MUHURTA: Tamas

France, Prog indien (M&O, 2024)

Etrange album que ce Tamas, œuvre signée des Parisiens de Muhurta. L’originalité du projet réside dans l’utilisation d’un instrument peu commun dans l’univers du metal. Le groupe parie en effet sur l’omniprésence du sitar indien pour apporter une tonalité nouvelle au genre. Alors, soyons clairs: je n’ai jamais été amateur de cet instrument ni de musique indienne… Les ambiances nous font cependant voyager. Partout, de la pochette à l’utilisation de cet instrument typique en passant par les ambiances musicales dépaysantes, le groupe cherche à entrainer l’auditeur en d’autres terres. Et là, clairement, sur Les chemins de Katmandou*, on s’arrête, on est accueilli et on s’installe ensemble dans des pièces où ce ne sont pas que des bâtons d’encens qu’on allume… Les ambiances folks proposées par Muhurta, qui évoquent parfois Pink Floyd, à d’autres moments Gojira, sont cependant cassées par des riffs de guitare puissants, un chant torturé et des rythmiques explosives. Quelques blast, quelques hurlements – on peut regretter le manque de finesse du chant – évoque le death ou le thrash le plus rugueux. Mais voilà, tout comme le roman (*) de Barjavel mentionné plus haut (celui qui m’a le moins plu de son œuvre que j’ai pourtant dévorée), je ne parviens pas à plonger dans cet univers sonore qui ne me parle pas. D’autres y trouveront toutefois de quoi se réjouir car, oui, avec Tamas, Muhurta fait incontestablement preuve d’originalité et se démarque du reste de la scène nationale.

TARAH WHO?: The last chase

France/USA, Heavy rock (M&O, 2024)

Après nous avoir présenté son nouveau groupe et, ensemble, parlé de son nouvel album lors du dernier Hellfest (cf. interview avec ce lien), penchons nous sur ce nouvel album de Tarah Who?, The last chase. Au travers de 10 titres (plus une intro nommée… Intro), la jeune femme livre sans détours ses aspirations Rock au sens le plus large. Tarah Carpenter nous avait montré une large palette musicale avec The collaboration project, et réitère aujourd’hui son propos tout en évoluant. Avec un nouveau logo à la Kiss, le message peut sembler évident: on va écouter du rock, heavy et entrainant. Certes, mais Tarah Who? va au-delà et, sans jamais tourner le dos à ses sources d’inspirations, sait varier ses plaisir en piochant tant du côté du rock groovy que du grunge plus énervé. Avec toutefois une ligne directrice: celle de mélodies entrainantes, presque dansantes, sans jamais tomber dans une sorte d’outrance gratuite et sans relief. Si, comme le dit la majeure partie des musiciens, Safe zone est une parfaite introduction à l’univers musical du groupe, les autres titres montrent l’ensemble des facettes d’un groupe au potentiel certain. Une formation qui mérite aujourd’hui plus que de simples premières parties. A ce titre, The last chase est un nom bien mal choisi tant on a envie de croire au départ d’une course de fond…

LOFOFORA: Coeur de cible

France, Rock énervé (At(o)me, 2024)

En ces temps troublés, l’arrivée d’un nouvel album de Lofofora est tout sauf une surprise. Notre monde offre un terrain idéal de thèmes d’inspirations autant littéraires pour le toujours très engagé chanteur Reuno et musicales pour Daniel Descieux (qui nous tricote des riffs bien plus fins que la brutalité du propos ne pourrait le laisser penser) ainsi que Phil Curty et Vincent Hernault qui, à la basse et à la batterie, nous concoctent des rythmiques aussi rentre-dedans et directes qu’entrainantes. Avec sa pochette rouge sang (frais, le sang… une pochette dont on avait eu un aperçu lors du dernier Hellfest) et son cœur percé de ces inventions de violence humaines, Coeur de cible nous entraine, au travers de 11 nouveautés en ces terres de fusion lofoforiennes énergiques et engagées, voire enragées. Si on a naturellement l’impression de naviguer en terrain bien connu, Lofo nous laisse parfois croire à des reprises retravailler de ses propres titres. Les paroles de Konstat 2024 (avec un K comme Kalash?), par exemple, m’évoquent par instants Les choses qui nous dérangent. Logique, me direz-vous, car comme évoqué plus haut, les temps se prêtent à ce type de réflexion depuis tellement longtemps que l’on ne peut que faire un constat qui se répète, à l’envi. Comme à son habitude, le groupe puise dans différents styles qu’il mélange et malaxe pour en faire sa propre mixture sur laquelle Reuno vient cracher sa colère. Avec le temps on aurait pu penser que Lofo perde en colère, mais non, bien au contraire. Engagé un jour, engagé toujours, c’est ce qui colle le mieux au Lofofora 2024. Coeur de cible est une réussite de bout en bout, rien moins.

