SOEN: Imperial

Suède, Progressif (Silver Lining, 2020)

Le duo fondateur et pilier de Soen, Joel Ekelöf (chant) et Martin Lopez (batterie) a une nouvelle fois pu compter sur la participation du guitariste Cody Ford, déjà présent sur Lotus en 2019. Ce dernier voyait les Suédois (bon, la formation est aujourd’hui plus internationale que proprement suédoise…) faire un grand pas en avant. Lykaia (2017) avait déjà fait une quasi unanimité au sein de la communauté metal, et Lotus avançait encore plus vers la perfection, offrant des guitares plus rudes sur un fond tout aussi aérien. Ce chemin est tout aussi notable sur Imperial, nouvel album qui porte plus que bien son nom: Cody, désormais bien intégré, apporte un son plus rugueux encore, contrebalancé par la légèreté apparente des mélodies et la voix douce et envoûtante de Joel. Au travers de ces 8 titres, qui mêlent rage et douceur, tempête et accalmie, Soen démontre une nouvelle fois que puissance peut rimer avec excellence. Si l’univers progressif est incontestable, Soen a désormais son propre univers musical, très loin des cadors du genre dont il se détache avec brio. Et puis cette pochette est elle un signe? Imperial, avec sa pochette noire, sa signature vernie et son serpent, pourrait-il devenir à Soen ce qu’un certain Black album fut à vous savez-qui ? C’est en tout cas tout ce qu’on peut lui souhaiter tant Soen s’approche de la perfection. Si seulement ce pouvait être aussi simple…

Interview: SOEN

Interview Soen : entretien avec Joel Ekelöf (chant). Propos recueillis par Skype, le 11 décembre 2020

SOEN by Ola Lewitschnik

 

Metal-Eyes : Que s’est-il passé pour Soen depuis que nous nous sommes vus la dernière fois, il y a 2 ans ?

Joel : On a beaucoup travaillé, sur cet album principalement. Nous avons également pu tourner un peu, donner quelques concerts jusqu’à l’apparition de cette pandémie…

 

Metal-Eyes : Quel regard portes-tu, deux ans après, à Lotus, votre précédent album ?

Joel : Je crois que c’est le premier album qui a commencé à vraiment soner comme nous le voulions. Comme si les éléments d’un puzzle se mettaient en place. Il répondait vraiment à notre vision, à ce que nous voulions qu’il soit. C’est une belle intro pour cet album. Maintenant, on se rend compte qu’on tient quelque chose, et Imperial est un pas de plus en avant.

 

Metal-Eyes : Selon moi, la différence entre Lotus et Lykaia résidait dans le fait que, si votre musique restait très aérienne, les guitares étaient beaucoup plus agressives. Je trouve la même différence entre Imperial et Lotus : des guitares plus heavy, plus dures, plus rageuses, et ton chant reste très soft et aérien. Sachant qu’il s’agit du second album que vous enregistrez avec Cody Ford à la guitare, comment analyses-tu l’évolution de Soen entre ces deux albums ?

Joel : Il y a deux choses : nous sommes devenus plus agressives. Le passage entre Lykaia et Lotus nous a vu prendre une décision importante : nous sommes metal, profondément, ça fait partie de notre identité. Avant cela, tu sais, on a nos influences, nos envies, mais à cemoment, on a pris conscience que le metal est notre base. Ce qui expliques peut-être que tu perçoives les guitares comme étant plus heavy. Comment Cody a-t-il impacté le son ? C’est un guitariste très talentueux, très fin. Il a une signature sonore fantastique… Il peut jouer des choses très dures, heavy, mais aussi très mélodiques et belles. Un guitariste ne peut pas seulement être rapide, il doit apporter de l’âme à la musique, du feeling.

 

Metal-Eyes : Il y a cependant eu un changement de musicien pour ce nouvel album…

Joel : La basse, oui.

 

Metal-Eyes : Que s’est-il passé ?

Joel : La vie, c’est tout… Stefan a éprouvé le besoin de s’occuper plus de sa famille. Quand tu joues comme nous le faisons, il y a beaucoup de sacrifices à faire. Nous respectons totalement son choix. Dans ce groupe, chacun doit être investi à 100%, et c’est aussi ce que ressentait Stefan, et s’il ne pouvait pas se consacrer entièrement au groupe, il préférait céder sa place, ce qui est très courtois de sa part.

 

Metal-Eyes : Votre nouveau bassiste s’appelle Oleksii Kobel. D’où vient-il ?

Joel : Il vient d’Ukraine. Il est très sympa, mais nous ne l’avons pas encore rencontré ! C’est marrant… On a commencé à travailler avec lui via internet, et la pandémie est arrivée…

 

Metal-Eyes : Donc, vous ne pouviez pas le rencontrer…

Joel : Exact ! Je remercie la technologie qui fait que nous pouvons communiquer et échanger, et c’est un des membres du groupe maintenant, c’est sûr !

 

Metal-Eyes : Si je te comprends bien, la pandémie a eu un impact sur l’enregistrement de l’album ?

Joel : Inévitablement… Cette année, nous devions beaucoup tourner, en Amérique du sud, en festivals… Nous avons dû tout annuler. S’il y a eu du positif, c’est que nous avons pu nous concentrer sur l’album. Alors, oui, ça nous a affectés, mais nous avons pu concentrer tous nos efforts sur l’enregistrement.

 

Metal-Eyes : De quoi parles-tu dans cet album ? Il me semble que l’humanité et l’unité sont des thèmes centraux mais ce ne sont pas les seuls… Je pense entre autre à une chanson comme Modesty où tu dis : « Suivez-moi, suivez-nous car il n’y a personne d’autre pour nous aider » ou Dissident qui semble cacher le même type de message…

Joel : Hum… Tu sais, le monde change, il n’y a plus de juste milieu. Ce sont les extrêmes, la gauche contre la droite… Nous dépensons beaucoup d’énergie à nous discréditer les uns les autres. Chacun est, dans un sens, dans sa bulle, et c’est un problème, un grand problème. Ça donne aux dirigeants un moyen de tirer avantage de tous ces petits combats. Ce que nous devons faire, c’est nous unifier et concentrer la vraie énergie contre les vrais dangers, les vraies oppressions. C’est un sujet qui revient dans nos chansons, oui…

 

Metal-Eyes : Comment décrirais-tu la musique de Soen à quelqu’un qui ne connait pas le groupe ?

Joel : C’est toujours plus facile de laisser les autres le faire…

 

Metal-Eyes :  C’est pour ça que je te le demande…

Joel : Oui… Je te dirais que c’est du metal très bien arrangé (rires) ! « Bien arrangé » parce que nous sommes toujours un groupe progressif, nous accordons toujours beaucoup d’importance aux détails dans chacune de nos compositions. Nous ne sommes pas un groupe de jazz ou de hard rock, nous sommes un groupe de Metal. Dans une certaine mesure, ce style reste très décrié, les gens pense qu’il ne s’agit pas de musique, que ce n’est pas assez élégant… Tu peux être très intelligent et cultivé et apprécier le metal !

 

Metal-Eyes : Toi et moi le savons bien, et nous ne sommes pas les seuls… Nous savons que, avec le jazz et le classique, le metal est le style le plus varié du monde. Même s’il y a des codes, chacun peut casser ces codes pour explorer d’autres horizons… Quand bien même tu dis que vous êtes un groupe progressif, vous n’avez rien de commun avec Dream Theater…

Joel : Oui… Nous sommes sans doute plus proches des groupes avec une approche plus traditionnels, nous ne faisons pas partie de cette branche progressive à laquelle appartient un groupe comme, comme tu le dis, Dream Theater.

 

Metal-Eyes : Ce qui signifie que Soen a aussi sa propre identité…

Joel : Je l’espère en tout cas !

 

Metal-Eyes : Je le pense, sincèrement ! Si tu devais ne retenir qu’un titre de Imperial pour expliquer ce qu’est Soen aujourd’hui, laquelle choisirais-tu ?

Joel : Je choisirai Monarch, aujourd’hui…

 

Metal-Eyes : Pour quelle raison ? Le violon ?

Joel : Ah, ah… Peut-être… Il y a du metal, du violon, un message. Au final il y a tous les ingrédients qui représentent Soen, ce qui nous rend unique. Mais c’est vraiment parce que tu me demandes de ne choisir qu’un titre…

 

Metal-Eyes : C’est ma question « Le choix de Sophie ». Peut-être pas un choix aussi difficile, cependant…

Joel : Demain, je pourrais te donner une autre réponse…

 

Metal-Eyes : Vous aviez déjà un peu fait appel aux violons avant.

Joel : Oui, sur River, et d’autres morceaux. Une des raisons, c’est que nous travaillons avec Lars (Ahlund) qui s’occupe de nos arrangements. Il est multi talentueux. Je crois que son instrument de base est le saxophone, qu’il n’utiliserait jamais avec Soen, mais c’est un musicien fantastique ! Il n’y a rien de mieux que de travailler avec de vraies cordes.

 

Metal-Eyes : Et Cody ? Comme nous l’avons dit, il s’agit de son second album avec vous. S’est-il plus impliqué dans l’écriture, a-t-il fait plus de propositions ?

