Séance de rattrapage: ROCKET FUEL – Under the blades

Hollande, Punk/Thrash (Autoproduction, 2023)

En attendant les sorties de la rentrée, Metal-Eyes va mettre à profit cette période estivale pour estivale proposer quelques séances de rattrapage et parler de quelques albums qui valent le détour. Commençons donc avec les thrasheurs punkisants de Rocket Fuel, groupe formé en 2018 à La Hague. Un an après sa naissance, le quatuor publie un premier Ep, Too big too early une première carte de visite présentant diverses facettes du groupe. Aujourd’hui remanié, le groupe se compose de deux membres fondateurs – le chanteur guitariste Richard Wegman et le batteur Remy Jeremy – qui se sont adjoints les services du guitariste Olaf Büscher et du bassiste chanteur Johan Mieremet, et propose son premier album complet, Under the blades. Si le titre peut rappeler une chanson de Twisted Sister, on est loin, très loin de l’esprit musical des Américains. Rocket Fuel évoque beaucoup plus une rencontre entre le punk festif de Sum 41 ou The Offspring, de la rage et la puissance de Killswitch Engage ou Rise Against, la furie thrash de Slayer ou Metallica avec le sens de la mélodie entrainante de Disturbed. Le chant mélange la hargne d’un Phil Anselmo à une envie puissante volontaire et déterminée. Rocket Fuel ne réinvente certes rien mais le groupe met tant de cœur dans ses compositions qu’il entraine l’auditeur sur les chemins des pogos et du cassage de nuque. Avec ses 11 titres qui ne laissent pas un instant de répit, Under the blades pose les bases de très belles promesses. A suivre.

DEWOLFF: Live and outta sight

Pays-Bas, Hard rock (Mascot, 2019) – sorti le 1er mai 2019

Incontestablement, le renouveau du renouveau du rock/hard rock 70’s passe par le trio néerlandais de Dewolff. très orienté rock sudiste, le trio se plie aujourd’hui à l’exercice du témoignage live.  Il était d’ailleurs temps de le faire après l’excellent Thrust paru l’an dernier. Sur Live & outta sight, le trio laisse exploser sa passion du rock old school. De Jimi Hendrix à Deep Purple, en passant par le southern rock, le blues et le psyché, Dewolff offre un concert haut en couleurs et en émotions. Après un Big talk qui met en appétit et en jambe, les frangins Van de Peol, Pablo (chant et guitare) et Luka (batterie) et Robin Piso (chant et claviers) semble se mettre en mode impro dès Sugar moon. Une impression confirmée par Medecine, sur lequel on est persuadé que ce ne sont pas des pilules de médicaments que les gars ont ingurgités… Les choeurs parfaitement américanisés passent superbement bien tout au long de cet album tout en sensibilité et finesse. Avec ce Live & outta sight, Dewolff parvient à faire fonctionner la machine à remonter le temps et nous plonger au coeur de ces concerts uniques des 70’s sans lasser l’auditeur un seul instant, malgré des morceaux à rallonge – Medecine avec ses 8′ étant le plus court d’entre eux: Deceit and woo et Tired of loving you tournent autour des 11′ et Love dimension qui conclue le concert dépasse les 9′! Une expérience à découvrir en urgence.

VANDENBERG’S MOONKINGS: Rugged and unplugged

Acoustique, Hollande (Mascot, 2018) – sortie le 2 novembre 2018 (Europe)

Adrian Vandenberg n’a sans doute plus rien à prouver à qui que ce soit. Une carrière clairsemée mais exemplaire a confirmé son énorme talent musical, tant à la composition qu’à la guitare. Revenant depuis quelques années avec son groupe, Vandenberg’s Moonkings, déjà auteur de deux joyaux du hard rock de haut vol, il se permet, en guise de troisième album – le plus risqué, historiquement, car celui du grand virage (dans les deux sens du terme) – de nous offrir ce Rugged and unplugged, compilation de reprises de ses créations en version acoustiques. Les 8 titres proposés couvrent une belle partie de sa carrière de la plus sobre et simple des manières. Du plus ancien Burning heart (figurant sur son album bleu de 1982) à What doesn’t kill you ou Walk away, deux extraits de MKII, en passant par Sailing ships, reprise de Whitesnake qui figurait déjà sur le premier album de Moonkings, dans une version superbe et épurée – sans doute le plus poignant des titres de ce disque avec le sus mentionné Burning heart – la sobriété est de mise, partout. Malgré un léger passage à vide sur One step behind, et un certain manque de puissance vocale par instants, le reste s’écoute avec douceur. Une simple guitare accompagnée d’une voix puissante, avec parfois une incursion de rythmique discrète, ce disque est d’une émouvante, bienveillante  et apaisante réussite. Non, il n’a rien à prouver ce gigantesque guitariste…

