EMIGRATE: The persistence of memory

Allemagne, Rock (Sony music, 2021)

Il y a 3 ans, en 2018, Richard Z. Krupse nous avait épaté avec A million degrees, l’album précédent de Emigrate, son projet hors Rammstein. La force  de cette formation est de ne pas proposer une répétition de ce son groupe principal mais bien une musique travaillée pour séduire un vaste public, amateur de rock et de pop, avec des mélodies léchées et passe partout, sans pour autant être sirupeuses ou faciles. The persistence of memory à la pochette aussi sombre que la précédente était brillante propose 9 chansons accrocheuses et efficaces dont une reprise – Always on my mind – chantée avec son complice de Rammstein Till Lindeman – aisément reconnaissable sur le refrain mais bien moi sur le reste. Une version originale qui s’intègre parfaitement aux Rage, Hypothetical, You can’t run away ou autre Freeze my mind. 9 chansons, 9 ambiances et 9 moments de plaisir auditif. Si la période actuelle n’a pas souri à Krupse et l’a plutôt même déprimé, il a su relever la tête et trouver l’inspiration pour composer ces nouvelles chansons et nous proposer un album enjoué pour nous accompagner tout au long des mois qui viennent.

KROKUS: Adios amigos – Live @ Wacken

Hard rock, Suisse (Sony, 2021)

Wacken, 2019, Faster stage. Une des dernières dates de la tournée d’adieux des Suisses de Krokus dont le premier méfait remonte à la fin des années 70. Si le groupe s’est fait remarquer dès 1978, les similitudes avec un certain AC/DC ne lui ont pas toujours été favorables. D’ailleurs, Krokus a continué sa carrière en se concentrant sur les marchés accueillants, comme les USA, se faisant rare en nos contrées. Pourtant, en choisissant d’introduire son concert avec le plus que heavy et speed Head hunter, on se souvient que la formation de Marc Storace et Chris Von Rorh va bien plus loin qu’une simple comparaison avec le gang des frères Young, on imaginerait même volontiers le titre joué par Accept! En cet après midi ensoleillé, les six membres originaux du groupe se donnent à fond une bonne heure durant, alignant ses classiques (Long stick goes boom, American woman, Hoodoo woman…) dans une variété que le public apprécie visiblement. Winning man, Chris Von Rorh l’annonce, est dédié à Lemmy. Les effets sont peu nombreux – étonnamment, pas de pyrotechnie sur Fire, sans doute est-ce dû à un vent défavorable qui pousse les flammes vers les musiciens sur Long stick… Le groupe se suffit à lui même même si les musiciens restent sobres, exception faite de Mandy Meyer, sans doute le plus poseur et enjoué des guitaristes. Le son et l’image sont impeccables – seuls quelques effets vieillissants ont été intégrés ci et là – et l’on pourra simplement regretter qu’avec une aussi riche discographie, Krokus ait fait le choix de deux reprises (le classique parmi les classiques Rockin’ in the free world de Neil Young et le moins connu The great Quinn de Bob Dylan qui vient mettre un terme au concert). Ce live – Adios amigos – Live @ Wacken est proposé en double version CD et DVD – propose un groupe en pleine forme qui prend sa retraite… La puissance de l’ensemble laisse regretter de ne les avoir jamais vus live et fait exploser ce manque de plus en plus important des concerts… Vivement, oui, vivement que la vie d’avant reprenne un cours normal.

BRING ME THE HORIZON: Post human: survival horror

Angleterre, Metal (Sony music, 2020)

Violent, brutal, électro sont trois termes qui reviennent tout au long de ce Post Human: survival horror, nouvel album des Anglais de Bring Me The Horizon qui avaient réussi à surprendre avec son précédent opus, Amo (2019). Ca castagne dès Dear diary, qui démarre avec des hurlement explicite: la rage est là, la nécessité de se défouler aussi. Le groupe mélange tout au long des 9 morceaux metalcore rageur, rythmes électro et phrasé autant metal que rap, un mariage réussi. Teardrops, puissant, entraîne l’auditeur au cœur de mélodies efficaces et variées. C’est d’ailleurs une des forces de ce nouvel album: mélanger les influences au sein de ses morceaux, ne jamais aller à l’évidence, casser le rythme et les codes. Oliver Sykes fait des merveilles vocales, passant de hurlements de souffrance à un timbre fluet, alternant colère et puissance. Obey, deux syllabes qui sonnent comme un ordre, nous invite dans un univers violemment électro. Invitée à clore ce nouveau méfait, Amy Lee (Evancence) vient poser son chant sur One day the only butterflies left will be in your chest as you march towards your death pour un duo tout aussi puissant et efficace. Cet album sonne comme une alerte post apocalyptique et cependant parvient à tracer de nouvelles voies musicales. Un savant mélange de sonorités familières et futuristes. Brutal et efficace en diable, on n’attend qu la scène…

