France, Power metal (Verycords, 2022)
C’est peu dire que le retour de Manigance aux affaires est attendu par les fans des Palois. Le groupe fondé et mené par le guitariste François Merle doit aujourd’hui relever un triple défi. Son dernier album en date, Machine nation, fut plus que remarqué lors de sa sortie en 2018 mais, juste avant une jolie tournée en Europe, le groupe annonce le départ de son chanteur historique, Didier Delsaux, un des derniers survivants de ce qui naguère était une bande de potes. Le choix de son remplaçant fut bientôt annoncé: enter Carine Pinto en cette même année 2018 qui assure la tournée. Elle n’est pas une inconnue, elle est même créditée en photos pour l’album Mémoires… live. Mais surtout, elle avait déjà prêté sa voix à Manigance sur Face contre terre, duo avec Didier figurant en bonne place sur l’album précédent. Même si le groupe connait déjà ses capacités, c’est quand même un pari osé qui s’avère bientôt payant, la dame imposant, concert après concert sa puissance vocale et son charisme auprès des plus fervents fans. Puis voilà… Bruno Ramos, le second et indispensable guitariste et complice du sieur Merle depuis Ange ou démon en 2002, décide de quitter le navire pour aller rejoindre un Sortilège de retour afin de seconder Zouille dans sa quête de stabilité de groupe. Si remplacer Didier était déjà difficile, trouver un successeur à Bruno le fut au moins autant. Mais loin de se démonter, François Merle annonce bientôt avoir porté son choix sur un certain Lionel Vizerie, ex-Muren. Alors que la machine se remet en route, la crise sanitaire arrive… Le temps serait-il ainsi venu de penser à préparer, enregistrer et proposer un nouvel album histoire de démontrer à tous que Manigance est loin d’avoir dit son dernier mot? Oui, c’est un très grand défi – d’autant que Jean Lahargue (claviers) a aussi décidé de quitter le groupe et ne sera pas remplacé – doublé de grandes attentes auquel est confronté aujourd’hui Manigance: démontrer que la flamme est encore présente et vivace et que les « nouveaux » venus ont bien leur place au sein de ce fleuron de la métallurgie française qui, c’est là un détail, a très légèrement modifié son logo.
A peine publié, voici ce nouvel album, Le bal des ombres, décortiqué de bout en bout. Clairement, les fans du groupe s’y retrouveront totalement. Après une intro – Odysée – épique au chant monacal, Manigance attaque avec un Sang froid explicite. Il faut attendre une bonne minute avant que n’intervienne une Carine à la voix puissante et mélodieuse qui met les choses au poin(g)t: « Aujourd’hui notre relation s’achève« , « Mon châtiment viendra » ou « Je tue de sang froid« , une belle manière de clamer son arrivée dans le groupe, non? Le titre puissant et gras mêle des guitares véloces et précises dans un power metal d’entrée efficace. Tout au long des 12 titres, Manigance lie son heavy typique à d’autres influences. Un break hispanisant ici (Dans vos outrances), des relents presque thrash là (Arrêt de mort) ou là encore une ballade aérienne et douce (Aux portes de l’oubli). Si la ligne de chant de Haute trahison me hérisse – ce titre reste bien le seul à me faire cet effet – Carine s’impose comme le meilleur choix que le groupe pouvait faire. Sa puissance et son entrain font plaisir à entendre. Et puis ce duo guitaristique, cette complicité entre François Merle et Lionel Vizerie est telle qu’on la croirait décennale. Quelle détermination sur Huis clos, quelle puissance speed sur Envers et contre tout, quelle nervosité épileptique sur L’ombre du combat! Le groupe au complet (pour rappel, Stéphane Lacoude à la basse et Patrick Soria à la batterie) fait des merveilles sur Eternité ou le morceau titre, Le bal des ombres, aux mélodies entrainantes et chantantes et aux refrains qui te rentrent immédiatement en tête. Ce Manigance nouvelle formule fait des étincelles et ce (seulement) huitième album studio est une pure merveille dotée d’un son à la fois typique du groupe et résolument moderne. Déjà un classique à n’en pas douter! Les fans attendent désormais impatiemment de retrouver tout ce petit monde sur scène, notamment la date parisienne en ouverture de… Sortilège qui laisse espérer une jolie fête.