KAMI NO IKARI: See you in hell

France, Deathcore (Dark Tunes, 2024)

Brutal de chez brutal, ce See you in hell, premier méfait des Français bien nommés de Kami No Ikari. « Bien nommés » parce que le nom du groupe signifie La colère des dieux. Et ils la traduisent avec force rage, cri et hargne. Clairement, le deathcore, qu’il soit mélodique ou direct, n’est pas du tout mon style de metal… Si je ne trouve aucun intérêt à cette brutalité malsaine et gratuite (ce que je préfère reste la pochette et son pendant intérieur que je trouve superbes), en tendant un peu l’oreille, on découvre une forme de volonté mélodique dans certains arrangements. Si le groupe formé à Paris en 2021 et déjà auteur l’année suivante d’un premier Ep (Hakai) se dit influencé par des formations comme Shadow Of Intent ou Fit For An Autopsy, le look et l’inspiration nippones ne peuvent qu’évoquer leurs compatriotes de Rise Of The Northstar mais, musicalement, dans un style beaucoup plus brutal. Pour cet album, le hurleur Amarino Barros et ses comparses (les guitaristes Rodolphe Brouat et Silvère Escandre, le bassiste Brice Baillache et le batteur Yohan Dieu) font appel aux conseil de Francesco Ferrini de Fleshgod Apocalypse, autre influence évoquée ainsi qu’à HK Krauss qui tient les manettes du studio. Si la rage est de mise tout au long de ces dix titres, on trouve ci-et-là une certaine forme d’apaisement, quelques moments d’accalmie au milieu de ce typhon sonore. On nous demande quel côté de la porte nous choisirions? Personnellement, ce sera la sortie, mais, encore une fois, je ne suis pas amateur de deathcore. Les connaisseurs et amateurs, eux, entreront sans nul doute par la grande porte.

INADREAM: Strange words

Allemagne, Rock alternatif/Post new wave (Echozone, 2024

Avec une pochette qui évoque – « pompée sur » serait plus proche – un certain London calling de The Clash, on pourrait penser que les Allemands de Inadream propose un punk direct et engagé inspiré du groupe de Mick Jones et Joe Strummer. Formé en 2016, Inadream publie No songs for lovers, son premier album, en 2019 avant de revenir aujourd’hui avec Strange words. Bien que les guitares soient présentes, on est clairement loin du metal. Inadream nous offre 10 titres plus généralement inspirés par la new wave de Joy Division (dont le groupe reprend d’ailleurs Dead souls) ou The Cure tout en apportant sa touche personnelle. Composé du chanteur et guitariste Frank Bottke, des frères Wülner (Thorsten à la guitare et Dennis à la basse) et du batteur Achim Bockermann, Inadream nous replonge dans une époque sonore qu’on aurait pensée révolue, mais non… Les clins d’œil – et vocaux – à la mélancolie de Robert Smith (chanteur de The Cure) ou à l’optimisme réaliste de The Eurythmics sont partout présent faisant de cet album un moment hors du temps et, somme toute, attrayant. Alors, non, les amateurs de metal pur passeront leur chemin, mais ceux plus ouverts et nostalgiques trouveront du plaisir à écouter ces mots étranges sortis d’un rêve.

TWO TRAINS LEFT: Probably for nothing

France, Post punk (Autoproduction, 2024)