Joel : Oh, oui ! Tu grandis avec le projet. Il a apporté, sur Imperial, certains des meilleurs solos de notre carrière ! Il s’intègre vraiment de l’esprit du groupe.

 

Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise de Soen en 2021 ?

Joel : Oh… Quelque chose comme « reste vrai et fidèle à tes croyances ». On peut tirer avantage de toute situation…

 

Metal-Eyes : C’est un peu l’esprit de ce que tu m’avais dit il y a deux ans, c’est rassurant ! Vous avez déjà fait appel à des animaux, mais ce serpent… Va-t-il devenir un visuel important du groupe, votre totem ?

Joel : Je ne peux pas te répondre… On a déjà utilisé d’autres animaux – le rhinocéros, le loup…

 

Metal-Eyes : Simplement le serpent a commencé à apparaître à travers votre signature…

Joel : C’est exact, oui. Aujourd’hui, nous sortons une nouvelle vidéo, et tu verras, le serpent est très présent !

 

AVATAR: Hunter gatherer

Suède, Metal (Century media, 2020)

Avatar a réussi un tour de force avec Avatar country, album le plus léger de sa discographie qui lui a permis de récolter un très large public. Mais il est temps, comme l’explique lors de notre dernier entretien John Alfredsson , son batteur, de revenir à des choses sérieuses. Avatar country n’était qu’un amusement et aujourd’hui, les Suédois, avec Hunter gatherer, nous offrent son opposé, son album le plus sombre et dur. Sombre, mais varié. A l’instar de ce Colossus oppressant et inquiétant, presque doom ou du furieux Silence in the age of the apes, qui introduit l’album, Avatar se délecte de nous entraîner sur des pistes aussi inquiétantes qu’attirantes. Ce n’est pas un hasard si ces deux morceaux ont fait l’objet de videos, pour autant, les Justice, When all but force has failed, Scream until you wake ou A secret door offrent cette variété salvatrice et hypnoti qui fait la particularité d’Avatar. Bien sûr, on retrouve les ingrédients typiques du groupe: le chant varié de Johannes Eckestrom, alternant avec une aisance toujours aussi déconcertante hurlement et tendresse intime, les guitares à la fois tranchantes et sautillantes de son ex-majesté Kungen et de son complice Jonas Jarlsby, ainsi qu’une rythmique souvent déconcertante et jamais figée offerte par Tim Undstrom et John, proposant des structures si solides que rien ne peut ébranler l’édifice.  pourrait cependant effrayer certains nouveaux fans, ceux séduits par la légèreté de son prédécesseur, mais pourrait attirer plus encore tant ce metal barré est efficace. Un must qui séduira les amateurs qui suivent le groupe depuis Hail the apocalypse, voire Black waltz pour les plus anciens.

Interview: AVATAR

Interview AVATAR: entretien avec John Alfredsson (batterie). Propos recueillis par téléphone, le 10 juillet 2020

Photo promo

Metal-Eyes : Comment ça se passe en Suède, d’un point de vue sanitaire, ces jours-ci ?

John : Bien… enfin, « bien » est tout relatif. Mais… Nous survivons…

 

Metal-Eyes : Votre dernier concert était à Saint Petersbourg, le 14 mars. N’était-ce pas un peu étrange de vous retrouver entre deux états, « on va devoir rentrer » et « on doit continuer » ?

John : Oui, la Russie était, je crois, un des derniers pays à avoir fermé ses frontières. Quand nous jouions en Russie, nous ne pouvions que constater que tous les autres pays du monde fermaient, les uns après les autres, et tous les groupe que nous connaissons, qui étaient en tournée, annulaient. Nous, on était là à se demander si nous étions censés continuer de jouer… C’était étrange, vraiment…

 

Metal-Eyes : J’imagine aussi que vous ne pouviez prendre la décision d’annuler de votre propre chef pour des questions d’assurances…

John : Oui, mais d’un autre côté, nous n’avons donné que 3 concerts en Russie, en ouverture de Sabaton. Et au bout du compte, l’endroit le plus sécure est sur scène. Nous n’étions pas inquiets pour nous, plus pour le public. Nous espérions simplement que quelqu’un savait ce qu’il faisait avec cette foule, tu me comprends ? Je ne crois pas que nous, en tant qu’artistes, devons dire aux politiciens ce qu’ils doivent faire. Je ne supporte pas d’entendre des artistes demander à ce qu’on les laisse jouer, pas dans ces conditions. C’est aux autres de nous dire quand il sera temps de rouvrir, ou de fermer si c’est nécessaire.

 

Metal-Eyes : Parlons du groupe maintenant : le cycle Avatar country se termine. Que vas-tu en retenir ? A part le Covid…

John : Euh… Je crois que je me souviendrai de ce cycle comme l’un des plus amusants que nous avons vécu. Nous ne nous sommes jamais autorisés à nous permettre autant de choses que sur Avatar country. Tout était permis.

 

Metal-Eyes : Même Hellzapoppin…

John : Oui, même eux ! Ce genre de choses ! C’était très… comment dire ? « Relaxant » de pouvoir nous laisser aller. Quand nous programmions cette tournée, nous nous demandions quelle était la chose la plus dingue qu’on puisse faire, et nous avons fonctionné comme ça tout le temps. Nous ne le referons plus dans un avenir proche. C’est ce dont je me souviendrais de ce cycle, faire des choses comme accueillir Hellzapoppin sur la tournée, faire apparaître le roi sur un trône… ou faire un film !

 

Metal-Eyes : Faire un film qui ferme ce cycle. J’imagine que tu parles de The legend of Avatar country (il confirme). Ceci signifie donc que le pays d’Avatar était en réalité une légende, il n’existe pas du tout ?

John : Il existe dans nos cœurs, à jamais.

 

Metal-Eyes : Donc, « longue vie au roi » ?

John : Oui, « longue vie au roi » !

 

Metal-Eyes : Vous étiez également censés ouvrir pour Iron Maiden, dont un passage à Paris demain, 11 juillet. Etait-ce toujours sur le thème Avatar Country ou alliez-vous proposer quelque chose de neuf ?

John : En réalité, nous devions donner ce soir un concert secret dans un club de Paris. Qui aurait été le dernier show de Avatar country. Et demain, avec Iron Maiden, nous devions donner le premier concert de la tournée Hunter gatherer

 

Metal-Eyes : Un nouveau cycle s’ouvre avec Hunter gatherer. C’est un album très sombre, à l’opposé de Avatar country. Qu’est-ce qui vous a fait passer de la lumière aux ténèbres ?

John : Avatar country n’était pas supposé être un album au départ. Il devait être un Ep entre deux albums « normaux ». Quand nous avons commencé à composer, nous avions tellement de matériel que je ne parvenais pas à écarter une chanson. Alors « merde ! on fait un album ! » Ça a commencé comme une blague entre nous. Nous avons eu le sentiment à l’époque que nous devions sortir ces chansons. Et ça nous a simplement soulagés de le faire. Nous n’avons jamais eu pour vocation d’être un groupe rigolo… Avatar country, tu peux le voir de plusieurs manières : tu peux le considérer comme une comédie, mais aussi comme une critique de la société du moment. Il s’est passé tellement de choses en 2016, quand nous l’avons écrit… Nous ne parlons jamais de politique dans Avatar, mais nous avons choisi de commenter. Nous nous sommes vraiment amusés à faire cet album, et quand la tournée a commencé, c’était si plaisant de simplement pouvoir proposer des concerts aussi gros ! C’était super fun… la première semaine. Ensuite, il y a eu 150 concerts supplémentaires ! Nous parlons beaucoup et dans le tour bus, on écoutait de la musique, on échangeait et quand l’un d’entre nous a demandé ce que nous allions faire ensuite, la réponse a fusé : pas un putain d’album de comédie ! » Nous savions tous que notre prochain album devait être sérieux. Sinon, nous courions le risque d’être catalogué comme un groupe de comédie, et ce n’est pas ce qu’est Avatar. Ce ne fut qu’un petit détour.

 

Metal-Eyes : Hunter gatherer est un album plus sombre, plus heavy et plus colérique. Qu’avez-vous mis dedans ?

John : C’est certainement l’album le plus sombre que nous ayons enregistré. Une sorte de contre réaction à Avatar Country

 

Metal-Eyes : Justement, vous avez acquis tant de nouveaux fans avec Avatar country… Ne crains-tu pas la réaction de ces nouveaux fans lorsqu’ils découvriront cette autre facette d’Avatar ?

John (il réfléchit) : Non… Non. Je suis sûr à 100% qu’il va y avoir un paquet de fans qui ne va pas aimer cette facette, qui dira préférer « l’ancien » Avatar. Mais c’est toujours le cas, à chaque album… et au bout du compte, nous ne pouvons y prêter attention. Nous aimons nos fans, nous les aimons vraiment, ce sont les meilleurs fans du monde, mais on ne fait pas les choses pour eux : nous faisons les choses pour nous. Avatar, c’est réaliser ce que nous souhaitons. Si les gens aiment ça, c’est un bonus et ça nous permet de continuer. Si personne n’achète nos t-shirts ou nos disques, nous ne pourrions pas payer nos loyers, la situation serait plus complexe. Mais concernant la musique, nous la plaçons en priorité. La vente de T-shirts vient après. Quand nous composons, tant que nous sommes satisfaits, c’est le principal. Si personne n’aime ça, je pourrais me tenir debout fièrement et dire « désolé si ça ne vous plait pas, moi j’en suis fier ! Allez vous faire foutre, je ne compose pas pour vous ! » Mais oui, je suis sûr qu’un paquet de fans n’aimera pas cet album. Ils peuvent continuer d’écouter Avatar country (rires) ! L’album ne disparaitra pas…

 

Metal-Eyes : Et j’imagine qu’il est également possible que certains de ces fans les plus récents soient séduits et cherchent à découvrir votre passé, Hail the apocalypse, Feathers and flesh, Black waltz voire même avant…

John : Oui, aussi, c’est possible.