AYREON: Universe

Metal Prrgressif, Hollande (Mascot, 2018)

« Ayreon n’est pas un projet pour la scène, je n’ai jamais joué live avec Ayreon. Mais, pour la première fois, nous avons décidé de donner quelques concerts avec Ayreon, en septembre 2017″ m’informait Arjen Lucassen le 22 février 2017 en interview. Ce Universe – Best of Ayreon live – est donc le résultat attendu d’un projet scénique rarissime. Personne ne s’étonnera donc que les 3 shows néerlandais affichent complets rapidement. La salle O13 a une capacité de 3000 places, et se révèle de la taille qu’il faut pour le projet, même si Lucassen aurait pu, fort probablement, attirer 5000 spectateurs. Cependant, le maître du contrôle réussit un exploit à plus d’un titre: d’abord, réunir le casting le plus complet possible des chanteurs ayant, à un moment ou un autre, collaboré au projet Ayreon. Bien sûr, tous ne sont pas là, mais quel casting! Et quelle mise en scène! Tout est prévu, planifié, tant visuellement que d’un point de vue sonore. Les écrans sont un véritable complément à chaque chanson, l’ensemble de la prestation est agrémentée d’effets, pyrotechniques ou fumigènes, variés et le temps passe à une allure folle. On s’étonne cependant de l’absence plus que remarquable du maître de cérémonie. Arjen Lucassen n’intervient que très tardivement, sur les deux derniers morceaux (sur les 28 de ce concert fleuve de presque 2h30). Timidité? Ce serait surprenant au regard de sa présence scénique, où il semble dans son élément. Mettre en avant les autres musiciens et artistes? Certes, mais ce Ayreon reste l’oeuvre de sa vie, alors? Il n’empêche, ce Universe retrace un exceptionnel moment de l’histoire de ce groupe à part. Moment complété d’un DVD bonus qui s’attache à évoquer dans le détail la genèse de ces 3 concerts, la logistique, l’organisation et les répétitions. Les témoignages des chanteurs – unanimes pour proclamer avoir dit « oui » sans réfléchir – sont nombreux. Un vrai document, riche d’information et de scènes « envers du décors ».  Universe – Best of Ayreon live est un must qui se décline également en version audio double CD. Nul doute que ce moment rare marque un tournant dans l’histoire de Lucassen et, a fortiori, entre dans l’Histoire d’Ayreon.

DE WOLFF: Thrust

Hollande, Hard rock (Mascot, 2018)

Ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace, dit-on. Mais aussi, c’est dans les vielles marmites qu’on fait les meilleurs plats » ou « ce n’est pas un vieux bluesman qui va apprendre le blues ». Sauf que… DeWolff n’a rien de commun avec ces adages puisque le trio ne s’est formé qu’en 2007. En à peine une décennie, le groupe néerlandais nous offre déjà son cinquième album. Et franchement, il semble que les gaillards n’aient plus grand chose à apprendre. Leur rock est empli de ce blues teinté de psyché qui se pratiquait outre Atlantique au cours des 70’s. ça sent la voix forgée à la clope, le timbre rocailleux collant parfaitement à cet esprit léger et embrumé qu’on retrouve tout au long de Thrust. Si California burning a cet aspect immédiat, on se laisse tout autant emporter par les Big talk, Double crossing man et autres Freeway light. Light, lumière…. Oui, cet album nous propose un blues lumineux et enjoué. A quand la scène, la vraie?

