YNGWIE MALMSTEEN: Parabellum

Hard rock, Suède (Mascot, 2021)

Deux ans après son album presqu’entièrement consacré à des reprises de classiques – et franchement pas une réussite – que peut-on attendre de celui naguère considéré comme un prodige? Parabellum est là pour nous rappeler qu’Yngwie Malmsteen est loin d’avoir dit son dernier mot. Ok, je sais, cet album est sorti au mois de juillet dernier, mais voilà, Mascot l’a également édité sous forme de coffret, objet de mon propos. Un objet sympa qui fleure bon la séduction des fans, ce dernier étant rempli de goodies comme on les aime, jugez-en par vous-même: ce coffret – en édition limitée – comporte, en plus du CD de 10 titres, un sticker, une carte postale reprenant l’illustration de couverture, un sachet de 3 médiators et deux sous-bocks. Les fans apprécieront sans doute plus ces gadgets que le CD lui même, quoique… Force est de constater que Malmsteen, auto centré sans doute, devrait se décharger de certaines tâches, notamment celle de producteur. une oreille extérieure est plus que souvent bienvenue et cela aurait bien servi le guitariste qui, de plus se charge de tous les instruments hormis la batterie, confiée à Lawrence Lannerbach. Et si j’avais été surpris par son chant sur l’album précédent euh… un vrai vocaliste aurait bien mieux fait l’affaire ici car l’ensemble manque cruellement de puissance. Le reste est comme on peut l’imaginer: une profusion de notes savamment agencées, une technique irréprochable, des titres speedés ou plus mid tempo de haute volée, une ballade agréable. Si Parabellum se laisse agréablement écouter, il n’est pas encore l’album qui redonnera au Suédois son statut d’antan.  Mais il y a du mieux, alors profitons-en!

HEAVY WATER: Red city brick

Angleterre, Hard rock (Silver lining, 2021)

Tiens donc, nous étions passés à côté de celui-ci? Décidément infatigable, le père Biff Byford qui nous avait livré un School of hard knocks en 2020 ainsi qu’ Inspirations, le dernier album de Saxon composé de reprises en 2021. Heavy water voit l’inusable chanteur s’allier à son fils, Seb, déjà auteur en 2020 de Lost art of conversation, le premier album de son groupe Naked Six. L’alliance père-fils ou « comment nous occuper en temps de pandémie » fonctionne plutôt bien. Biff reprend ici la basse, Seb retrouve sa guitare, les deux se partageant le chant au travers de 10 titres aux influences variées. Du heavy répétitif (Solution) au très soft et 70’s (Follow this moment) en passant par des moments plus bluesy (Red city brick) ou plus actuels (Personnal issue n°1) ou au final trépidant (Faith), la famille se fait plaisir, simplement, sans chercher à réinventer quoi que ce soit. Ce Red city brick – qui se veut dans la continuité de School of hard knocks – se laisse écouter avec aisance. Le duo se trouve, se complète et se fait simplement plaisir. C’est tout ce qu’on demande avant un nouvel album de Saxon qui ne saurait tarder!

ALCATRAZZ: V

Hard rock, USA (Silver Lining, 2021)

Un nouvel album d’Alcatrazz un an à peine après le sympathique Born innocent? Un changement notable sur V: le remplacement de Graham Bonnet au chant par une autre grande voix, Doogie White. Hein, pardon? Même si j’aime beaucoup White, c’est quand même un comble que Bonnet, fondateur d’Alcatrazz dans les 80’s, Bonnet qui a mis au jour le talent insolent d’Yngwie Malmsteen, se fasse évincer par le reste du groupe « reformé » en 2017. C’est l’empreinte vocale de la formation qui se fait virer, une identité à part entière… Alors il va falloir se distinguer, les gars! Guardian angel, très power metal genre Helloween meets Stratovarius, démarre sur les chapeaux de roue, et propose des mélodies speede qui évoquent la technique de Blackmore alliée à la vélocité de Malmsteen. Genre: voilà ce qu’on fait. Mais clairement, il manque quelque chose, difficile de reconnaitre Alcatrazz. Les mélodies sont certes efficaces, mais parfois pompeuses. Sword of deliverance fait flop et ce n’est que le troisième titre… La suite alterne entre puissance-speed mélodique (Target et ses lignes plus que malmsteeniennes se révèle plutôt réussi, profitons-en) et titres passables (le téléphoné Blackheart au refrain foiré), voire carrément inutile à l’instar de cet insipide Maybe tomorrow…  Et ce Grace of god, qu’en penser? Comble du comble, c’est une reprise du titre co-écrit par Doogie White avec la version revisitée de Tank (comprenez sans les frangins Brabs ni Algy Ward) figurant sur l’abum War nation de 2012. Mais cette version, à laquelle viennent s’ajouter des claviers, est moins réussie, trop pompeuse. Au final, ce V a autant en commun avec Alcatrazz que le Tank mentionné ci dessus pouvait avoir de commun avec le Tank originel. A vouloir trop en faire, Alcatrazz frôle l’usurpation d’identité. Passable, pour le moins.