WARDRUNA: Kvitravn

Norvège, Folk (Sony music 2020)

Cinquième album de Wardruna, projet folk de Einar Selvik et de Lindy-Fay Hella, Kvitravn nous emporte de nouveau dans un univers à la fois sombre et lumineux. Navigant sur une vaste étendue d’eau, les 11 titres évoquent tour à tour mélancolie, joie, tristesse et bien-être. Utilisant des instruments traditionnels ou créés pour l’occasion, chacun des morceaux, chanté à deux voix, développe son propre univers sonore tout en conservant ce trait d’union qui évoque le folklore de peuples tribaux. « Peuples » au pluriel, oui, car si l’esprit nordique des vikings traversant les océans sur leurs drakkars est omni présent, certains passages évoquent également les indiens d’Amérique dansant autour d’un feu en évoquant leurs dieux ou encore les cérémoniaux avec mère nature telles qu’imaginées (pas tant que ça) par Cameron dans son film écolo Avatar. Des univers finalement pas si éloignés quand on y pense… Avec, en fil conducteur, repère de tout un chacun, ce corbeau tour à tour lumineux et sombre.  Enregistré sur une longue période, entre 2009 et 2020, Kvitravn, présenté en fin d’année par un Einar perturbé par le fait « étrange de jouer pour des personnes sans visage », s’écoute d’une traite, sans lassitude. Le mariage des voix d’Einar et de Lindy-Fay fait à nouveau des merveilles, entre profondeur et légèreté. Le ton, grave et solennelle, est en parfaite harmonie avec Gaïa, mère nature, le chant mixte est tout à la fois relaxant et apaisant. Un feu de camp, du calme et de la méditation, c’est un bon remède par les temps qui courent.

BRING ME THE HORIZON: Amo

Rock electro, Royaume-uni (Sony music, 2019)

Totalement planant, I apologize if you feel something  (« Ce n’est rien, Pierre… Je n’ai rien senti », une référence du groupe?) introduit ce nouvel album des Anglais de Bring Me The Horizon. Si le groupe a toujours évolué, le son proposé aujourd’hui sur Amo est à des années lumières de ses débuts, brutaux et deathcore. Certains fans vont être surpris. C’est chantant, entraînant et très mélodique. Heureusement, les racines ne disparaissent pas entièrement, et BMTH nous réserve quelques surprises, comme ce Heavy metal auquel participe Rahze pour une jolie séance de beatbox sur un titre à l’opposé du metal. Surprises, étonnement, BMTH assume totalement ce virage electro, voire dance, ce qui pourrait  rebuter certains de ses admirateurs. Ça va même jusqu’à cette pochette de CD pleine de cœurs et au livret tronqué. Mais les plus ouverts d’esprits sauront reconnaître la prise de risques des Anglais, ce qui, en soi, marque une réelle volonté de ne jamais se répéter.

AMON AMARTH: The pursuit of vikings

Death mélodique, Suède (Sony music/Metal Blade records, 2018)