VANDENBERG’S MOONKINGS: MK II

Hard rock, pays bas (Mascot, 2017)

Démarrant sur des intonations AC/DCesques, Thightrope, qui ouvre ce MKII, second disque du Moonkings d’Adrian Vandenberg, donne le ton. Pas de surprises ici, on est en plein hard rock puissant, bluesy et empli de feeling. On n’en attend pas moins de celui qui, après quelques fulgurances sous son nom propre au début des années 80, s’est distingué au sein du Whitesnake de David Coverdale. On a d’ailleurs parfois l’impression de l’entendre chanter, mais, non, c’est bien Jan Hoving qui officie tout au long de ce disque. 12 chansons taillées dans le rock, efficaces en diable. Les références culturelles sont nombreuses. Si AC/DC est évoqué à plusieurs reprises, on trouve également des traces du susmentionné serpent blanc, ainsi que quelques clins d’œil à Jimi Hendrix (All or nothing) parmi d’autres incontournables. Mais point trop, Vandenberg ayant depuis longtemps trouvé sa voie propre. Le groupe qui l’entoure (outre le chanteur Jan, Sem Christoffel s’occupe de la basse et Martin Jenes de la batterie) est resté stable depuis la création de Moonkings en 2013. Cette stabilité se ressent dans les compositions, hautes en couleurs, même si la ballade What doesn’t kill you est quelque peu prévisible. Ce titre mis à part (et encore…), on a de quoi s’émerveiller tout au long de ces 12 morceaux traditionnels et entraînants. J’adore! On pourra dire que 4 ans, c’est long, cependant, vous aurez bientôt en quasi exclu webzinesque (la plupart étaient consacrée aux magazines de guitare…) l’interview de Monsieur Adrian Vandenberg qui revient sur cette si longue absence due à la contraction de la maladie de Lyme. Il va bien, et est prêt à reprendre la route. On l’attend impatiemment !

AYREON: The source

Ayreon 2017Pays-Bas, Metal progressif (Mascot, 2017)

Depuis ses débuts, Ayreon propose des albums longs – doubles, systématiquement – et complexes. Riches et mélodiques, les œuvres du « groupe » sont toujours des pièces uniques d’un opéra rock moderne. Exception faite de The theory of evrything, qui est, comme s’en explique Arjen Lucassen lors de notre rencontre, quelque peu à part dans la discographie, ce nouvel opus, The source, s’intègre parfaitement dans l’histoire d’Ayreon. Plus que cela, même, puisqu’il s’agit d’un prequel, l’histoire relatant les débuts de l’humanité. Pour mener cette aventure à bien, Arjen s’est entouré d’une bonne vingtaine de musiciens parmi lesquels ont distingue deux des guitaristes (Guthrie Govan et Paul Gilbert). Ce sont surtout les rôles vocaux, qui font toute l’histoire, qui sont remarquable. Figurent ainsi un historien, un prophète, un capitaine, une commandante ou une Biologiste, rôles respectivement tenus par James LaBrie (Dream Theater), Nils K. Rue, Tobias Sammet (Avantasia, Edguy), Simone Simmons (Epica) et Floor Janssen (), parmi d’autres . Tout au long des 4 tableaux qui composent The source, on trouve des traces de la grandiloquence de Queen ou de Helloween, des influences celtes/irlandaises et orientales. Les passages épiques sont foison. Construit comme un film, la tension s’invite dès les premières minutes et s’amplifie avant de relacher l’auditeur vers un final grandiose, victorieux, lumineux et épique. Tous les éléments sont réunis dans une construction efficace bien que sans surprise. Bien sûr, s’ingurgiter plus d’une heure trente de musique d’une traite est énorme, mais c’est ce qu’attendent les fans d’Ayreon qui seront aux anges. D’autant plus que quelques privilégiés pourront,bientôt assister à trois représentations live d’Ayreon qui célébrera une sorte de best of. Tous les détails dans l’interview!

Note 8,5/10

 

Interview: AYREON

Entretien Ayreon. Rencontre avec Arjen Lucassen. Propos recueillis à Paris le 22 février 2017

On n’a jamais deux fois l’occasion de faire une première bonne impression, dit l’adage. Celle avec Arjen Lucassen laisse des traces tant le bonhomme en impose. Même si l’on sait les néerlandais souvent grands, le gaillard dépasse aisément les 2m. Reste qu’une fois la surprise passée,c’est un passionné et heureux de vivre géant avec qui nous avons débattu à quelques jours de la sortie de The source nouvelle oeuvre épique de son bébé, Ayreon.

5 Ayreon 2

Metal-Eyes : The source arrive 4 ans après The theory of everything, ce qui n’est pas inhabituel pour toi  dans la mesure où les albums d’Ayreon sont généralement long, et au regard de tes autres projets. Comment décrirais-tu l’évolution d’Ayreon entre ces deux derniers albums ?