 

Metal-Eyes : Comment décrirais-tu l’évolution d’Avatar entre vos deux derniers albums, Avatar country et Hunter gatherer ?

John : Mmh… De toute évidence, nous avons changé de voie entre Avatar country et celui-ci ! Plein de choses se sont produites ces deux ou trois dernières années. Ça m’a surpris de voir autant de personnes monter dans ce train. Avatar est devenu une sorte de phénomène. Incroyable de voir ça, et comme je l’ai dit, nous avons les meilleurs fans du monde. Comment on a évolué ? Naturellement… Nous faisons ça depuis presque 20 ans. C’est assez difficile pour moi d’analyser ces dernières années parce que notre évolution s’est faite depuis le début. Nous vieillissons, devenons plus sage.

 

Metal-Eyes : Avez-vous changé votre manière de composer pour ce nouvel album ?

John : Nous avons commencé par discuter, beaucoup. Quelle sera le cadre, de quoi allions nous parler ? Dès le départ, nous étions d’accord sur le fait que ce serait l’opposé, qu’il serait très sombre, qu’il ne devrait y avoir aucune blague…Et ce ne serait pas un album conceptuel, comme c’était le cas avec Avatar country ou Feathers and flesh. Il nous fallait retourner vers des terrains inexplorés. Avatar country était une sorte d’hymne au heavy metal. A tout ce qu’on aime dans cette musique : un roi, du fantastique, tout tient dans une boite, petite. Pour Hunter gatherer, nous avons décidé de prendre une grande boite, sans limites. Il y a Silence in the age of apes, très violente, brutale, Colossus, très sombre, une autre avec du piano… Nous avons beaucoup écrit, quelque chose comme 40 chansons… et nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir à la meilleure manière de les lier, d’en faire quelque chose de cohérent, qui tienne la route. Et nous avons passé beaucoup de temps à répéter aussi…

 

Metal-Eyes : Vous avez beaucoup tourné, comme tu l’as rappelé. Quand avez-vous trouvé le temps d’écrire et de composer autant ?

John : Un des luxes que nous devons au fans, et c’est la première fois que ça nous arrive en 20 ans, c’est que nous pouvons recevoir un petit salaire. Ça aide beaucoup. Jusqu’à Avatar country, nous étions tous dans l’obligation de travailler à côté, et c’était difficile parce que nous ne pouvions nous voir qu’une heure par-ci, une heure par-là. Quelqu’un avait un empêchement… Cette fois, nous avons pu bénéficier de temps et dès que nous n’étions plus sur la route, nous nous attelions au travail. Comme nous le faisons depuis toujours au sein d’Avatar, nous voyageons ensemble. Nous avons quelques lieux de rencontre : la famille de notre chanteur a une maison dans la forêt, j’ai une maison dans la forêt, notre guitariste, Jonas, le roi, vit sur une île en dehors de Göteborg. Alors nous y allons ensemble, restons sur place une semaine, isolés dans un endroit où il n’y a rien d’autre à faire que de travailler.

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’une chanson de Hunter gatherer pour explique à quelqu’un ce qu’est Avatar aujourd’hui, ce serait laquelle ?

John (il réfléchit) : … A secret door. Je pense qu’elle résume bien l’album. Hunter gatherer explore différentes voix, très dures, très mélodiques, très industrielle, et je crois que A secret door contient tout cela. Bien sûr, je pourrais aussi dire Colossus, qui est le premier extrait. L’une ou l’autre est représentative.

 

Metal-Eyes : Colossus, la vidéo, vient d’être dévoilée au public. Quelles sont les premières réactions ?

John : Je suis en train de suivre en direct et je vois qu’il y a… 6.000 pouces levés, donc j’imagine que c’est positif. Mais je ne lis pas les commentaires. Je ne lis pas les chroniques, je suis une de ces âmes fragiles (rires). Si les gens aiment, tant mieux, mais je ne me plonge pas dans les critiques. Parce que, le pire qui puisse arriver, c’est de lire 100 chroniques qui encensent l’album et une, une seule, donne un avis différent, et ça peut être blessant… Rien que pour cette raison, j’ai décidé d’arrêter de les lire. Je sais, je dois aller voir un psy…

 

Metal-Eyes : Quelle pourrait être la devise d’Avatar pour ce nouveau cycle ?

John : Euh… « Soyez gentils » dans le sens généreux, bons.

 

Metal-Eyes : Une dernière chose : la Suède est aujourd’hui un des plus important pays du metal. On a beaucoup parlé de la scène death metal au début des années 90, maintenant, c’est un des pays qui propose les groupes les plus mainstream et variés avec des groupes comme Sabaton, Amon Amarth, Royal Republic, Ghost, vous et tant d’autres qui développent de vrais spectacles visuels. Comment expliques-tu ce phénomène ?

John (il rit) : J’adore ça ! Nous sommes assis tranquillement et tu parles d’Amon Amarth comme d’un groupe mainstream !

 

Metal-Eyes : En dehors du chant, c’est aujourd’hui plus du metal…

John : Ouais, mais si tu retournes 20 ans en arrière, tu n’en parlerais pas comme ça ! Même aujourd’hui, c’est très rapide, avec des doubles grosses caisses, des growls… Je crois que c’est plus l’époque qui change que la musique. Mais c’est vrai, il y a du spectacle, c’est très visuel. Et j’adore les fans capables de parler d’Amon Amarth, que j’adore, comme d’un groupe « mainstream » (rires).

 

Metal-Eyes : As-tu une dernière chose à rajouter ?

John : Gardez la tête froide, votre cœur ouvert et vos mains propres ! Nous sommes vraiment très impatients de vous retrouver sur la route, surtout en France. Vraiment, nous adorons la France !

 

Metal-Eyes : C’est pour ça que vous y aviez prévu un concert secret sans doute…

John : Oui, oui, absolument.

 

SABATON live à Paris ( Le Zénith, le 7 février 2020)

Il y a des jours, comme on dit, quand ça veut pas, ça veut pas! J’ai toujours aimé voir Sabaton sur scène car à chaque fois, j’ai assisté à un spectacle différent, toujours joyeux, pro et détendu à la fois. Pour un premier Zénith, ben … les étoiles ne se sont pas alignées. Pourtant, j’avais prévu le coup: une belle marge en voiture, soit 2h30 pour rallier le Zénith de la porte de Pantin depuis Orléans. Et puis voilà que le GPS annonce plus de 3 heures de route. On n’avait pas prévu que c’était le premier jour des congés scolaires à Paris. « Ben ma chérie, on y va en train… on rate le début d’Amaranthe, mais on verra la suite ». Ok. Sauf qu’une fois les billets en main, la guichetière me répond que le dernier train quitte Paris à 22h12! Quoi? Et celui de 22h58? Y’en a plus… A peine le temps de voir une demi-heure de Sabaton et il faut filer??? On tente en voiture? Même pas arrivés au rond point qui mène à l’autoroute, nous voilà dans les embouteillages… Bon, demi tour, je prends le train seul et je passe la nuit à Paname. Résultat, impossible d’arriver pour voir ne serait-ce qu’un bout d’Amaranthe… Mais juste à temps pour récupérer mon pass photo et souffler deux minutes avant que ne débute le set d’Apocalyptica.

Premier constat: la salle est blindée. Si je pensais, après le concert d’Amon Amarth, retrouver ce soir un Zénith en petite configuration, je me trompais. C’est un public massif qui a répondu à l’appel des Suédois, et c’est tant mieux. Second constat: la scène est un champs de bataille. Un vrai, avec sacs de sable et barbelés en devant de scène. Pas pratique pour les photos, mais c’est bien dans l’esprit de Sabaton et, plus encore, de son dernier album en date, The great war.

Reste que Apocalyptica – et Amaranthe – propose son concert avec ce même décor improbable. Reste que le quatuor finlandais est rôdé à l’exercice et les trois violoncellistes savent parfaitement aller chercher le public. Bien sûr, Apocalyptica est là pour présenter son nouvel album, Cell-O, dont il joue 2 extraits (Ashes of the modern world et En route to mayhem) et propose bientôt à Elize Ryd, la chanteuse d’Amaranthe, de les rejoindre le temps d’un Seeman, reprise de Rammstein. « Maintenant qu’on a réussi à la faire venir, on va la garder encore un peu, non? » Approbation du public qui se délecte d’un I don’t care qui vient clore la période « chantée ».