25 ans! Voici un quart de siècle que sévissent les vikings de Amon Amarth. Et ça, les amis, ça se fête. Les Suédois nous offrent pour l’occasion The pursuit of vikings, un superbe Blu Ray et CD bourré de son et d’images. Le CD retrace le concert que le groupe a donné au Summer Breeze festival le 17 août 2017 (sur la mainstage, comme précisé un peu partout). 15 titres puissants, parfaitement exécutés et produits. Bien sûr, le dernier album studio, Jomsviking, est mis en avant avec pas moins de 5 titres, le reste de la discographie étant également bien représenté. Cependant, malgré toutes les indéniables qualités du CD, c’est surtout le BluRay qui vaut le détour: Amon Amarth, via chacun de ses membres, se dévoile et raconte l’histoire du groupe dont on découvre nombre de détails. On retiendra ainsi l’épisode du tape trading des débuts, époque à laquelle « quand tu écrivais une lettre, tu y mettais toute ton énergie », ou celui de ces premiers concerts foirés car les jeunes musiciens étaient trop bourrés pour arriver à la salle. Electrochoc et première leçon de professionnalisme…  Les nombreux témoignages apportent également un autre éclairage; on retrouve Brian Slagel ou Peter Tägtgren parmi d’autres moins connus. Les images d’époques rappellent à quel point ce groupe de death metal, brutal et extrême, a su évoluer vers un heavy metal racé et puissant tout en restant fidèle à ses aspirations originelles.  Le reportage nous permet aussi de rentrer dans l’intimité des musiciens: des témoignages sur les début du groupe aux premiers jobs, en passant par les apparts dans des tours, rien ne semble caché ou oublié. Certainement pas le travail et l’application que met chacun afin de faire grandir Amon. Travail dont le résultat se retrouve sur scène, et le Summer Breeze en est un superbe témoignage. Le groupe y met tout son cœur, la setlist aussi puissante que la pyro est efficace. Les image et le son sont irréprochable. En un mot comme en cent, ce live est un superbe produit qui devrait faire des heureux à Noël. C’est bientôt, alors…

AVATAR: Avatar country

Heavy metal, Suède (Sony music, 2018)

Depuis quelques albums, Avatar réussit à se diversifier, ne pas se répéter ou tomber dans le piège de la formule. Et si le groupe sait se faire remarquer pour ses prestations scéniques hautes en couleurs, prestations fédératrices s’il en est, il lui reste à franchir le cap de la réalisation de l’album qui fera craquer le grand public. Avatar country pourrait bien être celui-là, plus joyeux qu’un Feathers and flesh sombre. Construit autour de l’histoire d’un roi – chaque chanson et instrumental contient le mot « king » – l’album explore divers horizons, très mélodiques ou plus brutaux. Le chant de Johannes Eckerstöm est plus varié que jamais et le gaillard excelle dans les vocaux  clairs autant que cette rage qui anime sa folie. Les guitares de Jonas « Kungen » – qui tient ici le rôle du roi (cf interview) – et de Tim Öhrström illuminent l’ensemble des chansons, également très variées. Du très heavy metal Legend of the king – véritable introduction après le chant glorificateur Glory to our king – au final instrumental  (les deux parties de Silent songs of the king), en passant par le folklorique The king welcomes you ou le délirant The kings speaks, tout est éblouissant, entraînant, voire fascinant. Même s’il est très « culte de la personnalité », c’est avant tout un disque d’autodérision et de critique acerbe du pouvoir en place. Avatar frappe fort et Avatar country me donne ma première grosse claque de l’année.

SCORPIONS: Born to touch your feelings

Rock, Allemagne (RCA/Sony music, 2017)

Scorpions sans ballades ne serait pas Scorpions. Alors quoi de mieux que de célébrer l’arrivée de Mikkey Dee à la batterie que de proposer une nouvelle compilation de ballades? Un peu contrasté, non? Voire contradictoire, pour l’ex bucheron de Motörhead! Ce Born to touch your feelings présente la particularité de proposer des morceaux remasterisés (principalement en 2015) ou présentés dans des versions plus récentes. Bien sûr figurent au tracklisting les indispensables que sont Always somewhere, Holiday, Lady starlight, When the smoke is going down, Wind of change ou Still loving you. Ce disque est cependant l’occasion de (re)découvrir d’autres morceaux comme Follow your ehart, Melrose avenue, The best is yet to come… 17 titres, 17 ballades variées et souvent enchanteresses. Seulement, 17 ballades, c’est long pour l’amateur de rock. Ok… ce n’est sans doute pas la cible commerciale, le public visé étant plus celui qui ne connait Scorpions que via, pour, ses ballades. Le produit final est toutefois réussi, et présente l’énorme avantage, en soirée, de ne pas chercher des heures durant une jolie ballade pour un moment de douceur. Un beau produit, une belle compilation, pas du tout représentative de ce qu’est Scorpions. Mais ça sent quand même le futur album… Plus rock, sans aucun doute! En attendant, si vous n’avez pas encore trouvé comment faire plasir à votre douce, il est encore temps!