Arjen Lucassen : Je crois que celui-ci est très différent. Je considère The theory of everything comme mon album progressif. Il y avait mes heros du prog, de Yes, Genesis, King Crimson… qui sont pour moi parmi les plus grands du prog de tous les temps. L’album était très orienté « claviers », tandis que The source est plus rock, plus orienté « guitares ». Il y a, aux guitares, notamment Guthrie Govan qui, je pense, est actuellement le meilleur guitariste du monde, il y a aussi Paul Guilbert, qui était un des géants des années 80 et 90. Egalement, j’ai composé The theory of everything d’une manière totalement différente : je suis allé au studio et j’ia enregistré tout ce que j’avais et j’y ai collé toutes les idées qui me venaient. Ce qui a donné de longues chansons de 20’. Le bon côté c’est que ça a donné un album très spontané, le mauvais côté, c’est que ce n’est pas très accrocheur. The theory of everything est un album difficile, on passe par beaucoup d’humeurs, il n’y a pas de structure. Je crois que ce nouvel album, The source est bien plus structuré. Dans les voix, l’ensemble est plus attirant, les chansons, bien que liées par les chroniques, sont distinctes… C’est un album radicalement différent de The theory of everything, ce qui ne signifie pas qu’il soit meilleur ou moins bon, ça c’est à l’auditeur d’en décider

Metal-Eyes : une nouvelle fois, c’est un double album. N’est-ce pas un peu risqué, aujourd’hui, au regard du marché du disque moribond, de continuer de publier des albums doubles ?

Arjen Lucassen : Je pense que mes fans me tueraient si je ne publiais qu’un album simple ! (rires) Ils s’y sont habitués, depuis les débuts d’Ayreon, ce ne sont que des doubles albums. Je crois que si, aujourd’hui, je ne publiais qu’un simple, les fans penseraient que je n’ai plus assez d’inspiration…

Metal-Eyes : … ou que tu es paresseux

Arjen Lucassen : ou que je suis paresseux, oui! (rires). « je ne vais pas payer pour un album simple ! » Ce n’est cependant pas conscient : j’accumule toutes mes idées que j’enregistre sur mon PC, j’ai 50 ou 60 idées, et ensuite je commence à les effacer et choisir celle-ci ou l’autre. A un moment, je prends du recul pour voir ce que j’ai et… oh, il y en a beaucoup, plus de 80 minutes de musique ! Je sélectionne beaucoup, j’ai dû écarter quelque chose comme 20 chansons que je ne trouvais pas assez bonnes, ce qui est une autre différence avec The theory of everything pour lequel j’ai utilisé tout ce que j’avais. Mais cette fois, j’ai été plus sélectif, il y a d’autres idées.

Metal-Eyes : Et le concept est différent également.

Arjen Lucassen : Totalement : The theory of everything est à part dans toute l’histoire d’Ayreon. C’est l’historie d’un scientifique qui cherche à découvrir la théorie de tout, tandis que je retourne à la SF, avec The source. C’est un prequel de toute l’histoire d’Ayreon

Metal-Eyes : Musicalement, qu’as-tu mis dans cet album ? En l’écoutant, j’entends du Queen, des influences irlandaises, orientales également, le tout mélangé à cette culture symphonique et opératique.

Arjen Lucassen : Je crois que ces influences ont toujours fait partie de l’histoire d’Ayreon. Mes goûts musicaux sont si étendus… ça a commencé avec les beatles dans les années 60, avant d’aller vers Pink Floyd, je suis passé par toute la période glam rock avec David Bowie, Alice Cooper, T-Rex, Sweet. Puis j’ai découvert le hard rock avec Deep Purple, Led Zepelin et Black Sabbath, avant de découvrir le rock progressif, Genesis, Jethro Tull… C’est ce qui m’a formé. Alors si tu entends des influences celtes, c’est sans doute lié à Jethro Tull. Des influences orientales ? C’est sans doute Zeppelin avec des chansons comme Kashmir ou Rainbow et Gates of Babylon. Ce n’est pas conscient, ce sont simplement ces chansons qui te forment, et qu’enfant tu écoutes un million de fois. Tous ces artistes qui disent ne pas être influencés par d’autres… c’est impossible ! ça fait partie de ton éducation.

Metal-Eyes : Qu’en est-il du concept, dans les textes ?