Grace, dernier titre original, précède une fin que le public accueille à bras ouverts, dont un Seek and destroy (besoin de rappeler de qui?) superbe, suivi de Hall of the mountain king, sans  doute moins connu du grand public (il serait temps d’offrir, en France, le succès qu’il mérite à Savatage… On ne refera pas l’histoire non plus). Et que penser de ce final explosif, ce Nothing else matters de vous savez qui aussi, repris en choeur par la foule?

Scéniquement, Apocalyptica se démène, chacun maltraitant son instrument, le traînant de bout en bout de la scène, le soulevant d’une main ou l’observant, à terre, avant de s’en ré-emparer. Apocalyptica démontre à chacune de ses prestations que le metal c’est bien plus que des guitares saturées, c’est un esprit musical entier, et l’on aura plaisir à retrouver les quatre excités en France en tête d’affiche. Les dates seront bientôt annoncées.

Un vaste voile flanqué du logo du groupe vient cacher la scène au regard du public. Les photographes ont reçu pour consigne de se rendre devant le pit à 21h pour un débriefing – en français, svp. Aucune consigne n’est donnée, en revanche, nous avons droit au pourquoi nous sommes répartis en deux groupes et à quelques conseils et infos sur ce qu’il va se passer et à quel moment nous tenir prêts. Et, surtout, le management nous donne toute liberté pour photographier autant que nous le souhaitons, tout au long du concert, rappelant qu’il y a beaucoup de pyrotechnie. Je crois, non, je suis certain, que dans une salle de cette capacité, c’est la première fois que ça m’arrive. Sabaton a, de ce point de vue, tout compris.

C’est un peu en avance sur l’horaire annoncé que retentit In flanders field avant que le rideau ne s’envole laissant le groupe envahir la scène avec Ghost division. La batterie est installée sur un gigantesque char, le fond de scène représente quand à lui une tranchée au dessus de laquelle, on ne peut se tromper, est inscrit le titre du dernier album, The great war. Et ça commence à péter de partout… Des flammes en veux-tu, en voilà, de la pyro et des lights à tomber. Joaquim, Pär et Chris investissent chaque coin et recoin de la scène, Tommy également mais est quelque peu plus discret – ou concentré – tandis que, perché tout là haut sur sa machine de mort, Hannes frappe ses fûts comme un dératé.

Le décor n’est pas tout, le groupe ajoutant divers costumes et accessoires tout au long du show: le chanteur, caché derrière un masque à gaz, vient gazer ceux qui se trouvent sur scène pendant The attack of the dead men, avant de débarquer fièrement, pendant Night witches, armé d’un bazooka dont il se sert contre le char d’assaut.

S’il est un changement notable, c’est que le chanteur, toujours aussi jovial et blagueur, perd moins de temps en discours que les dernières fois où j’ai vu Sabaton. Ce qui ne l’empêche de nous amuser avec ce qui ressemble à l’avant d’un avion – et qui cache un orgue Hammond – en présentant The red baron, dont il assurera le solo aux claviers. Mais avant, il vient taquiner quelques touches pour faire participer le public à cette chanson populaire en Suède, un seul mot, chanté en choeur « quand on a un peu trop bu: I…. kea, Ikea, Ikea… » No comment! Sur le plus lent The last stand, le public tente de lancer un circle pit, qui ne prend pas. L’attention se reporte ainsi assez rapidement vers l’impressionnant spectacle visuel que nous offre Sabaton.

Les classiques défilent à vive allure, et le dernier album est naturellement mis en avant avec pas moins de 6 extraits. Sans surprise, Apocalyptica, qui, deux jours avant la sortie officielle de The great war, avait mis en ligne, à la demande de Sabaton sa version de Fields of Verdun, vient rejoindre les maîtres de cérémonies sur Angels calling et restera là le temps de 6 morceaux, dont les classiques The lion from the north et Carolus rex.

Le groupe salue – déjà? – le public et revient pour un long rappel pendant lequel Joaquim évoque quelque souvenir dont ce premier concert parisien devant à peine… 20 personnes. Le rappel, composé de 4 titres, voit le public finir de se déchaîner et donner du travail aux agents de sécu. Sweedish pagans fini d’achever le travail en proposant un medley de leurs influences (Dio, Maiden, Accept) avant que la fête ne batte le plein sur le dantesque To hell and back.  Ce soir c’est plutôt « To heaven and back », messieurs! C’est simple, Sabaton, qui a toujours mis un point d’honneur à offrir du spectacle visuel, a ce soir donné un des plus grands concerts de sa carrière. On ne peut que les en remercier chaleureusement et leur souhaiter de grimper encore. Superbe soirée!

 

Interview: APOCALYPTICA

Interview Apocalyptica. Rencontre avec Mikko Sirén (batterie). Propos recueillis à l’hôtel Alba Opéra à Paris le 27 novembre 2019

Metal-Eyes : Tout d’abord, comment vas-tu aujourd’hui ?

Miko : Je vais bien, merci. C’est super d’être de retour à Paris.

 

Metal-Eyes : Ça fait un bout de temps, en effet…

Miko : Trop longtemps, oui. J’ai vraiment être ici. A chaque fois que je viens… Les vibrations de cette ville sont vraiment différentes de ce que je peux trouver ailleurs, c’est un endroit unique, j’aime vraiment venir à Paris.

 

Metal-Eyes : Beaucoup de temps s’est également écoulé entre vos deux derniers albums puisque Shadowmaker est paru il y a maintenant cinq ans (il confirme). Qu’avez-vous fait durant ces cinq années ?

Miko (il rit) : Que diable avons-nous fait ? C’est ça le truc, c’est pas notre faute (rires) ! Shadowmaker est sorti il y a environ cinq ans, et on a tourné pour le défendre pendant environ deux ans. Ensuite, nous avons eu l’idée d’organiser une tournée anniversaire pour célébrer les vingt ans de notre premier album, Plays Metallica by four cellos. Au départ, nous ne voulions donner qu’une vingtaine de concerts : dans les plus grandes villes Européennes, quelques dates aux USA, une ou deux en Amérique du sud et en Russie. On a organisé ces concerts en pensant qu’après nous rentrerions en studio pour le nouvel album. Lorsque ces concerts ont été annoncés, nous avons reçu d’autres demandes et ça a continué jusqu’à ce que tout échappe à notre contrôle. Encore et encore… Je ne me plains pas, nous avons adoré donner ces concerts pour ce public demandeur. Mais l’idée de ne donner que vingt concerts s’est transformée et nous avons fini par en donner 230 dans 45 pays !

 

Metal-Eyes : Onze fois plus…

Miko : Exactement, et cette tournée a duré plus de deux ans et demi. Après deux ans à promouvoir Shadowmaker, nous avons pris un mois de congés et avons attaqué directement cette tournée pendant deux ans et demi. Au final, il n’y avait aucune possibilité pour nous de nous retrouver en studio, c’est pour cela qu’il nous a fallu autant de temps. Nous avons dû trouver le temps et avons interdit à notre agent de continuer de booker des dates durant l’hiver dernier. Nous avons eu environs 7 mois off. Nous avions composé deux titres pendant la tournée, et avons consacré 5 mois à la composition et l’enregistrement du reste. Le bon côté des choses, c’est que nous avons pu constater, pendant cette tournée instrumentale, à quel point les gens étaient enthousiastes à l’idée de retrouver Apocalyptica sous cette forme : quatre violoncelles et un batteur. Ça nous a donné l’impression que c’est ce que le public attendait. Je ne veux pas dénigrer les chanteurs avec qui nous avons collaboré, chacun des cinq derniers albums avait un chanteur, mais on s’est dit qu’il était sans doute temps d’apporter quelque chose de spécial à nos fans hardcore, une façon de les remercier. Plus nous y pensions, mieux ça sonnait, et les concerts confirmaient ce sentiment. Tout comme pour la production : nous avons travaillé avec de super producteurs avec qui nous avons beaucoup appris, et nous nous sommes dit que, partant du principe que, si nous retrouvions les bases de ce que nous sommes, alors nous devions tout faire nous-mêmes, dont nous charger de la production. Le meilleur producteur du monde pour réaliser cet album c’est Apocalyptica. Nous ne voulions subir aucune influence extérieure. C’est ainsi que nous avons également produit ce disque nous-mêmes. Bref, une super longue histoire pour expliquer cette attente… Il nous a fallu tout ce temps pour réaliser que, maintenant, en 2020, nous souhaitions sortir un nouvel album instrumental, et nous remercions les fans d’avoir attendu si longtemps.

 

Metal-Eyes : Et retrouver les racines d’Apocalyptica.

Miko : Absolument. Et, encore une fois, nous ne dénigrons aucun des chanteurs, d’autant plus que nous allons de nouveau collaborer avec des chanteurs, sous peu…

 

Metal-Eyes : Tu viens de nous expliquer votre approche toute particulière de la notion de paresse (il rit). Où avez-vous trouvé l’énergie de composer après autant de concerts ?

Miko : Pour moi c’est facile, je crois que cette fois, tout le monde était si enthousiaste de la réponse du public de nous retrouver sous cette forme, et ça nous a apporté cette énergie, cette envie de recomposer. Et quand le besoin, l’envie sont en toi, même si tu es épuisé, l’énergie vient d’elle-même. Également, en donnant ces 230 concerts, nous avons senti le besoin de proposer d’autres choses, même si nous nous sommes vraiment amusés. Mais répéter un show aussi souvent te fait ressentir le besoin, parfois, de nouveauté.