TOWARD THE THRONE: Vowed to decline

Metal, France (Metal East, 2021)

Les Alsaciens de Toward the throne viennent de sortir leur premier album, Vowed to decline. Formé en 2012, le groupe, tout d’abord death mélodique, évolue et muri pour se définir « parce qu’il faut bien mettre une étiquette, comme death mélo. Mais en fait, nos goûts ont évolué et on peu mettre du death, ou à d’autres moments, du black. Aujourd’hui on propose une musique qui est assez éclectique sur un seul album« , comme l’explique le guitariste du quartet, Jérémy Binsinger. Et en effet, même si cet album reste dans une veine extrême, on y trouve une variété de tempi, des chœurs, des moments plus aériens ou léger. Composé de 11 titres, l’album ne speede pas systématiquement et se révèle très varié, voire cinématique. « On ne s’est pas demandé ce qu’on voulait faire, on était dans ce move à ce moment là. Et six mois après, on est plus dans un trip Sceptic Flesh, ou plus orchestral« . même si c’est « une question hyper difficile  » que de savoir quel titre est le plus représentatif de ce que fait TTT, parce que le groupe « a pensé album global et que chaque morceau a ses spécificités » un titre comme The sorrow est d’ailleurs assez représentatif de cet esprit qui laisse venir les choses. Contrairement à d’autres formations, Toward The Throne n’a pas été affecté par la pandémie, sauf en ce qui concerne les concerts: « comme pour d’autres, les groupes qui n’ont pas pu tourner pendant deux ans veulent tourner maintenant et il y a encore de salles soit qui ont fermé soit qui sont encore frileuses« . Mais donnant des concerts avant le confinement, le groupe a pu finaliser ses compositions avant d’enregistrer ce premier méfait – sur le « label Metal East fondé par Laurent, membre de Deficiency » – qui évoque, tant dans le nom du groupe que dans l’illustration de la couverture -signée « Costin Chioreanu, qui a notamment travaillé avec Ghost, mais le choix de l’artiste a été hyper difficile » – l’univers de l’heroic fantasy – un certain Game of thrones en tête. Cependant, selon le guitariste, « il n’y a aucun rapport. On a cette volonté de laisser l’imagination de chacun faire son travail. Le nom du groupe, c’est une métaphore pour exprimer ce vers quoi on se dirige. Le trône reste le but que chacun a. On laisse cette part d’abstrait pour que chacun se fasse son idée« .  Alors justement, certains morceaux font des incursions dans le monde cinématographique, alors, quel est le rapport de TTT avec le monde du cinéma? « On n’est pas tous des passionnés de cinéma, mais on essaye de créer, au delà d’une chanson, une atmosphère, une ambiance générale. Je pense que tu n’as pas tord de penser que certains passages pourraient servir au cinéma« . Mais ce n’est pas prémédité. Les deux compositeurs principaux du groupe, Jérémy et Gauthier ressel (chant et basse), proposent généralement des « morceaux composés à 80% et les proposent au groupe. Parfois, il y a des choses qui ne passent as, mais la base est toujours là, les ambiances, l’idée générale. Ensuite, chacun apporte sa touche en fonction de ses compétences« . Lorsqu’on lui demande quelle pourrait être la devise de Toward The Throne, la réponse est simple: « c’est une question intéressante qu’on ne m’a jamais posée. je dirais « que chacun se laisse porter par la musique »… Que chacun se laisse emmener là où il a envie d’aller. Certaines personnes nous ont dit que ce n’est pas un album qu’on écoute dans la voiture parce qu’il faut se concentrer dessus, d’autres au contraire, se laissent simplement porter. C’est le ressenti de chacun« . Ce premier album, malgré un chant enragé difficilement compréhensible » a tout pour plaire aux fans de metal extême, du death mélodique au black. Une jolie première claque qui, contrairement à son titre, présente un groupe assez peu voué au déclin.