Arjen Lucassen : ça traite des origines de l’humanité, c’est ce à quoi « la source » fait référence. Je base tous mes albums sur des faits scientifiques. Je suis très intéressé par la science, je regarde tous ces documentaires scientifiques, Stephen Hawkins et d’autres… L’un d’eux a déclaré qu’il est tout a fait probable que la vie sur terre provienne d’un adn extra-terrestre. La Terre a été frappée par tant de comètes qu’il est tout à fait envisageable que l’une d’elles y ait déposé un ADN. Ce qui signifie qu’il y a probablement, quelque part, une autre planète avec une forme de vie similaire.

Metal-Eyes : C’est à espérer ce serait triste d’être les seuls dans cet univers !

Arjen Lucassen : Oui, absolument vrai… L’autre fait scientifique est que l’on pense qu’en 2050 on aura atteint une « singularité technologique » ce qui signifie que les machines surpasseront les hommes. Elles seront plus intelligentes que les humains. Ce sont les deux points scientifiques de cette nouvelle histoire.

Metal-Eyes : Puisqu’on parle de machines, sur Aquatic race figurent ces mots : « Pas d’ordinateurs, pas de machines ». Comment as-tu enregistré cet album sans machines sachant qu’il y a une vingtaine de participants ?

Arjen Lucassen (Rires) : Attends, que je me souvienne du contexte… Non, c’est la nouvelle planète sur laquelle ils se rendent… ils doivent quitter la planète Alpha car les machine ont débranché toute support  à la vie, et ils doivent quitter la planète. Ils se rendent sur la planète Y qui n’est composée que d’eau. Ils doivent apprendre à vivre sous l’eau, dans un monde dépourvu de machines et d’ordinateurs. Mais je crois totalement en la technologie, je l’approuve et l’adore, elle rend mon travail tellement plus facile !

Metal-Eyes : Comment me décrirais-tu The source afin de me convaincre de filer l’acheter?

Arjen Lucassen : Il y ales meilleurs chanteurs du monde, c’est une évidence, et il réuni la meilleure des équipes dont je pouvais rêver. Il y a les meilleurs guitaristes et je crois qu’il s’agit de ma meilleure production, la meilleure jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit d’un album très aventurier : tu navigues à travers différentes humeurs et différents styles de musique, il est très varié… Je pense que cet album est plus accrocheur que le précédent. Je crois que c’est suffisant pour te convaincre de courir l’acheter ! (rires)

Metal-Eyes : Comment as-tu réuni cette équipe? Ik y a environ vingt intervenants, et j’imagine que vous ne vous êtes pas tous réunis en studio…

Arjen Lucassen : Non, c’est impossible…

Metal-Eyes : Merci la technologie, donc. Comment as-tu décidé qui jouerait quoi ?

Arjen Lucassen : En ce qui concerne la batterie, c’est toujours le même, tout comme pour le violon, le violoncelle et la flûte. J’ai découvert les meilleurs, alors pourquoi changer ? En ce qui concerne les chanteurs, j’ai pour habitude de ne travailler qu’avec de nouveau chanteurs. Mais cette fois-ci, je n’ai pas voulu me limiter, je voulais simplement les meilleurs chanteurs du monde, que j’ai déjà travaillé avec eux ou pas. J’ai d’abord finalisé la musique, puis écris l’histoire avant de penser à quel chanteur pourrait occuper quelle place, ce qui est très important.

Metal-Eyes :Tu sais donc déjà qui tu vas contacter pour tel ou tel rôle ?

Arjen Lucassen : Absolument. D’autant plus avec un projet de SF. Il y a des chanteurs qui ne voudraient absolument pas participer à un tel projet, à cause de leur image… Je ne sais pourquoi mais quelque chose fait qu’on pense souvent que la SF et le metal sont incompatibles. Un nouveau Star Wars sort au cinéma, tout le monde y court, mais si tu le fais en musique ça fait faux…

Metal-Eyes : Pourtant, ta musique est très cinématographique…

Arjen Lucassen : Totalement, c’est un film pour les oreilles. Je pense que, avant tout, la musique doit être bonne. Si en plus il y a une histoire, ça ajoute une dimension, tout comme l’artwork. La musique permet de s’évader, 80 minutes. C’est mon idéal.

Metal-Eyes : Tu as prévu des images pour accompagner cet album ?