 

Metal-Eyes : Jouer quelque chose qui puisse aussi être un peu plus excitant pour vous.

Miko : Oui, pour un certain temps, en tout cas. Peut être que dans cinq ans nous pourrons redonner des concerts « Metallica », mais pour le moment nous avons besoin de nouveauté.

 

Metal-Eyes : Dans votre récente biographie sur votre site internet, vous écrivez « nous avons abordé l’écriture de Cell-O comme une œuvre artistique à part entière ». Comment avez-vous abordé la composition de cet album ?

Miko : Je crois que chaque fois que nous entrons en studio, nous y allons enrichi, plus expérimentés. Grâce à nos rencontres avec d’autres musiciens, notre expérience scénique, nos expériences précédentes. Cette fois, nous sommes arrivés avec un peu plus de savoir, notamment sur les aspects techniques, comment approcher l’enregistrement. Nous savions que nous avions la capacité à le faire, à nous produire nous-mêmes, et ce fut le plus gros changement. Et Cell-Zero…

 

Metal-Eyes : Ah, c’est donc Cell-Zero et pas Cell-O… Nous allons en reparler.

Miko : Oui, on dit Cell-Zero. Dans notre histoire, nous avons créé une particule qui est la cellule Zéro. Une particule imaginaire, le plus petit atome que tu puisses imagine, invisible, mais qui est dans notre ADN. Indéfinissable… Mais qui est le commencement de tout. Un peu comme un morceau, qui n’est qu’un assemblage de particules infimes, des notes, des mélodies, des breaks, et quand tu les assembles, elles donnent une chanson. L’essence même de la chanson, tu ne peux la créer comme ça, elle vient de ton âme, de ton cœur, c’est la particule initiale, la cellule Zéro. Ceci combiné à tout ce que nous avons constaté au cours de nos voyages… C’est dingue de voir comment les gens pensent environnement, comment les gens se traitent les uns les autres, de constater de quelle manière nous plongeons dans cette sorte de chaos… Ces évènement imprévisibles… Par exemple, il y a dix ans, personne ne pensait que le fascisme allait ressurgir. Tout le monde semblait penser que ça faisait partie de l’histoire, mais en un claquement de doigts, ça revient. En même temps, la Terre hurle sa souffrance, nous dit que nous devons changer nos façons de faire. Nous pensions aussi que cette cellule zéro pouvait être cet élément qui a fait perdre aux gens leur connexion à la planète, aux autres. Nous n’avons plus d’empathie envers autrui, nous préférons nous concentrer sur l’augmentation des profits des entreprises plutôt que sur la manière de nous auto-suffire, de produire en fonction de nos besoins. L’idée de cet album est aussi politique, environnementale. En dehors de la musique et du titre de l’album, que tu comprends maintenant, nous avons voulu donner à chaque morceau un titre explicite, une sorte de portrait. Et, tu ne l’as pas encore vu, mais l’artwork illustre tout cela. Dans le livret, nous avons voulu une illustration spécifique pour chaque morceau. Ces peintures, associés à chaque titre, donnent une vision différente.

 

Metal-Eyes : Il s’agit bien de Cell-Zero, ça n’a donc rien à voir avec le célèbre dessert améericain Jell-O (il explose de rire) ou avec l’intrument, principal du groupe. Cependant, ce titre pourrait également faire penser à une cellule de prison…

Miko : Et ça c’est la partie cool… Nous, en tant que groupe de musiciens, nos seuls outils sont la musique, les titres de chansons et de l’album. C’est tout ce qu’on offre aux gens. Ensuite, à chacun de faire sa propre histoire, d’interpréter comme il le souhaite.

Metal-Eyes : Alors je vais rester avec mon interprétation de Jell-o (rires)

Miko : Oui, reste avec celle-là ! Ce truc gélatineux et translucide ! Souvent, quand on discute avec les gens, c’est beaucoup plus intéressant de savoir quel est ton ressenti plutôt que d’explique ce que nous avons voulu faire. Nous n’avons donné que l’étincelle, ensuite, ça démarre avec les gens.

 

Metal-Eyes : Je vais t’en parler dans un instant, mais avant, comment analyses-tu l’évolution d’Apocalyptica entre vos deux derniers albums, Shadowmaker et Cell-O, en dehors de l’aspect production dont nous avons parlé ?

Miko : Je crois que Shadowmaker représente la fin d’un cycle. Nous avons commencé un cycle très orienté sur le chant, nous voulions enregistrés des titres qui puissent passer en radio, et y sommes parvenus avec succès. Ce que nous avons fait également avec Shadowmaker. Ces quatre albums d’affilés sont comme une entité. Quand nous avons terminé Shadowmaker et sommes entrés dans ce cycle interminable de tournée, nous avons réalisé que ça avait été super cool de faire ces albums, mais que nous devions passer à autre chose. Revenir au côté originel d’Apocalyptica, à savoir du metal progressif instrumental.

 

Metal-Eyes : Selon moi, cet album est très cinématique, il pourrait servir de bande son au cinéma, notamment dans le registre heroic fantasy. Que reste-t-il de metal chez Apocalyptica ?

Miko : Ce qu’il reste de metal ? Je crois qu’Apocalyptica a toujours voulu récolter des iodées de partout dans le monde et les réunir autour d’une table. Le point de départ est simple : des instruments classiques et de la musique metal. Tu combines deux univers. Plus nous aavons avancé dans ce monde de violoncelles, en ajoutant des riffs, du chant…, nous avons ajouté diverses influences, tout en conservant la base : les instruments, et l’attitude. Selon moi, le metal devrait toujours être à 50% basé sur l’attitude. Pas sur le son. Mais après 20 ans, il y a plein de choses sur cette table. Tu peux encore entendre l’influence de Slayer, de tous ces groupes que nous aimons, et cette manière si particulière, unique de jouer du violoncelle. Personne d’autre n’en joue comme ça ! Selon moi, c’est ce qui reste du metal. Je crois aussi que le metal actuel a tant de règles… C’est une musique très conservatrice : pour jouer du metal, il doit y avoir ceci et cela. Et merde, quoi encore ? Le metal doit faire tomber les codes, les barrières, pas en ériger ! J’ai du mal à m’extasier avec le metal actuel, je le trouve ennuyeux, très répétitif…

Metal-Eyes : Il y a tant de groupes, aussi, et les musiciens ont un tel niveau, partout dans le monde…

Miko : Oui, c’est ahurissant ! Mais où est passé le punk, ce qui éveillerait mon intérêt ?

 

Metal-Eyes : Où est la différence ?

Miko : Exactement, la différence… J’ai beaucoup de mal à trouver quelque chose d’excitant dans le metal. Gojira reste exceptionnel, selon moi, ils ont su garder leur style originel, et c’est super. Mais c’est rare…

 

Metal-Eyes : Si tu devais ne retenir qu’un seul titre de Cell-O pour expliquer ce qu’est Apocalyptica aujourd’hui, lequel serait-ce ?

Miko : Ce serait Cell-O, le second titre de l’album. Nous avons tous le sentiment que c’est ce titre qui représente le mieux l’album. Il est très long, 11 minutes avec des parties variées, différentes, ça change tout le temps comme un organisme vivant. Eicca a composé ce titre et il voulait faire ressortir tout ce qu’il avait en tête à ce moment-là. J’adore ce morceau qui va du silence au hurlement, de quelque chose de mélodique au thrash le plus brutal et tout ce qui va avec.

 

Metal-Eyes : Vous restez un groupe de rock, vous allez tourner, en Europe vous serez avec Sabaton. A quoi devons nous nous attendre au cours de cette tournée, et prévoyez-vous une tournée en tête d’affiche ?

Miko : La tournée avec Sabaton n’est composée que de 25 concerts, sur les 200 que nous prévoyons. Ce sera une tournée exceptionnelle parce que l’approche de Sabaton est très particulière : ce sont des gens très inspirants, pas seulement parce qu’ils sont Suédois. Ils nous ont contacté en nous disant que ce n’était pas qu’un package avec des groupes qui jouent leur set. Ce qu’ils veulent, c’est que chaque groupe joue avec les autres. Un de nos violoncellistes ira jouer avec eux, la chanteuse d’Amaranthe viendra jouer avec nous, nous irons jouer ensemble avec Sabaton. Nous avons joué Fields of Verdun, de Sabaton, nous allons créer de la musique ensemble au cours de cette tournée, ce sera vraiment un échange… Après ça, nous allons aux USA, tourner avec Lacuna Coil, puis retour en Europe à l’automne, nous ferons la tournée des festivals cet été…

 

Metal-Eyes : Il y aura donc une réelle interactivité entre les groupes… Une dernière chose : quelle pourrait être la devise d’Apocalyptica en 2020 ?

Miko : Oh, mon dieu ! C’est ta dernière question ? Je suis un batteur ! Euh….

 

Metal-Eyes : Oui, mais tu connais la différence entre un batteur et un ingé son ?