HIGHLY SUSPECT: The boy who died wolf

highly suspect 2017USA, Hard rock (Columbia/Sony music, 2017)

Formé en 2009 à Cape Cod, aux USA, Highly Suspect a déjà publié The worst human, un Ep, en 2012, ainsi qu’un album, Black Ocean, l’année suivante, suivi de Mister Asylum il y a à peine plus d’un an. Fin 2016, The boy who died wolf parait aux USA avant de franchir l’Atlantique pour arriver en Europe en ce mois de février. Avant de passer à quelques commentaires, je me pose la question suivante: quel est le lien entre le titre de ce nouvel opus – « le garçon qui mourut loup » et l’illustration de couverture nous montrant deux garçons dans ce qui ressemble à une grotte en train de regarder une nébuleuse étrangement proche? Si le contenu musical est à l’identique, alors c’est prometteur. Dès le départ, il semble clair que Highly Suspect puise son inspiration dans la vague grunge autant que dans le bon gros rock US. Résultat: en mélangeant ses influences – parfaitement assimilées, telles que Red Hot Chili Peppers ou Queens Of The Stone Age – le trio parvient à créer un format musical efficace, varié et qui, sans doute possible, devrait trouver son chemin dur les ondes. Les expériences discographiques et scéniques (plus de 700 concerts, disent-ils) permettent aujourd’hui au groupe de s’affirmer sur ce terrain avec force et maturité. Voici un album qui s’écoute avec plaisir et facilité.

Note: 8/10

DIZZY MIZZ LIZZY: Forward in reverse

dizzy-mizz-lizzy-2016Hard Rock, Danemark (Sony/Columbia, 2016)

En nommant son troisième album « avancer en marche arrière » (ou « avancer en reculant », au choix), les Danois de Dizzy Mizz Lizzy nous facilitent le classement: ce disque terminera entre les BO de C’était demain et des trois volets de Retour vers le futur! Trève de plaisanterie (ou des confiseurs, c’est l’époque qui le veut), ce disque est la dernière grosse surprise de l’année 2016. Avant tout, on pourrait même le considérer comme le premier album du trio, qui s’est absenté pendant deux décennies (son précédent album remonte en effet à 1996!). Ou comme le second premier album, mais certainement pas comme un véritable troisième, habituellement considéré comme un tournant décisif dans une carrière musicale. Voilà, c’est écrit… Grandement inspiré du hard rock dit classique – celui des années 70, de Thin Lizzy à Deep Purple, de Led Zeppelin à Steppenwolf, le hard FM US des 80’s, mais aussi une certaine vague grunge 90’s – le trio composé du chanteur guitariste Tim Christenssen (et âme pensante de la formation puisque crédité comme unique auteur des chansons), du bassiste Martin Nielsen et du batteur Soren Friis surprend dès l’intro de ce disque. Phlying pharao est un instrumental qui dit tout de l’esprit du groupe: de belles mélodies, des riffs efficaces, une puissance envoûtante, des tonalités orientales et une production d’époque mais pas datée… Le morceau titre qui suit est entraînant, efficace, et l’on (re)découvre un chanteur à la voix douce et des lignes vocales presque pop qui s’approchent de l’esprit américain du hard FM. un son qui donne simplement envie, à l’amateur du genre, d’aller au bout. Terrified in paradise, Brainless (très nombreux sont-ils, ceux qui peuvent se sentir visés!), la ballade Something so familiar (tu m’étonnes: je ne connais que cet air sans parvenir à remettre un nom dessus!)… Douze titres qui chacun expliquent pourquoi Columbia/Sony music (qui s’occupe, entre autres, d’AC/DC…) parie sur Dizzy Mizz Lizzy, dont on ne pourra seulement que reprocher certaines mélodies trop évidemment piochées ailleurs. Les 70’s sont en vogue – question de génération? – et le trio en est un digne représentant. Si certains airs sont familiers, seule faiblesse de ce disque, l’ensemble est si agréable et vrai qu’on se laisse emporter. Pas de prises de tête, ce disque d’apparence simple, est fait pour animer les soirées entre potes.

Note: 8/10