Arjen Lucassen : Oui, il y a le premier clip, pour The day the world breaks down qui contient de nombreuses images de fond. L’artwork a été très important, cette fois-ci. Il m’a d’ailleurs beaucoup inspiré dans l’écriture de l’histoire. Lorsque j’ai vu la couverture, cette femme avec les tubes, ça m’a inspiré cette question au sujet d’humains qui devaient s’habituer à vivre sous l’eau. J’avais introduit la course éternelle vers la planete Y sur mon album précédent, et c’est aussi ce qui m’a inspiré. Il va aussi y avoir 3 lyric videos basée sur ce même artwork et qui donnent corps à cette histoire. Ce sont des petits films…

Metal-Eyes : Tu as dis précédemment avoir jeté une vingtaine d’idées. Si l’on pense à tes autres projets, comment décide-tu de ce qui termineras sur un album d’Ayreon et ce qui ira ailleurs ?

Arjen Lucassen : Je peux toujours adapter une chanson en fonction du projet visé. Une chanson est soit bonne, soit mauvaise. Si elle est bonne, je l’utilise, sinon, je la jette. C’est comme de faire une reprise : tu peux en faire n’importe quelle interprétation, mais la chanson doit, à la base, être bonne. Je ne choisis pas en fait. Si j’ai 10 chansons, elles iront sur le projet sur lequel je travaille. J eme sentirais mal à l’aise d’écarter une bonne chanson pour la placer ailleurs. Je travaillais à une époque avec un groupe que je ne mentionnerai pas, nous étions en studio et ce chanteur a eu une super idée, on a travaillé dessus et il nous a dit : « je vais la garder pour mon prochain album » ! On lui a tous répondu qu’on bossait sur celui-ci et il nous a répondu vouloir garder de chansons pour son prochain album…J’ai quitté le groupe après ça parce que ce n’est pas ma façon de voir les choses… Je me souviens que mon amie, une de mes amies passées me disais que je fasais tant, que je mettais tant de bons chanteurs sur ce disque « mais que vas-tu faire pour le prochain ? » « J’en sais rien… » Je sais que le meilleur album doit être créé maintenant, on verra bien demain pour la suite !

Metal-Eyes : C’est une bonne philosophie. Si tu devais ne retenir qu’une chanson de The source pour expliquer ce qu’est Ayreon aujourd’hui, laquelle serait-ce ?

Arjen Lucassen : Sans hésiter, The day that the world breaks down ? Parce qu’elle est très représentative de l’album: tous les chanteurs y figurant, il y a tous les styles musicaux abordés, très doux, très durs, très bluesy, très spatial… et tous ces éléments reviennent à un moment ou un autre. Une chanson comme Everybody dies, qui est ma favorite, n’est pas représentative de l’album. Je pense que si les gens sont amenés à entendre ce titre en premier, ils imagineront que tout l’album est comme ça.

Metal-Eyes : The day that the world breaks down est aussi la chanson qui introduit l’album. Donc, d’une certaine manière, tu me dis qu’une fois que j’ai écouté cette chanson, je peux zapper le reste…

Arjen Lucassen : Non, non, je dis au contraire qui si tu apprécies cette première chanson, tu peux écouter le reste (rires) !

Metal-Eyes : Tu prévois de transposer cet album sur scène ?

Arjen Lucassen : Eh bien, Ayreon n’est pas un projet pour la scène, je n’ai jamais joué live avec Ayreon. Mais, pour la première fois, nous avons décidé de donner quelques concerts avec Ayreon, en septembre 2017. Il y aura trois shows, à Tilburg, en Hollande, qui seront un Best of Ayreon, ce qui signifie que je vais jouer deux chansons de chaque album, donc deux chansons de The source…

Metal-Eyes : Un concept comme celui-ci – des concerts best- of – pourrait-il signifier la fin d’Ayreon?

Arjen Lucassen : Non, non, Ayreon prendra fin lorsque je disparaitrais. C’est mon projet favori, je peux tout y mettre, toutes mes idées. Et si j’arrête Ayreon, je ferais mieux d’arrêter de respirer : c’est ma vie… Etre créatif est la raison de mon existence, et Ayreon mon œuvre…

Metal-Eyes : Lorsque vous donnerez ces concerts, parviendrez-vous à avoir tous ces chanteurs, ou n’en ferez-vous venir que quelques uns?