Miko : Non…

 

Metal-Eyes : Un batteur sait compter jusqu’à 4, eux s’arrêtent à 2 (ouf, ça le fait marrer)

Miko : Attends, une pour toi : tu sais pourquoi Stevie Wonder ne voit plus ses amis ?

 

Metal-Eyes : En dehors du fait qu’il soit aveugle ?

Miko : Oui… Parce qu’il est marié (rires) ! J’essaie de trouver une porte de sortie… Euh… Une devise ? Ne renonce jamais !

 

Metal-Eyes : Ok ! Le temps est écoulé alors nous allons renoncer à cette interview. Merci pour toutes ces informations, nous te retrouverons le 27 février au Zénith de Paris avec Sabaton, et avant cela, avec le nouvel album qui parait en janvier 2020

Miko : Merci à toi !

Interview: ROYAL REPUBLIC

Juste avant leur concert parisien de l’Elysée Montmartre, Metal Eyes est allé discuter avec Jonas et Hannes ravis de se retrouver à Paris, malgré les mouvements de grève. Deux gaillards toujours aussi gentils et passionné avec qui il est toujours agréable de parler.

Interview ROYAL REPUBLIC. Rencontre avec Hannes (guitare) et Jonas (basse). Propos recueillis à l’Elysée Montmartre à Paris le 10 décembre 2019

 

Metal-Eyes : Tout d’abord, Club Majesty, votre dernier album est sorti il y a quelques mois. Quels sont les retours jusqu’à présent ?

Hannes : On a eu de très bons retours. On ne fait pas trop attention aux critiques, mais le public semble aimer ce disque, ce qui est sans doute le plus important, et plus important encore, c’est que nous l’aimons vraiment, nous en sommes super fiers.

 

Metal-Eyes : C’est sans doute plus facile de défendre un album sur scène quand on l’aime…

Hannes : Oui, et les gens le savent quand tu n’es pas à fond. Tu ne peux pas le défendre correctement, ils le savent, tu peux pas leur faire croire des conneries de ce genre…

Jonas : Et nous savions dès le départ, comme pour chaque album, que nous sommes ceux qui resterons coincés avec ces chansons jusqu’à notre mort. Alors, si tu n’aimes pas ce que tu fais… Certaines chansons n’ont pas fini sur l’album parce que nous devons être persuadé que chacun d’entre nous s’amusera à les interpréter. On écrit donc avant tout de la musique pour nous, et tant mieux si les gens l’apprécient.

 

Metal-Eyes : Ce qui signifie que vous composez avec la scène en tête.

Jonas : Oui, mais aussi dans le sens de l’écoute. Si on trouve une chanson bonne, avons-nous plaisir à la réécouter, aussi ? Mais évidemment, une fois que nous l’avons enregistrée, la question est de savoir comment nous allons l’interpréter live. Ce qu’on va y apporter. Et sur cette tournée, on a presque tout fait avec une guitare synthé (il affiche un large sourire).

Hannes : Mais en effet, je dirais que oui, nous écrivons vraiment en vue de la scène. C’est ce que nous faisons, et c’est ce que nous faisons le mieux. C’est ce qui nous a permis d’arriver là où nous sommes. Nous avons parcouru tout ce chemin en tournant, en jouant live. On n’a jamais eu de hit important, de grosse diffusion radio, non… Nous sommes ici grâce à nos tournées intensives depuis presque onze ans. Alors si ça ne fonctionne pas en live, ça ne nous fera aucun bien.

 

Metal-Eyes : Cela signifie-t-il que vous testez vos chansons live avant d’entrer en studio pour les enregistrer ? 

Hannes : Non, et je crois que c’est une des choses que nous devrions faire. Un des axes de progrès, nous retrouver dans un studio de répétition et travailler nos chansons ensemble.

 

Metal-Eyes : Avec du public, pour voir ses réactions ?

Hannes : Oui, ça aussi, mais avant tout, nous quatre et jouer ensemble. Pour cet album, par exemple, nous n’avons jamais joué ces chansons avant de déclencher l’enregistrement. Ce qui est étrange : chacun de son côté enregistre des démos, les envois aux autres, on est soit d’accord soit pas, et si les pouces sont levés, nous continuons de travailler les chansons. Mais toujours à l’ordinateur, programmant des trucs – évidemment, la basse et la guitare, on doit jouer – mais je crois que nous devons (à Jonas) et c’est mon opinion, je crois que nous devrions commencer à jouer nos chansons ensemble dans une même salle avant d’enregistrer (Jonas approuve). Pour nous assurer que ça fonctionne comme nous le voulons, que nous nous sentons bien avec, et, accessoirement, nous les approprier, trouver « accidentellement » ces petites choses qui feront la différence. Les accidents, ça arrive, et parfois, c’est très positif.

 

Metal-Eyes : Comment analyseriez vous l’évolution de Royal Republic entre vos deux dernier albums, Week end man et Club majesty ?

Jonas : Il y a un point commun : il y a toujours eu chez nous ce côté Rock meets disco, un esprit assez dansant

 

Metal-Eyes : Ce qui est encore plus flagrant sur Club majesty…

Jonas : Depuis le premier album, ça a toujours été le cas. Le titres les plus dansants sont ceux qui marchent le mieux, les préférés du public. A partir de là, on s’est dit, après Week-end man, que nous devions aller encore plus dans cette direction dansante. Nous apprécions vraiment ça…

 

Metal-Eyes : C’est plus que simplement du rock’n’roll…

Jonas : Oui, oui !

Hannes : C’est une évolution permanente depuis la toute première chanson que nous avons écrite. Beaucoup de critiques disent que nous avons changé notre son. Je les comprends, mais je ne suis pas d’accord : si tu écoute notre premier album, il y a Full steam space machine avec ce rythme très disco. Depuis le début. Je ne dirais pas que nous avons changé de voie mais que c’est une évolution naturelle depuis le premier jour de notre rencontre, de la formation du groupe. Et je crois que nous avons créé un foyer. Nous sommes vraiment bien avec ce que nous jouons. Nous ne sommes pas un groupe progressif dans le sens où nous aimons tenter des choses, développer… Qui sais, peut-être que le prochain album sera du death metal core ! (rires)

 

Metal-Eyes : Au moins, vous ne vous répétez jamais, il y a toujours quelque chose de nouveau. Et en tant qu’auditeur, je trouve ça important d’être

Hannes : Je le crois aussi, et c’est valable aussi pour nous quatre : tester, nous surprendre… Si nous restons coincés dans une routine, ce ne serait pas bon…

 

Metal-Eyes : Ce qui peut être un des éléments de réponse de ma question suivante. La première fois que nous nous sommes rencontrés, Hannes, c’était dans un hôtel à Paris et Adam (chant, guitare) était présent. Il avait dit que votre première rencontre entre lui et toi, était assez bizarre, que vous n’étiez pas dans le même monde. Comment expliques-tu, et la question s’adresse aussi à toi, Jonas, que presque 15 ans après vos débuts vous soyez toujours ensemble là où tant d’autres formations connaissent de réguliers changements de line-up ?

Hannes : C’est une très bonne question… En fait, c’est assez drôle : Per, Adam et moi étions dans le bus hier soir. Nous disions exactement ce que tu viens de dire : nous sommes quatre personnalités complètement différentes, on se disait que c’est quand même hallucinant que onze ans après on s’entende toujours aussi bien, que nous soyons les meilleurs amis du monde. Et c’est dingue, parce que comme tu l’as dit, notre première rencontre était plus que bizarre. Nous n’avions rien de commun les uns avec les autres, nous étions si différents. La seule chose commune c’était notre amour de la musique et quand nous jouions ensemble ça sonnait si bien !

 

Metal-Eyes : Alors comment expliquez-vous être encore ensemble onze ans après ?

Jonas (il écarquille les yeux) : Du respect mutuel…

 

Metal-Eyes : J’adore le regard de Jonas, ces gros yeux intrigués ! (rire général)

Jonas : Oui, mais il faut dire que le temps passe vite quand tu t’amuses. Ça fait de nombreuses années passées ensemble, mais nous avons été chanceux, bénis, de trouver cette harmonie au sein du groupe, avec le crew sur la route aussi. On est souvent séparés de nos familles, mais sur la route, nous sommes avec notre seconde famille. Et c’est comme dans toute famille, parfois c’est difficile, mais la plupart du temps tu passes de bons moments. Nous sommes comme des frères. J’ai un vrai frère, et parfois on se dispute, d’autres, on est solides. (A Hannes) Comme tu l’as dit, la musique nous lie, c’est notre colle magique.

Hannes : Oui, et nos différences, personnelles et musicales – il y a beaucoup de désaccords et de disputes quand on enregistre, des pleurs… Au final, nous sommes capables de ne retenir que le meilleur de chacun, des opinions, avis, apports et nous finissons toujours par réaliser quelque chose que nous pouvons soutenir, que chacun de nous aime vraiment et dont nous sommes fiers. On s’est demandé comment nous étions parvenus à intégrer autant de disco, mais j’en suis arrivé au point où je n’ai pas envie d’en changer, j’ai peur de ce qu’il pourrait se produire. Tout comme s’il y avait plus de mélodie… Mais une chose est sûre et doit être dite, c’est que nous nous aimons vraiment tous les quatre (Jonas approuve) et nous somme des amis très proches.

