choisirai Hellion, un morceau qui permettrait sans doute de toucher un public plus large. On n’a pas l’effet coup de massue qu’il y a avec Fracture. D’ailleurs, il y a un clip qui sort dans quelque semaines. Hellion a une approche moins death, plus prog avec plus de chant clair, plus de place pour les claviers aussi. » Je lui cite le nom de Rush que certains passages de ce même titre m’évoquent. Ils font partie des inspirations de Stormhaven? « Ah, oui! A 100%! Même si on a l’étiquette de metal prog, mon inspiration vient plus du rock progressif que du metal. Du Rush, Kansas, Deep Purple… le tout mélangé à des touches de death » Sera-ce cependant une approche suffisante pour extraire Stormhaven de la masse? Un groupe de rock, c’est aussi la scène, alors, quoi de prévu? « On a pas mal de dates qui sont prévues, principalement dans le sud, en fin d’année et en 2024 on devrait aller en Espagne et dans le nord de la France, là où on n’a pas encore beaucoup joué. Et on vise aussi les festivals d’été… » C’est sans doute en effet là que le groupe pourra le mieux se faire connaitre, aller au contact de son public et faire connaitre son death prog, alors attendons de voir les dates que Stormahaven affichera bientôt sur son site et ses réseaux sociaux.

PENUMBRA: Eden

France, Metal (M&O music, 2023)

L’Eden, le soit disant jardin « paradis » qui a vu toutes les contradictions se mêler. Entre sexes – Adam et Eve – sagesse et tentation, obéissance et prise d’indépendance… On retrouve tout cela dans cet album des Français de Penumbra qui, avec Eden, évoluent dans un registre multiple, alliant grandes orchestrations épiques – le groupe introduit pour la première fois dans le metal le hautbois – chant mixte entre lyrisme féminin et growls black/death masculin… Penumbra explore avec bonheur des univers variés avec la juste dose de violence vocale explosive, dans une dualité constante qui navigue entre ombre et lumière. L’ensemble se révèle rapidement efficace et intrigant, notamment grâce à des breaks venant aérer des prises de vitesse et montées en puissance bienfaitrices. Penumbra nous entraine dans ses mondes, symphonique, épique, celtique, heavy et extrême tout à la fois. Un album à découvrir…

LOCO MUERTE: Los clasicos de Loco

France, Hardcore/crossover (M&O, 2023)

Ay, caramba! Los amigos, soy Loco Muerte, entiende? « Caramba », c’est la seule chose hispanique que je retiendrai tellement il y a de folie, d’énergie et de bonne humeur contagieuses dans ce Los clasicos de Locos, nouvelle déflagration des Parisiens de Loco Muerte qui revisitent certains de leurs « classiques »  principalement issus de leurs deux premiers opus Maquina de guerra (7 morceaux) en 2011 et Traicion bendicion (3 titres) en 2013. Rien cependant du dernier – La brigada de los muertos paru en 2018 – mais qu’importe! A l’écoute de ces 11 cartouches qui te pètent à la gueule, impossible de ne pas faire de lien avec le gang de Venice, Suicidal Tendencies, et son rejeton Infectious Groove (on s’en serait doutés rien qu’au bandana…) Si l’album débute avec un nouveau titre – La vida loca – les autres morceaux sont tous aussi explosifs qu’enjoués. Loco Muerte nous concocte un hardcore/crossover des plus efficaces, certes, mais surtout digne des plus grands noms du genre. C’est simple, il y a, tout au long de Los clasicos de Loco une rage et une envie de vivre communicatives. Il est simplement impossible de en pas se laisser entrainer dans ces rondes pogotées qu’on appelle des circle pits qu’on imagine volontiers animer des concerts. Une dinguerie parfaitement contrôlée en somme, un défouloir bienvenu et bienveillant comme seule les meilleurs savent nous en offrir. on en redemande! Et je me demande vraiment si la Hellstage résistera au passage de ces doux dingues le 16 juin prochain? Ca qui est sûr, c’est que ça va groover grave!