Elle est toujours bien présente, l’influence du punk US festif des années 90/2000! Normal, me direz-vous, les musiciens actuels ayant souvent été nourris par les Blink-182 ou autres Foo Fighters, sans doute bien plus que The Offspring. Quoique… Two Trains Left fait partie de ceux-là et se réapproprie le genre. Formé à Paris en 2016 par Dimitri Benhamou (chant et guitare) et Tom Bessah (basse), Two Trains Left (2TL pour les intimes) est complété par le guitariste Julien Debruyne et le batteur J-B Paon et publie en 2018 Sorry & pathetic, un premier Ep qui leur permet de tourner avec rien moins que Anti-Flag. Mais la crise sanitaire arrive avec son lot de freins et de frustration. Pourtant, 2TL parvient à maintenir la tête hors de l’eau en publiant quelques singles avant de revenir aujourd’hui avec ce premier album, Probably for nothing (bonjour l’optimisme du titre!) qui nous replonge dans ce rock festif des années 90. Retour direct sur nos canapés à écouter le générique de Beverly Hills ou de Friends! Les titres rock côtoient des morceaux plus tendres dans un ensemble entrainant et réussi. Le chant anglais est parfaitement maitrisé ouvrant ainsi des possibilités à l’international – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Huey Lewis himself a posté sur ses réseaux leur version de Stuck with you, titre de HL and The News paru sur Fore! en 1986. S’il manque encore un peu de maturité, et d’identité sonore propre à 2TL, Probably for nothing porte sans aucun doute mal son nom tant il y a d’envie et de soleil tout au long de ces 12 titres (dont une reprise de Chunk! No Captain Chunk) alors n’hésitez pas à les découvrir.

BLACKBERRY SMOKE live à Paris – l’Olympia, le 28 septembre 2024 (avec Bones Owens)

Mine de rien, depuis quelques années, Blackberry Smoke développe une véritable histoire d’amour avec Paris. A une exception près, à chacun de leurs passages, les Américains investissent – et remplissent – une salle plus grande: Nouveau Casino, Alhambra, Trabendo, Maroquinerie, Cabaret Savage, Bataclan et aujourd’hui l’Olympia… Tout ça en dix ans à peine. On ne peut qu’admirer cette ascension qui, si elle n’est pas fulgurante, stabilise le BS dans le paysage musical des Français amateurs de rock.

Bones Owens, Paris, Olympia, le 28 septembre 2024

Ce soir, contrairement à ce qu’annonce l’affiche, c’est Bones Owens qui a, en lieu et place de The Steel Woods, la charge d’ouvrir et de chauffer la salle. Pendant 45′, le trio propose un rock teinté de cette chaleur sudiste, à la fois rassurante et moite. Il n’y a guère de fioriture ici, et le public dont une grande partie semblé découvrir Bones Owens, le fait savoir en clamant sa satisfaction.

Bones Owens @Paris,L’Olympia

Avec son look improbable, le chanteur guitariste, sorte d’anguille dandy dégingandée, semble concentré mais parvient rapidement à séduire la foule en développant un réel capital sympathie. La communication est aisée, le gaillard clamant sa satisfaction de jouer dans une salle salle aussi mythique que cet Olympia qui a vu tant de grands passer.

Bones Owens @Paris,L’Olympia

Sous ses faux airs de rock sudiste, Bones Owens propose un rock également teinté de country, de blue grass et sonne même parfois comme un Rival Sons en version plus roots. Le résultat est simplement vivant et entrainant comme on aime.

Bones Owens @Paris,L’Olympia
Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

C’est à 21h15 que la salle est de nouveau plongée dans le noir. Heureusement, car la foule s’impatiente depuis un bon quart d’heure. Blackberry Smoke investit donc cette scène déjà tout à sa cause acquise, Charlie Starr arrivant en dernier dans une veste verte à fleurs d’un goût que certains pourraient qualifier de… oui, « douteux ». Ses sourires semblent indiquer qu’il le sait et n’en a cure lorsque le groupe attaque Workin’ for a workin’ man. Et le plancher de l’Olympia se transforme une nouvelle fois en trampoline tant le public saute.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Si Starr est sautillant et de très bonne humeur, hormis Paul Jackson également très heureux d’être là, les autres musiciens du groupe semblent rester cantonnés dans leur espace, ne bougeant que peu. C’est d’autant plus dommage que ce sera le cas tout au long du concert. Mais là encore le dicton résume très bien les choses: let the music do the talking. Et la force des Georgiens est de ne jamais proposer deux fois d’affilée la même setlist.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Le set de ce soir est principalement axé autour du dernier album, Be right here et de l’autre incontournable, The Whippoorwill, chacun se voyant représenté par 5 titres. Etonnamment, avec un seul extrait, You hear Georgia, le précédent album, est presque relégué aux oubliettes…

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Pendant que le public se dandine au fil des titres, on admire le gigantesque backdrop – un superbe paillon qui évoque Le silence des agneaux – dont les couleurs varient au gré des éclairages. Charlie Starr a tombé la veste depuis longtemps et s’adresse régulièrement au public, évoquant souvenirs et anecdotes.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Les classiques défilent à belle allure, et même si on peu regretter certaines absences jouer sur d’autres concerts (comme Six ways til sunday) on ne peut que vibrer à l’écoute des Pretty little lie, Rock n roll again, Let it burn ou autre One horse town tout autant qu’applaudir la venue de Spencer Jackson sur le dernier rappel (Pearls) avant que le groupe ne quitte définitivement la scène sur le traditionnel Ain’t much left of me.