Jonas : Aussi parce que chacun de nous aime tant la musique que personne ne veut faire les choses à moitié. Il y a quelque chose de plus que de simplement composer…

 

Metal-Eyes : Alors, si chacun de vous devait ne retenir qu’une chanson de Club majesty pour expliquer ce qu’est Royal Republic aujourd’hui, laquelle serait-ce et pourquoi ?

Jonas : Je dirais… Can’t fight the disco est assez représentative de ce qu’est cet album. Il y a un message dans la chanson, mais aussi ce côté dansant et très rock à la fois. On ne veut que proposer quelque chose d’irrésistible au public. Et le côté dansant est un très bon moyen de voir le gens se dandiner, lever les bras et sourire. On ne veut pas lancer des mosh pits ou des… comment ça s’appelle ? Des wall of death, on ne veut que voir les gens heureux et sourire. Leur énergie nous est transmise, et c’est si bon parce que le pouvoir de la musique est là, même quand quelque chose va mal. Alors on leur rend cette énergie.

Hannes : Pour moi, ce serait… Fire man and dancer est aussi un bon morceau. Je crois que ces deux titres sont ce que nous faisons vraiment de mieux aujourd’hui.

 

Metal-Eyes : Les deux chansons ont trait à la danse… La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, au Cabaret sauvage en 2017, tous trois, Per était avec nous, me disiez que ce type de salle correspondait parfaitement à Royal Republic. Vous jouez ce soir à l’Elysée Montmartre qui a une plus grande capacité. Que pensez-vous de cette salle ?

Jonas : J’adore cet endroit ! Je trouve cette salle superbe, l’architecture est belle, et en France, les salles sont généralement très belles. On est très heureux de la manière dont nous sommes accueillis et traités… Il y a des toilettes, des douches… On ne demande pas la lune, mais il y a des endroits où quand on demande si on peut se doucher, la réponse est « oui, à l’hôtel. 4 kilomètres » ! Et c’est aussi un bon indicateur du fait que le travail paie.

Hannes : C’est plus ou moins la taille idéale pour nous. Quelque part entre 1600 et 2500 personnes, c’est l’idéal : assez grand mais on peu toujours interagir avec le public. Le premier rang n’est pas à 10 mètres de toi.

 

Metal-Eyes : Vous avez pu visiter un peu les alentours ? Pas en métro puisque tout est fermé…

Jonas : Je me suis promené dans le quartier, oui. J’ai trouvé ça super cosy, avec toutes ces boutiques où j’ai pu faire quelques achats pour Noël. Nous sommes venus plusieurs fois à Paris, les deux premières fois nous avons fait les choses typiquement touristiques comme la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe. On a pu voir des choses très touristiques et des bars où les gens vont mourir (rires) !

Hannes : Je suis monté pour voir le Sacré cœur, que j’ai visité pendant une demi-heure. C’est très beau, et une belle balade.

 

Metal-Eyes : Une belle balade, une sacrée montée des marches aussi. La dernière fois que je suis monté, nous avons dû le faire deux fois.

Hannes : Non, pourquoi ?

 

Metal-Eyes : Les personnes avec qui j’ai fait la visite voulaient voir certaines choses. Et une fois redescendus, l’une d’elles me dit « oh, non ! On a oublié d’aller Place du Tertre ». On est repartis, à pieds…

Hannes : Oh non (rire général) ! En plus c’est crevant comme montée !

 

Metal-Eyes : Les concerts ont toujours été très visuels. Qui se charge de vos tenus et de la scène ?

Hannes : Nous créons nos vêtements nous-mêmes. On y réfléchi ensemble, et les lumières, c’est Tommy qui travaille avec nous.

Jonas : Nous, on a l’idée, un budget, on lui en fait part et lui nous dit si c’est faisable ou pas.

 

Metal-Eyes : Dernière question : quelle pourrait être la devise de Royal Republic en 2020

Jonas : « On n’est peut être plus un groupe de rock mais quand on joue, ça rocke ! »

Hannes : C’est pas un peu prétentieux ?

 

Metal-Eyes : Allez, c’est parti pour une dispute !

Hannes : Oui, tu vois ! Tu vois, on y arrive (rires). C’est une question difficile. J’aime bien ça… Attends, quelque chose d’intelligent…

 

Metal-Eyes : Celle de Jonas est catchy, la tienne sera intelligente.

Hannes : Ah, je n’ai rien de court… comme je l’ai dit, j’aime ce que nous faisons et c’est ainsi que je veux continuer car je me sens comme à la maison. Mais je pense que…

 

Metal-Eyes : Ça pourrait être « continuons de faire ce que nous faisons de mieux »

Jonas : Oui, merci ! C’est ça… Nous allons continuer d’évoluer et de nous améliorer.

Hannes : Exactement.

 

ROYAL REPUBLIC: Live à Paris (l’Elysée Montmartre, le 10 décembre 2019)

En pleine période de grève des transports qui affecte surtout les Franciliens, je parviens avec patience à rallier la Gare du Nord avant de me rendre à pieds à l’Elysée Montmartre. Une vingtaine de minutes de marche pour retrouver Royal Republic que je dois interviewer avant le concert (interview à découvrir bientôt). Autant dire qu’une fois sur place, j’adopte le principe du « J’y suis, j’y reste ».

La salle se remplit lentement (la foule est encore en train de faire la queue au vestiaire, plus longue que jamais) alors que Blackout Problems entre en scène. Le quatuor allemand – que les fans ont déjà pu découvrir au Forum de Vauréal un gros mois plus tôt, toujours en ouverture de RR – propose un soft rock qui mèle entrain et énergie. Mario Radetski, le chanteur guitariste ne tarde d’ailleurs pas à se mettre le public dans la poche en sautant les barrières de sécurité, avec sa guitare et son pied de micro, pour s’installer au milieu du public qui l’entoure et n’a plus d’yeux que pour lui jusqu’à ce qu’il remonte sur scène.

Souriant et charmeur, le chanteur s’adresse au public dans un français qu’il préfère abandonner, et fait preuve de beaucoup d’humour (j’adore lorsqu’il demande à tout le monde de participer, « même vous là haut, au balcon! – vide, le balcon!) Et il sait s’y prendre, le gaillard lançant, juste avant Queen, des « One two » repris par le public avant d’y aller un français avec des « Un deux » qui ont pour écho « Un deux, un deux trois quatre » de tout un parterre qui saute et danse au rythme de ce rock aux sonorités électro.

Ce concert n’est que le second que donne le groupe à Paris. Mais Mario en profite pour annoncer que Blackout Problems y jouera bientôt en tête d’affiche, le 7 février, au 1999, une nouvelle salle située rue Saint Maur.

 

Si la queue au vestiaire commence à réduire, le public se tasse en salle. Les morceaux choisis pour l’entracte sont assez explicite de la soirée à venir, et en lien avec l’esprit du dernier album de Royal Republic, plus disco que jamais: tous les grands tubes disco des 70’s sont

de sortir, de Upside down à Born to be alive en passant par Heart of glass et Le freak)

Un peu avant l’heure, la salle est plongée dans le noir avec en guise d’intro You sexy thing (Hot Chocolate). Puis le quatre Suédois entrent en scène en costards rutilants,  avec un doublé du dernier album, Fireman & dancer suivi de Can’t fight the disco qui mettent tout le monde d’accord. Le public saute et commence à danser. Adam est en voix et prouvera toute la soirée être dans une forme resplendissante, Jonas très énergique, Hannes plus concentré se lâche avec plaisir, tandis que Per se la joue cool et puissant derrière son kit.

Sur Underwear, Adam fait venir un technicien sur scène pour lui envoyer sa guitare avant de rejoindre Per et s’empare d’une baguette. Les deux proposent ainsi un duo de batterie très sympathique. Puis c’est le trépidant Full steam spacemachine pour lequel Adam incite le public à sauter.

Jonas s’empare d’une guitare synthé pour proposer les intros de Jump (Van Halen) et de The final coutdown (Europe) avant un Stop movin’ irrésistible. Qui a déjà vu Royal Republic le sait, ce groupe donne au public autant que ce dernier lui envoie en retour. C’est un perpétuel échange d’énergie, de fun et de bonne humeur. Adam rapidement présente ses compagnons: « mon ami Jonas, à la basse. Mon ami Per. Et Hannes… l’ami de tout le monde! » avant de se présenter pour la première fois d’un simple : « My name is Adam ».

Tommy Gun débute avec l’invitation que lance Adam à une jeune femme à le rejoindre sur scène. Il lui passe sa guitare, elle joue, lui ne se chargeant que de plaquer les accords. Quelques pas de danse avant la question: « quel est ton nom?  – Julie! – Je m’appelle Adam! » un bisou, et au revoir!

Le concert touche à sa fin et Adam propose au public de faire semblant. Le message est en gros: « On va faire comme si on partait, parce que le rappel est obligatoire. Si on n’en fait pas, on n’est pas payés. Alors on s’en va, vous criez, on revient ». Dont acte, et un final de trois chansons suivie d’un Ace of spades (Motörhead) chanté par Jonas (ça fait drôle de voir un Lemmy aussi classe!) avant que Baby ne sonne la fin des festivités.