Les propos de Jérémy ont été recueillis le 1er Octobre grâce à Roger Wessier (Replica promotion)

JUDAS PRIEST : Reflections – 50 heavy metal years of music

Heavy metal, Angleterre (Sony/Columbia, 2021)

Les Metal Gods s’apprêtent depuis 2 ans à célébrer leur 50 ans de carrière, anniversaire repoussé tout-le-monde-sait-pourquoi. Mais loin de se laisser abattre, Judas Priest a décidé de se rappeler à notre bon souvenir de plusieurs manières. D’abord, un gigantesque coffret vient de voir le jour. inutile de préciser que tout les fans ne seront pas servis tant le monstre est important et son tarif, bien que raisonnable au regard du contenu, pas accessible à toutes les bourses. Alors pour compenser un peu, les Anglais et leur label publient une mini compilation de 16 titres. Léger pour célébrer 50 ans de carrière mais… Reflections – 50 heavy metal years of music propose pas moins de 10 titres live qui viendront satisfaire les fans du Metal god. De 1978 (Victims of changes)  à 2008 (Dissident aggressor) en passant par les mythiques tournées des années 80 et 90, de Londres à Houston en passant par New York, New Haven ou Cleveland, le Priest n’a plus besoin de Hurler qu’il est de retour, il fut et est bien présent. Ajoutez à cela un livret agréablement (un effort supplémentaire aurait été bienvenu) joliment fourni, et le plaisir est total. Quand en plus on sait qu’un nouvel album est en route, que demander de plus? Priest rules!

CARBONIC FIELDS: Ite est

France, metal (autoproduction, 2021)

Faites comme la bonne fée, et penchez vous sur Carbonic Fields. Ce groupe formé au Havre en 2018 par le guitariste protéiforme Mathieu Méheust  bientôt rejoint par le vocaliste Thomas d’Herbomez. Le duo est ensuite rejoint par un certain Franky Constanza (le temps de cet album), batteur qu’on ne présente plus, dont le seul nom devrait être un gage de qualité du groupe où figurent également aujourd’hui  Elliot Raveau (basse) et JB Romeo (guitare). Dès les premières mesures de ce premier album Ite est, il est clair que les Havrais visent de lointains horizons. Puisant dans le metal pur et dur, le groupe varie les plaisir. L’introductif Terria et ses influences orientales ouvre le bal d’un metal furieux et rageur. Tout au long des Sad words, invitation à une correction des cervicales, A bluer shade rentre dedans ou même de la reprise explosive C’est toi que je t’aime (Les Inconnus), rien n’est laissé au hasard. Carbonic Fields joue sur les ambiances lourdes, speed, oppressantes, s’inspirant autant des Slayer ou Judas Priest pour ne laisser place à aucun ennui. Même le look qui évoque un Malemort flirtant avec Slipknot, c’est dire… Le morceau titre – seul morceau chanté en français – évoque même Lofofora. Premier essai qu’on espère voir vite être transformé avec une pochette aussi belle en plus.

 

 

6:33 : Feary tales for the lullabies: the dome

France, fusion barrée (33 degrees, 2021)

Ils nous avaient laissés en 2015 avec le superbe Deadly scenes, premier album avec le chanteur unique Rorchach, et la tournée qui suivit en 2016. Il aura donc fallu 6 années aux barjots de 6:33 pour venir à bout de ce Feary tales for the lullabies: the dome et retrouver une position dominante sur leur créneau musical. Un créneau simplement inclassable où se mêlent rock, électro, jazz, metal, groove, 80’s, 40’s… Ceux qui connaissent 6:33 le savent, la surprise est partout. Des sons et des arrangements qui interpellent, fun et cartoonesques – les Looney Tunes doivent être aux aguets – et ne lassent jamais. De Wacky worms à Hangover, les 11 titres de ce nouvel album filent à toute allure et distillent une jolie dose de bonne humeur. Le trépidant Holy golden boner se dispute la palme du groove entraînant avec Rabbit in the hat ou Flesh cemetary, voire Release of the he-shes. Chaque chanson a ses particularités et dingueries, 6:33 proposant une musique limite schizophrène. Le groupe a ici décidé de ce recentrer sur l’efficacité de son propos en ne proposant aucun morceau « long » (aucun n’atteint les 10′) mais continue de marier les genre dans l’esprit d’un Faith No More ou d’un Mr Bungle allumés.   Egalement, mais c’est là un « détail » visuel, les masques sont tombés, 6:33 ayant décidé de jouer à visage découvert afin de se rapprocher de son public. Mais le visuel demeure, à l’instar de cette pochette aux couleurs fluo. L’immensité de la mégapole dans laquelle le héros cherche le succès. Et si l’album s’intitule « (…) : the dome » c’est bien parce qu’une suite est prévue. Feary tales est une vrai réussite dont on espère que cette suite promise arrivera rapidement. Pas trop, quand même, laissez nous le temps de nous délecter de cette merveille.