LACRIMA

France, Rock (M&O, 2023)

Avec ses guitares aériennes, son chant suave et profond, Lacrima débarque avec un premier Ep de 6 titres qui naviguent entre rock et metal. A juste titre, le dossier de presse indique « for fans of Lacuna Coil, Evanescence, Delain », bref que des groupe à chant féminin. C’est un peu limitatif, mais réaliste. Si la recherche de la mélodie est là, accompagnée parfois d’influences orientales (Dark wedding), si la cohésion entre les musiciens est réelle, j’ai rapidement l’impression que quelque chose manque. Les compos sont réussies, sérieuses, intrigantes, certes mais… L’image qui me vient en tête est celle d’un cavalier bridant sa monture là où il faudrait tout lâcher – ce que le groupe tente sur Fallen angel mais reprend vite ce contrôle… Je ressens un groupe appliqué, concentré qui n’ose pas aller plus loin. Si on ajoute à cela un anglais difficilement compréhensible, on est face à un groupe au potentiel réel mais qui mériterait sans doute une vraie prise de risques pour que ce premier essai soit une vraie carte de visite.

ASTRAYED PLACE: Edge of the mist

France, Metal (M&O music, 2023)

Ca démarre sur une intro aérienne, aux tonalités « écolos », comme un message à la planète. Inert city continue avec douceur et bienveillance, introduisant un doux chant, calme et posé avant de monter en puissance. Deux voix se mèlent – masculine et féminine – avant que la rage ne se glisse dans cet ensemble attirant. Le chant guttural est contrebalancé par celui plus maternel et des guitares à la fois légères et déterminées. Rapidement, Astrayed Place fait preuve d’une variété musicale qui le place dans la catégorie un peu fourre-tout de metal moderne. En mélangeant ses influences progressives, thrash et death, douces et extrêmes, en passant du calme à la tempête sur fond d’alternance entre riffs efficaces et rythmiques rentre dedans, le groupe s’adresse à un vaste public. Une faiblesse réside cependant dans un chant pas toujours juste et qui peut donner l’impression de manquer de puissance (Slaughter the ants m’irrite quelque peu) face aux déflagrations et à la brutalité directe de certains titres. Mais quand la rage est là, ce défaut est rapidement mis de côté (Death blossom) dès que le groupe se lance dans ces échappées belles où la vélocité se dispute l’explosivité rythmique. Les breaks qui font s’agiter les crinières sont judicieusement placés permettant de moments de respiration bienvenus. Astrayed Place pourrait bien se faire un nom sur la scène du metal extrême. Un groupe à suivre.

ABHCAN: Build & break

France, Heavy metal (Ep, M&O, 2023)

Abhcan est un groupe parisien qui a déjà publié un premier album, The Pit, en 2020. Trois ans plus tard, le groupe revient avec ce Build & break, un Ep de 5 titres qui lie la puissance du heavy metal traditionnel à des sonorités plus modernes. Fondé en 2000, le groupe est rejoint en 2017 par Lina au chant (elle tient également le micro de Sleeping Romance depuis peu, cf notre récente interview) aussi doux et bienveillant, acidulé et presque pop, que brutal et rageur à la Alicia Whit-Gluz. Bien que le site du groupe ne mentionne pas d’autre vocaliste, il est difficile de croire que Lina soit seule au micro, passant d’un registre à un autre avec une facilité déconcertante. La belle est cependant accompagnée par des guitares inspirées par la NWOBHM (Maiden n’est jamais très loin) autant que par un thrash naissant de la Bay area. Si l’on pourra regretter un certain manque de rondeur et de générosité dans la production, les cinq titres foncent dans le tas avec une énergie non feinte. Simplement, malgré une bonne volonté évidente, et bien que l’envie et le savoir faire soient là, il manque ce quelque chose qui pourrait donner à Abhcan une vraie identité sonore et le distinguer de cette scène metallique hexagonale plus que vivante mais décidément très encombrée. Le potentiel est là, la concurrence aussi…