Comme à son habitude, le quatuor a transformé ce concert en une vraie fête. Le parterre est devenu dancefloor, et c’est un public heureux qui s’en retourne… faire la queue pour récupérer ses affaire au vestiaire. Un superbe dernier concert de 2019 pour Metal Eyes. Que 2020 nous en apporte plein des comme ça.

Merci à Live Nation et à Roger Wessier.

AMON AMARTH live à Paris (Le Zénith, 25 novembre 2019)

C’est un Zénith en petite configuration qui accueille le grand – et brutal – cirque viking ce soir. Une affiche 100% suédoise (OK, exception faite d’une chanteuse et d’un batteur…) débarque à Paris: Hypocrisy, Arch Enemy et Amon Amarth! Mais avant de pénétrer dans ce si fameux Zénith du parc de la Villette, quelques surprises nous attendent: Peet se voit interdire de fumer une cigarette sur le gigantesque parvis en plein air tandis que je me vois invité à quitter ce même endroit où l’on n’a plus le droit de traîner et de passer un simple appel… Il y aura mieux plus tard: alors que Hypocrisy en est au milieu de son set, Phiphi, mon ami créateur du logo de Metal Eyes, erre dans les coursives pour entrer dans la salle. Les rideaux des escaliers tirés, on lui interdit le passage. Comme on le fait au théâtre une fois la pièce commencée. Pour un concert de rock, où l’on est censés circuler librement, les restrictions deviennent lourdingues…

Passons sur ce coup de gueule pour entrer dans le vif du sujet: c’est donc un Zénith en configuration presque minimaliste qui accueille quelques 3.000 spectateurs. La scène a même été très avancée, les crash également, laissant un vaste espace entre la scène et le public. Mais quand on voit la gueule des bouches à feu, on se dit que c’est sans doute mieux ainsi! Si Amon Amarth n’a pas, en France et hors festival, la capacité à remplir un Zénith, la salle s’avérera bientôt une nécessité au regard de la gigantesque production de ce soir (ce qui pourrait bien être le cas aussi pour Sabaton, en février prochain pour une autre affiche en jaune et bleu).

 

Trois groupes sont ce soir à l’affiche. Tout d’abord Hypocrisy qui ouvre les hostilités avec son death rageur. Mais voilà: la scène est noyée sous la fumée, une fumée blanche épaisse comme un mur qui empêche le public de voir une quelconque forme de spectacle. Et lorsqu’enfin ce fog se dissipe, on peu distinguer les musiciens dans une belle lumière verte ou d’un blanc sec, avant que le technicien appuie de nouveau longuement sur le bouton… Alors que dire? Superbe prestation? Loin d’être un fan invétéré du combo de Peter Tägtgren, je préfère écouter de loin, monter dans les gradins, constater qu’il y a encore beaucoup de brouillard. Une bière s’impose.

Le changement de plateau se fait en moins d’une demi-heure. Arch Enemy est visiblement très attendu. La scène est très métallique, des spots enfermés dans des cages du plus bel effet projettent l’ombre des barreaux qu’ils balayent. Michael Amott et sa bande sont certes concentrés mais sont en forme. Il faut dire que Paris, ils connaissent bien, que le public a toujours été présent. Si les regards se tournent naturellement vers Alissa White-Gulz, la vocaliste sait comment séduire ce public: comme elle le fait toujours, avec douceur et en français. Mais quelle puissance quand elle se met à growler!

Pendant près de 45′, le quintette dispense une setlist des plus puissantes superbement mise en lumières. Evidemment, certains titres résonnent plus que d’autres en ces heures troubles (War eternal, No gods, no masters) mais on se délecte des Ravenous, Under the black flag we march et autres Dead bury their dead. Arch Enemy nous a offert une très belle prestation, belle mise en bouche avant le gros morceau qui arrive!

Une immense toile noire cache la scène qu’on imagine déjà énorme. Casque ou drakkar en guise d’estrade de batterie, peu importe, ce qui compte ce soir c’est le spectacle que nous promet Amon Amarth. Cela fait maintenant plus de 3 ans que les Suédois n’ont pas mis les pieds dans notre ville, leur dernière venue remontant au 7 novembre 2016, au Casino de Paris. Le public est chaud lorsque la salle est une nouvelle fois plongée dans le noir et que retentissent les premiers couplets d’un certain Run to the hills.

Puis, dès que tombe le rideau, dès qu’apparaissent Olavi et sa bande, c’est une débauche d’énergie. De la lumière, du bruit et de la fureur pendant une heure trente. Le casque de viking sur lequel trône la batterie est désormais agrémenté de deux écrans en lieu et place des yeux. Ecrans qui permettent quelques judicieuses animations venant compléter celles in vivo. Car dès Runes to my memory, Amon plonge son public dans un enfer de flammes et de fumées, à commencer par le logo du groupe qui, disposé de chaque côté de la batterie, s’embrase et brûle tout au long de cet imparable titre. Puis les bouches à feu entrent en action. Disposées un peu partout sur scène, des colonnes de feu égaillent Death in fire.

Si chaque membre est à fond et connait parfaitement sa partition – on notera particulièrement l’acharnement de bûcheron de Jocke Wallgren, le « petit » dernier à la batterie – Johann Hegg semble particulièrement heureux d’être de retour dans notre capitale. Plus que ses paroles qui caressent le public dans le sens du poil (les classiques « Que c’est bon d’être enfin de retour à Paris! » et autre compliments), c’est son large sourire qui en dit le plus sur son état. Le chanteur semble aujourd’hui complètement remis de accident de cascade dont il avait été victime en mars dernier.

Il joue avec le public, grimpe sur son « ego riser » se prenant un jet de fumée en pleine face, ne laissant apparaître que ses bras. Et, prenant le public à contre pied, c’est en plein milieu du concert que les canons à confettis entrent en oeuvre, émaillant la salle de scintillements du plus bel effet.

Si visuellement le show est énorme, musicalement, le public est aussi servi. Naturellement orienté sur les deux derniers albums, les grands classiques d’Amon Amarth sont aussi, heureusement, de la partie. Une set list irrésistible qui résume bien la carrière des vikings. First kill, Deceiver of the gods, The way of the vikings, Guardians of Asgaard, tout y passe. Et le désormais incontournable Raise your horns annoncé par un Johann qui s’empare de sa corne « judicieusement » placée à sa ceinture, au cas où. On se doutera que ce titre ne fera plus partie de la setlist le jour où le chanteur n’en sera plus équipé…

Le rappel constitue peut-être le seul point de frustration du concert: après tant d’énergie, les deux titres finaux (The way of the vikings et Twilight of the thunder god)  passent à une vitesse folle. Mais une chose est certaine, c’est que ce soir Amon Amarth a livré un concert exemplaire et dantesque de bout en bout. Superbe soirée!

 

SABATON: The great war

Heavy metal, Suède (Nuclear Blast, 2019)

En quelques années, grâce à des albums impeccables et des concerts exemplaires, Sabaton s’est imposé comme un des fers de lance de la scène metal actuelle, ce malgré une carrière  qui voit la bande à Joakim Broden et Pär Sundstrom célébrer cette année son 20ème anniversaire. Force est cependant de reconnaître que les deux fondateurs ont pris la décision qu’il fallait en remodelant complètement le groupe avant l’enregistrement de Heroes. Depuis, Sabaton navigue de succès en succès et sa double prestation en roue de secours du Hellfest (on rappelle pourquoi?) ne fera qu’embellir encore l’aura des Suédois. Après avoir conté des épisodes de bravoures au cours de l’Histoire avec The last stand, Sabaton se plonge aujourd’hui, avec The great war, dans la première guerre mondiale. Toujours sur fond de ce metal joyeux, enjoué et entraînant, le groupe nous emporte dans ces sombres années de la grande guerre. The future of warfare, qui introduit l’album, déroute quelque peu par ses aspects lents et sérieux. Les touches plus prononcées d’électro – qu’on retrouve de façon plus importante que dans les derniers albums – y sont pour beaucoup. Heureusement, dès Seven pillars of wisdom – qui traite d’un certain Lawrence d’Arabie – on retrouve la recette qui fait mouche. La suite est une fête non stop composée de ces refrains imparables (The attack of the dead men et son refrain saccadé, Devil dogs et ses choeurs…) The red baron (de son vrai nom Manfred von Richtofen, pilote de légende) explore avec efficacité de nouveaux horizons et ses claviers typés orgue d’église et un rythme qui accélère subrepticement. L’album se conclue avec le mélancolique et lourd The end of the war to end all wars mais surtout avec le superbe chant In flanders fields. Une prière émouvante qui vient clore un album qui, sans conteste, divisera de nouveau; les anti vont le détester – il y en a encore, qu’ils passent leur chemin – les fans vont adorer – il y en a de plus en plus. La preuve? The great war est déjà entré dans les char(t)s mondiaux. On notera aussi, comme ce fut déjà le cas sur l’album précédent, la richesse des notes qui accompagnent chaque chanson. Alors pour le metal, le show et le fun: vivement le Zénith à Paris! Pour ceux qui le souhaitent, vous pouvez retrouver l’interview que Joakim a accordée à Metal Eyes ici: Interview Sabaton