DESTINITY: In continuum

Death mélodique, France (Crimson productions, 2021)

Attention, trompe l’oeil! Ou plus exactement, trompe l’oreille… Après une séparation brutale en 2013 après 6 albums et « un peu une engueulade entre frères » selon le lead guitariste Sébastien, c’est sur une suggestion du chanteur Mick Caesare – pas encore revenu de No Return – qui « voulait refaire une date pour le festival qu’il organise à Lyon. Il y avait une possibilité aussi de jouer au Hellfest » ainsi qu’une dizaine de dates en France. La flamme est très vite ravivée, le groupe retrouvant « la dynamique d’avant la séparation, en mieux ». C’est donc la même formation qui se retrouve pour composer le successeur de Resolve in crimson (2012) et donner, neuf ans plus tard, naissance au bien nommé In continuum. Bien que composé avant Covid, la pandémie est arrivée, empêchant les musiciens de se retrouver mais donnant « du temps pour composer et, en 2020, pour prendre le temps d’enregistrer, à la maison et de penser au moindre détail ». La densité musicale s’aligne dans la continuité de Resolve…, ajoutant toutefois des variations plus nombreuses. Très heavy, parfois sombre, si la comparaison avec Amon Amarth parait évidente – l’ombre de Johann Hegg plane au dessus du chant de Mick, les rythmiques semblent parfois copiées sur celles des Suédois – et pourtant « on a très souvent ce parallèle, mais ce n’est pas voulu, ce n’est pas une influence majeure ». Certes, on pourrait également citer d’autres grands du genre, comme In Flammes ou, plus encore, un vieux Dark Tranquillity. D’ailleurs, si l’on veut se faire une idée de ce qu’est vraiment  Destinty aujourd’hui, « Reflect the deceit est très représentatif. Il comporte les différents éléments de notre musique ». Une musique au fond aussi variée que cette pochette qui l’illustre entre silhouette crayonnée et fond plus abouti, ombre et lumière, précision et simplicité. Il en ressort une forme de « mélancolie qui évoque le titre Shadows« . Avec une énergie retrouvée, le groupe est de retour « pour de bon, pour rester et pour le faire à fond » avec des concerts déjà prévus (Rock n Eat à Lyon le 15 octobre, suivi le 19 novembre du Lezardos festival de Saint Dizier et d’autres moins certaines à confirmer en 2022). Destinity revient en force avec In continuum qui est une très belle promesse d’avenir, un avenir à attraper à bras le corps afin de conquérir un large public.

PAT O’MAY: Welcome to a new world

France, Hard rock (ArtDisto, 2021)

Il est sympa ce Pat O’May. Toujours prêt à nous surprendre avec ses envolées guitarisiques, ses envies de renouveau (on ne compte pas ses projets et activités annexes) et, ici un look euh… je préfère le costard cravate à la Men In Black à dire vrai. Mais, bref, on s’en fout de comment il s’habille, non? Musicalement, de nouveau accompagné du bassiste Christophe Babin et du batteur John Helfy, ce Welcome to a new world – qui arrive en plein « grand reset » covidien (provocation quand tu me tiens…) nous conte l’histoire de cette entité nommée No Face. Un concept album de 12 morceaux qui explorent les bases celtiques du guitariste breton moins que le heavy rock mélodique – toujours mélodique – et groovy. Aucun instrument ne prédomine, tous sont justement exploités pour offrir un résultat ici plus heavy, là aérien, là encore plus groovy. Pat O’May sait s’y prendre pour nous proposer un résultat à la fois léger et entrainant sans tomber dans le piège du « j’en fais trop ». Sans doute plus simple et direct que ses précédentes productions, on se laisse ici entrainer dans les espaces celtiques (I shall never surrender) ou plus ambiancés western teinté d’électro (Please tell me why). Le très groovy Anything I want, mené par la basse trépidante de Christophe Babin est imparable, tout simplement. Le groupe nous offre une variété d’univers et d’ambiances sas doute résumé par  In this town qui clôt cet album bourré de références, d’idées, d’envie et qui s’écoute avec une déconcertante facilité. Efficacité plutôt que démonstration, cet album très coloré Matrix appelle une suite plus rapide.