Blackberry Smoke @Paris,L’Olympia

Ce soir, c’est un public ravi qui quitte l’Olympia, et, même si on peut regretter le manque de dynamisme des musiciens, oui, la musique a parlé. Un grand concert qui vient réchauffer l’atmosphère.

Merci à AEG Presents France d’avoir rendu ce live report possible.

SEX SHOP MUSHROOMS: God doesnt exist

France, Grunge (Autoproduction, 2024)

Grunge’s not dead! Nirvana non plus! Enfin, pas dans l’esprit des Français de Sex Shop Mushrooms qui, avec leur premier album, God doesnt exist, cherchent sans jamais s’en cacher, à faire revivre cet esprit de révolte rock’n’roll que les trois de Seattle avaient insufflé. Oui, c’est toute une génération, et plus, qui fut marquée à vie par Cobain et consorts. Même la photo du livret évoque un concert de Nirvana! Mais non, c’est bien un quatuor de trublions parigots qui nous sert cet album sans fioriture, direct et dans ta face. C’est en 2022 que Timothée Leporini (chant / guitare), Giulia Vinciguerra (batterie), Victor Cresseaux (Guitare) et Cyprien Ortuno (basse) décident de former Sex Shop Mushrooms et rendent ainsi un véritable hommage à Nirvana. Car, oui, il s’agit clairement plus d’hommage que de plagiat même si le chant torturé, les titres titres simples et directs, les guitares saturées sont toujours plus qu’inspirés des grand frères. Aucun des onze titres de ce premier album ne peut laisser indifférent, et l’on se surprend à replonger dans ces années irrévérencieuses à souhaits. On imagine aisément que peu de scènes puissent résister à ces quatre là tant ça déboite sévère!

MY OWN PRIVATE ALASKA: All the lights on

France, Metal (Autoproduction, 2024)

Etrange sinon bizarre. Interpellant et intriguant aussi. A l’écoute de All the lights on, leur second album, il est impossible de faire entrer les Français de My Own Private Alaska dans une case, de leur coller une étiquette. Metal? Certes, extrême en plus, dans le chant plus qu’ailleurs. Progressif? Oui aussi, les compositions à tiroirs et les étonnement se trouvant un peu partout. Jazz? Certaines structures l’évoquent également. Pop? Oui, encore, certaines mélodies se faisant volontairement quelque peu acidulées. Bref, Cet album est riche et inventif. Pas facile d’accès, il a avant tout le mérite d’éveiller la curiosité et d’interpeller. On aime ou pas, mais on ne peut certainement pas rester indifférent. L’introduction dans le groupe d’un clavier change certainement les couleurs musicales du groupe d’origine, l’enrichissent pour le meilleur. Les plus curieux et ouverts d’esprit prendront le temps nécessaire pour intégrer et digérer tous les éléments de ce disque à la fois dense et léger. Sans doute une des surprise de cette fin d’année.

LOCO MUERTE: Parano booster

France, Hardcore (M&O, 2024)

Los Locos, Los Chicanos du 91, ou un truc comme ça…, reviennent avec Parano booster qui… booste et ravage tout sur son passage. Démarrant sous de faux airs de douce chanson latino, B91 dévie rapidement vers du hardcore sans concession. Si l’énergie est de mise chez Loco Muerte – un peu d’irrévérence et beaucoup de 36ème degré aussi, tant mieux – les Franciliens savent parfaitement varier les plaisirs. Ainsi, si le hardcore enragé et direct est de mise, le morceau titre s’approche du thrash old school tandis que Demonios se fait plus foncièrement heavy. Trois mamelles que le groupe exploite avec bonheur et envie sur cet album qui transpire de sincérité, d’envie et de fun latino (tout est chanté en espagnol). L’album tout entier speed et charcute (Pura violencia est explicite) et si les Loco changent de tempo, ils semblent ne jamais vouloir mettre le pied sur le frein. On transpire et on gueule de plaisir tout au long de cet album d’une remarquable et brutale festivité. Ils sont de retour et c’est pour mieux nous démonter les cervicales!