Arjen Lucassen : On ne peut avoir 16 chanteurs… J’ai choisi des titres avec peu de chanteurs, un ou deux. On a déjà fait des représentations théâtrales, mais c’est du théâtre et tu peux faire venir beaucoup de chanteurs. Je crois qu’ici, il est préférable d’avoir un nombre limité de chanteurs afin de limiter les choses. Ca va déjà être complètement dingue, avec 16 chanteurs et plus de deux heures de musique et un show… Mais, oui, il y aura des chansons avec 5 chanteurs sur scène et je voudrais pouvoir faire monter tout le monde sur scène.

Metal-Eyes : Ce qui signifie qu’une chanson comme The day that the world breaks down, avec tous ces chanteurs, ne pourrait être interprétée sur scène…

Arjen Lucassen : C’est toi qui le dis… (rires) J’essais de ne pas dire quelles chansons seront jouées ou pas, mais, oui, tu as raison. Malheureusement…

 

THE ANGRY CATS: Outmonster the monster

the-angry-cats-2016Rock, Europe (Autoproduction, 2016)

The Angry Cats, un avatar du jeu avec des oiseaux? En tout cas, les cochons voleurs d’œufs sont ici remplacés par un chien. Voila. Maintenant que vous connaissez l’étendue de ma culture en matière de jeux, entrons dans le vrai sujet: The Angry Cats est un groupe européen (ses membres sont Français, Suédois et Hollandais) formé en 2010 par le guitariste chanteur Fred Alpi, le bassiste Tom Decaestecker et le batteur Chris Gianorsi. Le trio explore diverses facettes du rock, celles avec lesquelles il a grandi. Ce premier album, Outmonster the monster, reflète autant les influences rock basique que d’autres plus sombre ou piochées dans la new wave, et m’évoque par instants les Français de No Man’s Land. Le chant, grave et profond, ajoute à une certaine lourdeur oppressive qui se dégage de l’ensemble. « Fun » parfois, en tout cas d’apparence (A piece of steak, inspiré d’une nouvelle de Jack London), lent et lourd à d’autres moments (Outmonster the monster), l’énergie presque punk est toujours présente. Les 11 titres (plus une intro) explorent différent thèmes, la production est sobre, le livret complet pour un résultat général assez réussi. Certains morceaux ne sont pas à écouter si l’on a un coup de blues (Information, lent, lent et lourd et qui monte en puissance). Une jolie découverte qu’on espère voir se transformer. reste une question: qu’a-t-il de si « monstrueux », ce chien???

Note: 7,5/10

Titre que je retiens: A piece of steak

Site web: www.theangrycats.com

EPICA: The holographic principle

epica-2016Metal symphonique, Pays-Bas (Nuclear Blast, 2016)

Plus qu’une confirmation, The holographic principle, le dernier album d’Epica, est un aboutissement. Avec aujourd’hui 5 compositeurs dans le groupe, on aurait pu croire que les Bataves se disperseraient; il n’en est rien. Au contraire, on sent une plus grande maturité et une unité sans doute jamais atteinte par Epica dont les compositions sont riches, ingénieuses et percutantes. Variées, aussi. Avec des durées allant de moins de 3′ à plus de 11′ (Eidola et The holographic principle – a profound understanding of reality, respectivement en ouverture et en fermeture de l’album), Epica ne vise pas les radios. Le groupe cherche au contraire à ravir de nouveaux fans, en proposant des compositions à la fois familière et novatrices. En ceci, l’appel à de vrais instruments est remarquable car la différence avec les samples est nette. On retrouve certaines marques de fabrique d’Epica, les growls de Mark Jansen, la grandiloquence vocale de Simone Simons… En travaillant autour du thème de la réalité virtuelle (le principe holographique nous est expliqué par Mark dans cette interview), Epica continue dans la veine scientifique entamée plus tôt.  Sans être spécialement calibré pour séduire les radios, The holographic principle s’adresse au plus grand nombre, (on pense aux accents orientaux de A phantasmic parade, par exemple)en dépit d’une légère perte de vitesse à mi parcours (deux trois morceaux, à partir Divide and conquer) ou le morceau de cloture, sans doute trop long pour être vraiment digeste. une telle oeuvre aurait sans doute bénéficié d’un temps raccourci et Epica aurait certainement évité le côté parfois fouillis de la chose. Reste que ce The holographic principle est suffisamment varié pour qu’Epica ne perde pas l’auditeur en cours de route et que cet album remplit parfaitement son rôle: faire avancer Epica d’un grand pas.

Note: 8/10

Titre que je retiens: Tear down your walls